On est d’accord, l’événement qui tient les amateurs du ballon rond en haleine n’est ni la Ligue des Champions africaine, dans laquelle le Wydad est un des grands favoris pour le sacre final ni la RSB qui joue les demi-finales de la Coupe de la CAF et encore moins la finale de la C1 européenne entre deux clubs historiques: Liverpool et le Real Madrid.
La grosse actualité du moment est le sort de Vahid Halilhodzic à la tête des Lions de l’Atlas. Oui, d’accord, le scénario est ficelé comme un pitch de film hollywoodien: l’accusé, qui a un nom difficile à retenir (on dirait une marque bosniaque de jus de fruits), est un entraîneur arrogant, têtu, campé sur ses positions et qui prive des jeunes de porter le maillot national. Les victimes sont de pauvres joueurs, qui aiment leur pays et refusent pourtant de le représenter en raison de la présence du Franco-bosniaque sur le banc de l’équipe. La mise en scène, c’est carrément du Spielberg, entre séquences-chocs télévisées, vraies-fausses fuites dans la presse et déclarations tonitruantes. Mais tout cela ne doit pas nous émouvoir outre mesure. L’affaire est plus compliquée qu’elle n’en a l’air.
Pour mieux comprendre, un petit retour en arrière s’impose. Au temps d’anciens sélectionneurs (pas tous), le cercle de l’équipe nationale était dirigé par certains agents de joueurs qui y soufflaient le chaud et le froid. Ils décidaient quels joueurs devaient être convoqués, qui méritaient de jouer et écartaient d’autres qui, pourtant, avaient plus de mérite.
Le président de la Fédération royale marocaine de football, Fouzi Lekjaa, et certains cadres de l’instance ont eu vent de ce qui se tramait à l’intérieur de la tanière et ont contre-attaqué en ramenant un nouveau patron qui ne jure que par la rigueur, la discipline et qui, tout à son honneur, a fermé toutes les portes devant ces personnes nuisibles.
Résultat: une campagne de lynchage médiatique s’est abattue sur le Franco-bosniaque et sa tête a été mise à prix.
Demander le départ d’un sélectionneur est un droit, une obligation même, si ce dernier échoue dans sa mission. J’aurais bien aimé voir des analyses pertinentes des anti-Vahid démontrant par a+b son échec. Malheureusement (ou curieusement), l’acharnement est dépourvu de sens et se base essentiellement sur ses lacunes de communication. Seulement, un sélectionneur national n’est pas jugé sur sa qualité d’énonciation, mais sur ses résultats sportifs. Et sur ce point, coach Vahid a légèrement dépassé la moyenne en qualifiant le Maroc pour sa deuxième Coupe du Monde de suite, après un parcours exemplaire lors des éliminatoires (7 victoires et 1 nul en 8 matchs), et en réalisant une montée spectaculaire dans le classement FIFA (de la 42e à la 24e place). Seul point noir: l’élimination, indigeste, à vrai dire, en quart de finale de la dernière Coupe d’Afrique des Nations.
Même sa gestion du dossier Ziyech-Mazraoui ne peut être considérée comme un échec, puisqu’il a fini par les convoquer au barrage du Mondial contre la République démocratique du Congo. Une démarche qui a buté sur le refus des deux joueurs de rejoindre le rassemblement des Lions, qui selon des proches du dossier veulent que le coach se déplace à Londres et à Amsterdam pour les convaincre de venir. Un retour vers le futur qui rappelle l’ère Renard.
La rigueur et le respect des règles qui, jusqu’à un passé très proche, étaient considérés comme les qualités d’Halilhodzic, sont devenus, comme par enchantement, ses principaux défauts.
Cet acharnement dépasse le cadre d’une querelle entre entraîneur et joueurs. C’est toute l’institution Équipe Nationale qui est ciblée. Ceux qui n’arrivent plus à y accéder par la porte tentent une intrusion par la fenêtre en s’attaquant à Vahid et aux cadres de la FRMF.
Lekjaa va-t-il céder à la pression? Laissera-t-il le sort de l’équipe nationale entre les mains de ces personnes?
Aujourd’hui, c’est à vous de jouer, Monsieur le président!
