Citius, Altius, Fortius (plus vite, plus haut, plus fort). La devise olympique résume en trois mots le principe de la loi universelle du sport: l’excellence. Une méthode que les dirigeants des fédérations sportives marocaines, à quelques exceptions près, n’ont jamais su ni pu adopter. Pourtant, cela fait des années qu’on leur rabâche la leçon, qu’on leur prescrit le même traitement. En vain, encore et toujours.
Avant le coup d’envoi des Olympiades parisiennes, les observateurs faisaient mine de croire en une divine surprise. Parfois par sincère naïveté, le plus souvent par complaisance. Mais aujourd’hui, au baisser de rideau, l’évidence s’impose. Les sportifs marocains n’ont pas été à la hauteur des espérances qu’on a bien voulu placer en eux, tant s’en faut. Qu’ont-ils montré? Quelques étincelles, un semblant d’efficacité, un petit zeste de combativité et, finalement, pas grand-chose. En tout cas rien qui mérite d’être célébré. Ou plutôt si: ils ont montré une chose: la réalité, nue, crue et imparable. Celle qui crie qu’à l’exception du football et de Soufiane El Bakkali, le Maroc ne semble plus avoir sa place dans la carte du sport mondial, sinon celle d'un anonyme pourvoyeur de figurants sans relief. Où sont passés le culot de Nawal Moutawakil, les fulgurances de Hicham El Gerrouj, la maestria de Saïd Aouita, l’éclat de Nezha Bidouane, le grain de folie des frères Achik et autre Mohamed Rabii? Partis, évaporés au fil des éditions…
Pourtant, les différents présidents des fédérations nationales l’avaient promis, juré: les pugilistes, coureurs, escrimeurs, surfeurs et athlètes seront prêts pour la grand-messe parisienne!
Une foule d’échecs plus tard, c’est un tout autre discours qui est servi, paraphrasant avec opportunisme le Baron De Coubertin: «Le plus important, c’est de participer». Plutôt que comme une ode à l’esprit sportif, la phrase du père des Jeux olympiques modernes est à lire ici comme un aveu de faiblesse, entonné par la majorité des dirigeants du sport vert et rouge. Souvent plus médiatisés que leurs sportifs, certains d’entre eux ne pousseront évidemment pas la noblesse jusqu’à reconnaître leurs torts, assumer leur responsabilité et passer le relais à autrui. On peut toujours rêver…
El Bakkali, un cache-misère
Et le titre de champion de la lose revient sans surprise au président de la Fédération royale marocaine d’athlétisme (FRMA), Abdeslam Ahizoune. Avant que le patron de Maroc Télécom n’en prenne les commandes, l’athlétisme était la discipline qui fournissait le plus de médailles olympiques au Maroc. Aujourd’hui, l’athlétisme marocain est rentré dans le rang. À l’exception de Soufiane El Bakkali, médaillé d’or pour la deuxième fois d’affilée au 3.000 m Steeple, et son acolyte Mohamed Tindouft, qui a joué un rôle d’importance dans ce titre, les athlètes «made in Morocco» ont collectionné les désillusions. El Mustapha Faïd a fini 12ème de sa série, quittant la compétition du 3.000 m Steeple dès le premier tour. Assia Raziki et Abdelati El Guesse, engagés en 800 m, ont connu le même sort. Noura Ennadi a été éliminée en demi-finale du 400 m haies. Anass Essayi, unique marocain engagé en 1500 m, distance un temps monopolisée par les coureurs marocains, est sorti des pistes dès la demi-finale. Et que dire des marathoniens et marathoniennes (Othmane El Goumri, Zouhair Talbi et Mohcin Outalha, chez les hommes, Fatima Ezzahra Gardadi, Kaoutar Farkoussi et Rahma Tahiri, chez les femmes) qui n’ont même pas réussi à terminer dans le top 10.
Depuis qu’Ahizoune préside aux destinées de l’athlétisme marocain (à partir de 2006), le Royaume n’a récolté que 12 médailles, 3 en or, 3 en argent et 5 en bronze. Le bilan est maigre, voire rachitique, sur 5 éditions des Jeux olympiques et 10 championnats du monde.
À lui seul, Soufiane El Bakkali a remporté la moitié des médailles marocaines. Le Fassi a décroché l’argent aux Mondiaux de Londres (2017), le bronze à ceux de Doha (2019), l’or à Eugene et Budapest (2022 et 2023), breloques auxquelles s’ajoutent les sacres olympiques à Tokyo (2020) et Paris (2024). Un arbre qui cache bien mal la forêt désherbée de la FRMA, un cache-misère devenu trop étriqué pour camoufler le naufrage patent de l’athlétisme marocain et de la disparition du demi-fond national des radars.
La boxe marocaine a raccroché les gants
La situation de la boxe, deuxième sport pourvoyeur de médailles olympiques pour le Maroc, est tout aussi alarmante. Cette année, la Fédération royale marocaine de boxe (FRMB) n’a réussi à qualifier aucun pugiliste sur le tableau masculin. L’instance dirigée par Abdeljaouad Belhaj a placé ses oeufs dans un seul panier, celui de Mohamed Rabii, médaillé de bronze aux JO de Rio 2016. Mauvaise pioche: le champion du monde à Doha (2015), loin de son lustre d’antan, n’a pas réussi à se qualifier pour le tournoi parisien. Résultat, tous les espoirs de la boxe marocaine reposaient sur le trio Khadija El Mardi, Widad Bertal et Yasmine Mouttaki. Cette dernière a été défaite dès les 16èmes de finale, tandis que Bertal et El Mardi ont quitté les rings en quarts de finale. À Paris, la championne du monde des +81 kg, qui a dû perdre du poids pour participer avec les 75 kg, semblait boxer contre nature. Une situation illustre à la perfection l’état des fédérations nationales, gérées par des hommes qui ne sont manifestement pas à leur place.
Les autres disciplines? «À la ramasse!»
Au niveau des autres sports, c’est un authentique naufrage collectif, à coups de défaites d’entrée et de sorties par la petite porte. Ramzi Boukhiam, vice-champion du monde de surf, s’est incliné au troisième tour. Houssem El Kord, triple champion d’Afrique d’escrime, a chuté dès son premier combat. Le kayakiste Mathis Soudi, médaillé de bronze aux mondiaux, a fini 16ème en demi-finale du slalom, avant d’être disqualifié en kayak cross. La taekwondoïste Fatima Zahra Abou Fares, médaillée d’or aux JO de la jeunesse en 2018, n’est pas parvenue pas à se défaire de sa toute première adversaire, dès les 8èmes de finale. En natation, en Breaking, en skate-board… partout, les représentants marocains se sont effondrés les uns après les autres, enchaînant déconvenues et contre-performances.
Foot qui peut
Heureusement, il y a le foot. L’équipe nationale de football des moins de 23 ans a (presque) emboîté le pas à El Bakkali, offrant au Maroc sa première médaille aux JO dans une discipline collective. Et avec la manière. Les Lionceaux de l’Atlas ont battu les Argentins, chuté contre l’Ukraine, explosé l’Irak et les États-Unis, perdu de justesse face à la Rojita couronnée, avant de corriger l’Égypte et s’offrir le bronze.
Si certains patrons de fédérations ont quasiment expédié leur discipline respective aux oubliettes, la FRMF, emmenée par Fouzi Lekjaa, a rendu au football vert et rouge son éclat glané au Mondial qatari.
En attendant ce fameux deuxième sacre en Coupe d’Afrique des nations, nos footballeurs et footballeuses, toutes catégories confondues, ont depuis 2022 toutes les raisons du monde d’être fiers de leur palmarès. Mais cette résurrection du football national doit peu au hasard. En fait, la FRMF ne fait que récolter aujourd’hui ce qu’elle sème depuis des années. Un semis fait d’infrastructures, d’équipements sportifs, de structures de formation, de cadres compétents et d’organisations de promotion du sport.
À l’opposé, chez les Ahizoune & Co, on a plutôt droit à la parfaite recette de l’échec, entre planification hasardeuse, mauvaises décisions et erreurs de casting. Jusqu’à quand?