Pauvre Vahid!

Vahid Halilhodzic, sélectionneur des Lions de l'Atlas.

Vahid Halilhodzic, sélectionneur des Lions de l'Atlas.. Omar Taibi

Et si, dans un accès de lucidité, on se décidait enfin à admettre l’évidence et reconnaître que le football marocain ne vaut pas mieux que ce qu’il a montré?

Le 11/06/2022 à 09h38, mis à jour le 11/06/2022 à 11h19

Ce n’est un secret pour personne, Fouzi Lekjaa, président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) et ministre délégué, chargé du Budget, est très fortiche en maths. Manipuler les chiffres, les formules et les probabilités, c’est son truc. 

Il a dû donc estimer les chances qu’a l’équipe du Maroc de passer le premier tour de la Coupe du monde 2022. Dans un groupe composé de la Croatie, vice-championne en 2018, de la Belgique, demi-finaliste, et du Canada, qui a dominé les Etats-Unis et le Mexique, lors des éliminatoires de la zone Concacaf, les chances du Mountakhab sont si minimes que ses matchs risquent d’être interdits des sites de paris en ligne. 

Et la débâcle du match contre les Etats-Unis (3-0) est venue confirmer la réalité. Une déception de plus. Un échec de plus. Et une nouvelle fois, les observateurs, les médias et le citoyen lambda ont ouvert le même procès, celui censé identifier un responsable de ce ratage et le clouer au pilori. 

Mais contrairement aux anciens échecs, où tour à tour, on pointait le sélectionneur surpayé, les joueurs «de l’étranger» sous-motivés ou les dirigeants fédéraux incompétents... aujourd’hui, il n’y a qu’un seul coupable: le pauvre Vahid. 

Il a été attaqué par les pro-Ziyech, un joueur qui exige son départ pour qu’il revienne jouer en équipe nationale (peut-il le faire à Chelsea?). Il reçoit des insultes à chaque match. Son parcours avec les Lions, qui est presque parfait à l’exception de la sortie en quart de finale de la CAN, a été minimisé. 

Certes, on a disputé presque tous les matchs des éliminatoires du Mondial qatari à domicile contre des adversaires de seconde zone, mais une qualification reste une qualification. 

Et si, dans un accès de lucidité, on se décidait enfin à admettre l’évidence et reconnaître que le football marocain ne vaut pas mieux que ce qu’il a montré? Certes, Vahid Halilhodzic peut (et doit) être critiqué pour ses choix, les joueurs pour leur prestation et la Fédération pour certaines de ses décisions. 

Mais rien ne dit qu’un autre sélectionneur et un autre effectif auraient eu davantage de succès. Et bien malin celui qui pourra livrer une recette clés-en-mains pour refaire du Maroc une «grande nation de football».

Le meilleur moyen de réaliser un objectif, c’est d’abord de s’assigner un objectif réalisable. Et dans l’état actuel des choses, dépasser le premier tour de la Coupe du Monde est au mieux un rêve, au pire un délire. 

Aujourd’hui, le football vert et rouge a d’autres priorités. La FRMF doit d’abord mettre sur pied un championnat digne de ce nom, capable de fournir des joueurs à l’équipe nationale. Car croire que notre Botola est au niveau en raison des sacres de certains clubs en compétitions africaines est un doux euphémisme. Le Wydad, le Raja et la Renaissance de Berkane sont l’exception qui confirme la règle. À l’exception de ces trois équipes, aucune autre formation made in Botola n’arrive à se qualifier pour la phase de groupes de la Ligue des Champions ou la Coupe de la CAF. 

Et pour espérer avoir une ligue digne de ce nom, il faut impérativement stopper les magouilles qui y règnent tel le trucage des matchs dont s’est rendu coupable Noureddine Baidi, président du Club Athletic Youssoufia de Berrechid et membre de l’ancien bureau dirigeant de la FRMF. 

Nul besoin donc de calculette et sans gaspiller d’encre, de papier ou de craie, pour le bien de la planète et surtout du football marocain, concentrons-nous sur l’essentiel. Pour les exploits de l’équipe nationale, on verra plus tard...

Par Adil Azeroual
Le 11/06/2022 à 09h38, mis à jour le 11/06/2022 à 11h19