1- Savez-vous que l’Afrique du Sud est la dernière sélection africaine qui a battu le Maroc en match officiel? C’était en juin 2023, il y a donc 7 mois, lors des éliminatoires pour la phase finale de la CAN. Au-delà du score (2-1), c’est surtout la manière qui avait impressionné. Devant un onze marocain remanié au milieu (absence du tandem essuie-glaces Amrabat–Amellah), les Bafana Bafana ont déroulé en faisant parler leurs qualités de vitesse et de percussion.
Leur rapidité en transition offensive a donné le tournis à l’axe Saïss–Aguerd. Hakimi et Mazraoui avaient également souffert sur les côtés. Les Lions savent donc ce qu’il faut faire pour éviter un tel scénario: resserrer les lignes, bloquer les Bafana au milieu et empêcher les infiltrations de Tau et ses camarades. Et éviter, surtout, de se retrouver dans des situations de un contre un, leurs adversaires sont techniquement habiles et adorent combiner et jouer à une touche de balle. En bref: les Bafana Bafana ressemblent, point par point, à la RDC qui nous a tant tourmenté (et qui vient de sortir l’Egypte).
2- Lors du 1er tour de cette CAN, les Marocains ont montré deux signes inquiétants. Le premier s’appelle la nervosité: Amellah, pour ne citer que lui, est passé tout près d’un rouge face à la RDC. Le deuxième signe s’appelle la «ziada» (gestes superflus, jeu trop facile) dont ont fait preuve des garçons comme Ounahi ou Boufal, pour amuser la galerie. Attention. Si la nervosité peut nous valoir un rouge qui changerait le cours du match, la «ziada» est une forme d’indiscipline qui effrite la solidarité et le travail collectif. Or, la force des Marocains reste la discipline, le collectif. Et l’humilité!
3- La clé du jeu marocain s’appelle l’entrejeu. C’est de là que partent les offensives et c’est là aussi que les attaques adverses sont tuées dans l’œuf. Pour aller loin dans cette CAN, le milieu marocain a besoin d’être densifié. Comment? Avec le ballon, les latéraux monter d’un cran et deviennent des «pistons» (d’où la nécessité de titulariser Attiatallah ou Mazraoui, s’il est rétabli, à la place de Chibi). Sans le ballon, c’est au tour des attaquants de revenir densifier l’entrejeu, qui devient une «forêt de jambes» difficile à franchir. C’est cela le vrai dispositif gagnant de Regragui. Parce que son équipe n’a pas la vocation de jouer dans la moitié de terrain adverse ou de faire le siège de la surface de réparation.
4- Regragui a l’habitude de procéder à des remplacements au-delà de l’heure de jeu, pas avant. Ce coaching tardif ou prudent peut être un problème (on l’a vu face à la RDC où le coach a tardé à insuffler du sang neuf), surtout quand les organismes s’essoufflent d’une manière précoce. Dans un match à élimination directe, où la possibilité de se rattraper n’existe pas, le coaching doit être plus réactif. Au besoin dès la pause. Les difficultés des Lions lors de la phase de la poules sont venues, en partie, du coaching tardif de Regragui.
5- Face à la RDC, où les Marocains ont frôlé la défaite, ce n’est pas la fatigue qu’il faut mettre en cause mais l’incapacité à faire le break. En-Nesyri a eu plusieurs ballons de 2-0: s’il en met un, le match est plié et la RDC ne peut plus revenir. Rater 3 ou 4 opportunités de suite, dans un match au finish, voilà qui n’est pas tolérable. Parce que le joueur en question disparait de la circulation et la défense supporte tout le poids du match: en bref, le scénario de la RDC ne doit pas se répéter. Sinon, le Maroc ne verra pas les quarts parce que Bono et Aguerd, pour ne citer que les plus vaillants, ne pourront pas toujours faire des miracles.
6- L’une des forces principales de Walid Regragui reste son pragmatisme tactique. Ce n’est pas un dogmatique prêt à mourir pour ses idées, mais un opportuniste qui peut tout changer pour s’adapter aux besoins du match. Il y a du Deschamps en lui. Il sait, en plus, que pour aller loin dans cette CAN, il doit s’appuyer sur deux paramètres. Le premier s’appelle le travail foncier: la préparation des Lions censée leur permettre une montée en puissance, de match en match. Le deuxième paramètre s’appelle l’implication de tout le groupe, et c’est la raison pour laquelle Regragui a donné du temps de jeu à pratiquement tout le monde. Qui sait, face à l’Afrique du Sud, la lumière peut très bien venir d’un joueur dit «de rotation»…