À la fin de la première décennie de ce 21e siècle, nous avons vu le football marocain sombrer, petit à petit, dans une léthargie sans fin. Aux contre-performances de la sélection, incapable d’accéder aux compétitions continentales et mondiales, répondait la triste mine des clubs, endormis dans un championnat sans saveur et se contentant des rôles de figuration dans les joutes africaines et arabes. Et puis, un jour, sans crier gare, un rayon de soleil a fini par percer ce ciel nuageux.
C’était il y a 12 ans, grâce à un club sur lequel peu misaient un dirham mais qui est devenu, après un parcours héroïque, la fierté des Marocains. En remportant la Coupe de la CAF 2010, le Fath Union sport n’a pas seulement ajouté une ligne au palmarès des clubs Rouge et Vert. Cette équipe a aussi réveillé en nous l’envie et, disons-le, l’espoir d’un retour à l’âge d’or du football marocain. Les poulains de Ammouta nous ont surtout donné une petite leçon de volonté, résumée en une seule phrase: il faut continuer d’y croire.
Et à nouveau, le cœur des amoureux du foot s’est remis à battre pour la Botola. Et l’on s'est surpris à rêver d’une compétition relevée, d’équipes compétitives, de supporters criant les slogans d’équipes du cru, plutôt que d’ânonner ceux du Barça ou du Real, et d’une équipe nationale digne de ce nom, capable de disputer régulièrement la Coupe du Monde et de jouer les premiers rôles en Coupe d’Afrique des Nations.
Le 13 avril 2014, un homme a pris les commandes de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), Fouazi Lekjaa, et donné corps à ce rêve-là.
Les efforts de l’instance dirigeante du football national ont fait de la Botola le meilleur championnat du continent. Ce leadership s’est confirmé avec les résultats des clubs marocains dans les compétitions interclubs de la CAF: la Coupe de la Confédération est devenue une spécialité des clubs made in Morocco et en Ligue des Champions, le Wydad bouscule régulièrement les ténors du continent, les Égyptiens d’Al Ahly.
Concernant l’équipe nationale, la vraie vitrine de la FRMF, elle a retrouvé sa place sur l’échiquier du football africain et mondial. Alors qu’on se faisait souvent éliminer dès le premier tour des CAN et qu’on n’arrivait plus à atteindre le Mondial, aujourd’hui, les Lions de l’Atlas sont qualifiés pour leur seconde Coupe du Monde de suite, font bonne figure lors des tournois africains et pointent à la 22e place au classement FIFA.
Ces résultats sont le fruit d’une seule et unique idéologie, la méritocratie. Ce système dans lequel le mérite détermine la hiérarchie. Ainsi, et se basant sur le modèle du FUS, Fouzi Lekjaa a mis les bonnes personnes au bon endroit pour que chacune, dans son domaine d’expertise, apporte sa pierre à l’édifice.
Mais depuis quelques semaines, certaines voix se sont élevées cherchant à créer des fissures sur la vitrine du football marocain réclamant la tête du sélectionneur Vahid Halilhodzic. La raison: ses différends avec Hakim Ziyech.
Pour bien comprendre, il faut changer le numéro 1 de la sélection parce qu’un membre de son équipe ne veut plus revenir tant qu’il est en place.
Ce même joueur qui, depuis qu’il a honoré sa première sélection en 2015, est toujours une source de problèmes. Il est, probablement, l’un des plus doués de sa génération, mais avant même son différend avec l’actuel sélectionneur, ses prestations étaient transparentes. En 7 ans, le garçon n’a jamais vraiment eu de continuité et compte à peine 40 sélections, alors qu’à son âge (29 ans), il aurait dû en comptabiliser une centaine.
Dans les grands rendez-vous, comme les deux seules phases finales disputées avec les Lions de l’Atlas, à savoir le Mondial 2018 et la CAN 2019, Hakim est complètement passé à côté.
Partant de ce postulat, la fédération française devait remercier Aimé Jacquet qui avait écarté de la liste des Bleus appelés à disputer la Coupe du Monde 1998 deux des meilleurs joueurs français de l’époque: David Ginola et Éric Cantona. La fédération espagnole aurait dû virer Luis Aragonés lorsqu’il a laissé à la maison un certain Raúl, chouchou de tout un pays, avant l’Euro 2008. Ou encore, la fédération italienne devait choisir entre Giovanni Trapattoni et la légende Roberto Baggio avant la Coupe du Monde 2002.
Aujourd’hui, on parle de Walid Regragui comme possible successeur de Vahid Halilhodzic à la tête des Lions. Oui, l’entraîneur du Wydad a montré qu’il était un candidat crédible après son excellente saison avec les Rouges (vainqueurs de la Ligue des Champions et de la Botola). Mais n’est-ce pas un cadeau empoisonné pour ce jeune entraîneur qui risque de se casser les dents lors d’un événement aussi important que la Coupe du Monde? L’ancien international aura tout le temps après l’événement qatari de s’installer sur le banc des Lions, puisque le premier rendez-vous majeur est la CAN en Côte d’Ivoire, reportée à 2024.
Ziyech est un grand joueur, à lui de faire des concessions s’il veut disputer la Coupe du Monde, Regragui un grand entraîneur en devenir, mais c’est Coach Vahid qui doit emmener l’équipe nationale au Qatar. Il l’a mérité.