«Y a pas à dire, ramadan 2023 commence bien!», se lamente ce Casablancais que j’ai croisé ce matin dans le tram, en scrollant un média algérien. Journal dont on taira le nom, histoire de ne pas faire de la pub gratos. Donc, notre homme écarquille les yeux devant un article consacré aux joueurs de l’équipe nationale algérienne qui s’entraînent au stade Nelson Mandela en portant le fameux maillot dont les motifs sont inspirés du zellige marocain.
Ben non, il a tout faux. À en croire la presse algérienne, les motifs du maillot des Fennecs sont inspirés du Mechouar de Tlemcen, une marque de fabrique 100% algérienne! Hein? Quoi? On lui aurait menti alors? Des années durant, le ministère de l'Éducation et ses profs d'Histoire-Géo successifs lui avaient fait croire que le Zellige est Marocain. Notre ami se lance alors dans une activité que les dirigeants de la junte au pouvoir à Alger maîtrisent mieux que quiconque: la complainte. Et le voilà qui peste contre la politique de l'enseignement au Maroc, contre l'arabisation, contre le RNI, l'Istiqlal, le PAM et le PJD réunis, et, tant qu'il y est, contre son épicier qui refuse désormais de lui faire crédit...
Il est ramené à la raison par un autre passager qui lui susurre, qu'en réalité, le régime algérien, avarie d’un legs colonial, est le champion du monde du pillage culturel.
Notre ami, qu’on appellera Jaafar, fait mine de comprendre, mais s'interroge quand même comment Lkabranate (il doit être un fan de la série Dar Lkabranate) ont pu changer l’histoire. «En tout cas, les artisans algériens doivent être contents de pouvoir, deux ou trois fois par an, devenir virtuellement des artisans marocains. Et sans aucune formation, s'il vous plaît!», lance-t-il avant de quitter le transport urbain.
Jaafar, qui semble s’être découvert une fibre humanitaire en ce mois sacré, ne croit pas si bien dire. Il a résumé en quelques mots un conflit qui n’a que trop duré.
Les dirigeants algériens savent pertinemment que le maillot de leur équipe nationale est orné de l’étoile symbolisant la dynastie mérinide qui a régné sur le Maroc entre les XIIIe et XVe siècles, et que son empire intégrait notamment la ville de Tlemcen, écrin du Mechouar. Ce même palais que les artisans marocains ont façonné, et restauré de 2003 à 2011, à la demande de feu Abdelaziz Bouteflika qui avait recommandé, lors de l’inauguration de l’endroit «de s’imprégner du savoir-faire des pays voisins (le Maroc et l’Espagne) en la matière, et notamment du Maroc».
Donc, les Algériens qui persistent dans leur tentative de s’approprier ce qui ne leur appartient pas, peuvent-ils créer une mosaïque en zellige, un art qui requiert non seulement de la créativité, mais aussi un haut niveau d’expertise en mathématiques et en géométrie? Allez chiche! Junte, prompte à la propagande et aux célébrations ubuesques: montre-nous des artisans algériens fabriquer ce zellige dont tu proclames la paternité!
Qui peut oublier la grande humiliation de Saïd Sayoud, wali de la ville d’Oran, le dimanche 9 octobre 2022, à l’occasion du salon de l'immobilier, du bâtiment, du logement et des travaux publics «Batiwest»? Ce jour-là, le dirigeant de la deuxième ville la plus importante d'Algérie s’est arrêté sur le stand d’un exposant qui a collé des carreaux de céramique rappelant le maillot des Fennecs.
«Où est-ce que ça a été fabriqué ?», demande le wali tout sourire à l’exposant. «Chez nous», lui répond-il avant de préciser qu’il s’agit «d’une production techno-cérame».
Pour résumer, le wali d’Oran a confondu du zellige, dont la junte proclame la paternité et dont la spécificité est d’être taillé et assemblé à la main en mosaïques par des artisans, à des carreaux de céramique dont les motifs évoquant une mosaïque sont réalisés par impression.
Faut-il encore gaspiller du temps et de l’énergie pour débattre de cette affaire de zellige avec une bande d’usurpateurs qui s’est appropriée le pouvoir à Alger alors qu’il ne lui revient pas?
Le Maroc a une candidature à l’organisation de la Coupe du monde à peaufiner et des chantiers politiques, économiques et sociaux à poursuivre.
Le citoyen algérien a, pour sa part, d’autres chats à fouetter et des files d’attente à prendre pour remplir son panier de denrées alimentaires qui se font de plus en plus rares dans un pays soi-disant pétrolier et gazier, gouverné par des bras cassés qui confondent carrelage et zellige.