L’équipe de Barcelone, dont le retour au haut niveau est salué par tous les amateurs du beau jeu, est resté longtemps tiraillé par une double identité. Sportivement, le club est, depuis Cruyff, le porte-drapeau du football «Tiki Taka». Politiquement, le Barça cristallise les revendications séparatistes d’une partie de la Catalogne.
Cette dualité a atteint son paroxysme le 1er octobre 2017 lorsque les indépendantistes au pouvoir ont tenté d’organiser un référendum d’autodétermination, jugé illégal par le pouvoir central. Le Barça avait un match de Liga ce jour-là face à Las Palmas, et certains joueurs étaient tentés par le boycott de la rencontre. La raison a fini par l’emporter, le match s’est déroulé sur la pelouse d’un Camp Nou, à huis clos.
Le Barça est plus qu’un club. A Barcelone, «més que un club» est la posture que relate à la perfection ce slogan adopté depuis quelques années déjà par les dirigeants et les supporters du club pour souligner son originalité. Le Barça, c’est aussi une rivalité cultivée de longue date avec le club de la capitale espagnole, le Real Madrid, le club le plus titré d’Europe.
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Rien ni personne ne peut séparer les Culés, supporters du Barça, des Merengues du Real tant les deux se nourrissent de leurs concurrences. Ce sont, il est vrai les clubs les plus populaires de la planète, chiffres à l’appui. En nombre de «socios», sociétaires du club, et Peñas, associations des supporters du club, le Barça est devant avec 140.000 socios et 2.500 Peñas. Au Real, on dénombre 90.000 socios et 1.500 Peñas pour Madrid.
Ce classement s’inverse lorsqu’on s’intéresse aux followers sur les plateformes des réseaux sociaux, principalement Facebook, Instagram et Twitter. Le Real est le club le plus suivi dans le monde devant le Barça, à l’exception notable de YouTube où le Barça repasse en tête. C’est dire leur domination.
Mise en sourdine ces dernières années à cause des résultats en dents de scie du Barça, cette rivalité a été ravivée de façon spectaculaire à l’occasion de deux Clasicos, remportés brillamment par le Barça: un 4-0 au Bernabeu, il y a quelques semaines et le 5-2 de la finale de la Supercoupe d’Espagne en Arabie Saoudite, la semaine dernière.
Deux victoires méritées et incontestables fêtées comme il se doit par les joueurs, les supporters et le président Joan Laporta. Leur timing était parfait pour l’équipe catalane, en sérieuses difficultés économiques et en dépassement salarial. Une différence de plus avec le rival madrilène, dont les finances sont saines et confortables.
Toutefois c’est au niveau de la stratégie de formation que les différences sont structurelles. Au Barça, il existe une véritable identité de jeu forgée au sein de la Masia, l’école de formation du club. Les jeunes sont recrutés dans la région catalane et intègrent l’école en fonction de leurs aptitudes techniques.
Ils bénéficient d’un cursus basé sur l’apprentissage par le jeu. Cette philosophie pédagogique permet aux joueurs d’améliorer leurs compétences techniques et tactiques. Un schéma déployé au sein de toutes les catégories et classes d’âge jusqu’à l’équipe A.
Ce choix politique facilite l’intégration rapide des jeunes issus des catégories inférieures et permet d’alimenter la «Roja», l’équipe nationale d’Espagne, dont le Barça est paradoxalement le principal et meilleur pourvoyeur de talent. Le onze qui vient de remporter deux matchs consécutifs face au Réal est composé en grande partie de jeunes joueurs formés au sein du club.
À Madrid, c’est la culture de la gagne qui prévaut. Le recrutement est confié à une équipe de détecteurs de talents qui agissent sur tous les continents. L’idée étant de faire signer, à bas prix, les meilleurs joueurs, quitte à les laisser s’épanouir en prêt dans leur club d’origine. Les entraineurs des équipes de jeunes bénéficient d’une relative liberté dans le choix du schéma de jeu, à la condition qu’il soit porté vers l’offensive.
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La tactique s’adapte à celle de l’adversaire et à l’enjeu du match. Les entraîneurs privilégient la rapidité d’exécution. L’avantage pour les joueurs, est leur capacité à faire carrière partout. Ce n’est pas un hasard si la «Castilla» est l’un des centres de formation les plus rentables d’Europe.
Un grand nombre de talents formés au club ont fait de brillantes carrières ailleurs. Achraf Hakimi constitue l’exemple parfait de cette tendance. Ils ne sont que très rarement intégrés directement en équipe première. Carvajal, un des meilleurs latéraux de l’histoire du football espagnol, a dû faire ses preuves en Allemagne avant d’intégrer l’équipe première. Ce n’est pas le cas du Barça, où les jeunes sont lancés très tôt et intègrent rapidement l’équipe A.
Le football marocain a tout à gagner à s’inspirer de ces deux modèles. Un rapprochement entre l’Académie Mohammed VI de Football et ces deux structures est souhaitable. La morphologie ainsi que les aptitudes techniques et tactiques du joueur marocain sont assez proches de celles du joueur espagnol et il serait opportun de s’inspirer des deux méthodes pour lancer de nouvelles générations de footballeurs tout en rentabilisant l’Académie.
L’importante communauté marocaine installée en Espagne a vu éclore un grand nombre de talents dont certains ont déjà rejoint ou sont pressentis pour jouer avec les Lions de l’Atlas. À l’exception notable de Lamine Yamal, qui a définitivement tourné le dos à l’équipe nationale marocaine, les joueurs marocains formés en Espagne ont permis à l’équipe du Maroc de franchir un palier technique important depuis la CAN 2023 : Brahim Diaz, Youssef Lekhedim, Ilias Akhoumach, Adam Aznou ont rejoint avec succès les Achraf Hakimi , Abdessamad Ezzalzouli et Chadi Riad.
Et ce n’est pas fini, tous les regards sont tournés vers le jeune Adam Qaroual, qui éclabousse de son talent les jeunes de la Masia. La Fédération suit son évolution avec beaucoup d’intérêt. Un intérêt ravivé par le retour au premier plan du Clasico qui remet le football espagnol, une source d’inspiration pour son homologue marocain, à la place qu’il mérite, une des toutes premières.
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