Le niveau du Raja inquiète, celui du Wydad ne rassure pas

1- Le derby entre le Wydad et le Raja a tenu toutes ses promesses en termes d'animations. Les fanatiques des Rouges ont confectionné un tifo à feuilles au nom de la ville, avec les célèbres acteurs du film américain « Casablanca ». Les supporters des diables verts pnt déployé un tifo sur le thème de la renaissance mettant en scène un aigle.

Un ancien derby Raja-Wydad. DR

ChroniqueUne hirondelle ne fait pas le printemps, mais au Wydad comme au Raja, cela pourrait être différent.

Le 12/11/2024 à 17h00

«Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.» Cette citation de Lamartine s’applique parfaitement à la situation actuelle du Wydad et du Raja. En plus d’être les clubs casablancais les plus emblématiques, inscrits dans l’histoire du football marocain, le RCA et le WAC sont des marqueurs de la société casablancaise, des indicateurs de sa sociologie urbaine. Chacun de ces deux clubs possède une histoire singulière autour de laquelle s’est construite leur légende. Leur public, qu’il soit spectateur, supporter ou ultra, est un élément essentiel de cette légende par sa présence, son engagement et son influence. Aucun groupe de supporters de club au Maroc ne ressemble à celui du Wydad ou du Raja. Ils font du bruit comme personne, et leurs tifos, pleins d’imagination et de créativité, sont vus partout dans le monde. Ils inspirent et entraînent de nombreux autres supporters de clubs marocains et même au-delà.

Nulle part ailleurs on ne trouve un public aussi impliqué dans le quotidien de son club. La pression qu’il exerce n’est pas toujours positive, mais elle est constante. Les entraînements des deux équipes peuvent réunir plus de spectateurs que la moitié des équipes marocaines pour un match officiel. Personne ne peut réussir au Wydad ou au Raja sans la bénédiction des Ultras. Cela montre l’importance des deux équipes dans la société casablancaise. C’est une réalité que l’on peut critiquer ou remettre en question, mais elle fait partie du patrimoine de chaque club et de l’énergie qu’ils apportent au football marocain et à la société en général. Avec l’AS FAR, ils sont les clubs les plus titrés en championnat, coupe et compétitions internationales. Même s’ils ne raflent pas tout, heureusement, quand ils sont en crise, la Botola en souffre. Ils ont formé l’élite du football national avec des joueurs qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire des Lions de l’Atlas.

Le Raja et le Wydad ont également donné au football marocain de prestigieux présidents et entraîneurs talentueux, chacun avec ses propres traditions. Le Wydad, censé être le club de la bourgeoisie marocaine, a surtout été marqué par des présidents prestigieux, tandis que le Raja, associé aux quartiers populaires de la ville, a été façonné par la personnalité de ses entraîneurs. C’est une distinction approximative mais qui colle à l’image de leurs supporters respectifs. En résumé, sur le plan du jeu, le Wydad représente la rigueur tactique et l’efficacité institutionnelle, tandis que le Raja valorise le spectacle individuel et le jeu offensif porté par la direction technique, donc par l’entraîneur. Ce sont des représentations abstraites, mais pas entièrement dénuées de réalité.

La mémoire des amoureux du Raja est marquée par des figures comme le Père Jégo, de son vrai nom Mohamed Ben Lahcen Affani, qui a donné une identité de jeu aux Verts. Son nom est une référence pour tous les entraîneurs qui ont suivi. On se souvient aussi d’Oscar Fulloné, M’hamed Fakhir, Rabah Saadane, Vahid Halilhodžić, Henri Michel et Faouzi Benzarti, qui ont chacun incarné des périodes de gloire du club.

Au Wydad, c’est différent: ce sont les dirigeants qui sont évoqués avec nostalgie. Mohamed Benjelloun, avec le soutien de Mohammed V, a créé le premier club nationaliste du pays. Ensuite, des présidents tels Abderrazak Mekouar, Boubker Jdahim, Bensalem Smili, Ahmed Lahrizi, et Nasserdine Doublali ont marqué l’histoire du club. Lorsqu’une crise survient, c’est vers l’entraîneur qu’on se tourne au Raja et vers le président au Wydad. Cette distinction est schématique mais assez proche de la réalité. De même, lorsque le Raja perd un bon entraîneur, une crise s’installe ; tandis qu’au Wydad, c’est le changement de président qui perturbe le bon fonctionnement de l’équipe.

C’est encore le cas aujourd’hui, et les résultats du Raja sont médiocres depuis le départ de l’entraîneur allemand Josef Zinnbauer. Bien que champion en titre, le club est méconnaissable. Après 10 journées, il est à la 11ème place avec 10 points de retard sur le leader, la Renaissance Sportive de Berkane. Tous les indicateurs sont en baisse par rapport à la saison dernière. Le ratio de points par match est passé de 2,4 points la saison dernière à 1,3 cette année. C’est triste pour une équipe qui avait battu tous les records sans perdre un seul match sous la direction de Zinnbauer. Actuellement, le club reste sur une série de 4 matchs consécutifs à 0-0. Le moins que l’on puisse dire est que le Raja inquiète. Plusieurs raisons sont avancées: des joueurs importants sont partis, et les nouveaux peinent à convaincre. Mais cela ne suffit pas comme explication. Tanger aussi a vu son effectif décimé, ce qui ne l’a pas empêché de battre le Raja 3-1 et de connaître un parcours satisfaisant depuis le début de la saison. Trois entraîneurs se sont succédé sur le banc, sans succès, et le dernier, tout juste nommé, est déjà sur la sellette.

Le Wydad n’est guère mieux loti depuis l’incarcération de Naciri. Ait Menna, le nouveau président, ne manque ni de volonté ni de moyens pour relancer l’équipe. Tous les espoirs reposent désormais sur lui. Il peut réussir, mais il n’a pas droit à l’erreur. Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais au Wydad comme au Raja, cela pourrait être différent.

Par Larbi Bargach
Le 12/11/2024 à 17h00