Sanctions, finances, hooliganisme, interdiction des paris: tout savoir sur la nouvelle Charte du football marocain

Complexe Mohammed V

Rapports certifiés, passations obligatoires, sanctions lourdes et interdiction des paris: la nouvelle Charte de gouvernance change le visage du football marocain. Objectif affiché: discipline et transparence, pour que la passion ne soit plus synonyme de chaos.

Le 12/09/2025 à 20h44

La Fédération royale marocaine de football (FRMF) et la Ligue nationale de football professionnel (LNFP) viennent d’adopter une Charte d’engagement, de déontologie, d’éthique et de gouvernance qui entre en vigueur dès cette saison 2025-2026. Ce texte ambitionne de redonner au football marocain crédibilité, transparence et professionnalisme. Un virage structurant pour l’avenir du championnat national.

Au-delà de la symbolique, la Charte, que le360 Sport a pu consulter le contenu, fixe des règles précises pour les clubs et sociétés sportives. Elle part d’un constat simple: le football marocain ne peut progresser qu’avec des structures solides, une gouvernance responsable et une administration professionnelle. Le document se veut donc à la fois manuel de bonne conduite et outil contraignant, avec des obligations détaillées et un barème de sanctions.

Une administration professionnelle obligatoire

Le texte commence par clarifier le rôle du président. Finie l’ambiguïté: il est l’ordonnateur exclusif et le garant de la stabilité de l’entité qu’il dirige. Sa responsabilité est personnelle et solidaire, notamment sur le plan financier. Chaque saison, il doit produire deux rapports: un moral et un financier certifié.

En fin de mandat, il est tenu de présenter un bilan complet, incluant la situation juridique, les contrats en cours et les litiges. Impossible de quitter son poste en cours de saison sans organiser une passation officielle. En cas de démission, un intérimaire doit être immédiatement désigné pour éviter tout vide institutionnel.

La Charte insiste: toute démission non encadrée, tout blocage volontaire du fonctionnement d’un club expose directement son auteur aux sanctions de la Commission d’éthique et de discipline.

Autre changement majeur: les clubs doivent désormais s’appuyer sur une ossature administrative minimale. Un directeur général, un responsable financier, un team manager, un juriste, un responsable média, sécurité et organisation sont obligatoires.

Ces profils ne sont pas des figurants, ils doivent maîtriser les outils numériques (FIFA Connect, TMS, Clearing House, plateformes FRMF) et bénéficier de formations continues. L’objectif est clair: sortir d’une gestion improvisée pour entrer dans une logique de pérennité et de compétence.

Particularité notable: un employé formé grâce au club doit y rester au moins 24 mois. S’il part plus tôt, une clause de non-concurrence de deux ans s’applique, sauf remboursement intégral des frais de formation.

Intégrité et compétitions: la tolérance zéro

Sur le plan sportif, la Charte affiche une ligne rouge: aucun arrangement de matches ne sera toléré. Les dirigeants, joueurs et employés ont interdiction de participer, même indirectement, aux paris sportifs. Tout soupçon de corruption ou de manipulation doit être signalé sans délai.

Le calendrier officiel est un autre point sensible: tout report, refus ou boycott non autorisé est désormais passible de sanctions. De même, le débauchage d’entraîneurs, de médecins ou d’administratifs sous contrat est prohibé. Les clubs fautifs s’exposent à des amendes et à des suspensions.

L’une des pierres angulaires du texte reste la transparence budgétaire. Chaque club est tenu d’établir un budget sincère, validé par le président et conforme aux normes comptables. Les budgets fictifs et les dettes non couvertes sont bannis.

Un rapport annuel complet, incluant le volet financier certifié, doit être présenté à l’assemblée générale. En parallèle, il est recommandé de produire un rapport simplifié à destination du public et des partenaires, pour instaurer un climat de confiance.

Côté contrats, la Charte interdit toute situation de conflit d’intérêts et proscrit la collaboration avec des agents non licenciés FIFA.

Lutte contre l’hooliganisme

La Charte veut aussi moraliser la fonction de dirigeant. Les présidents et administrateurs doivent se tenir à l’écart des paris sportifs et respecter les officiels, les clubs et les instances. Ils ont l’obligation de régler leurs différends dans le cadre institutionnel prévu, en passant par la FRMF, la LNFP ou le Tribunal arbitral du sport.

Autre disposition forte: le recours aux juridictions ordinaires est interdit pour les litiges liés au football, sauf dans les cas d’ordre public ou les affaires purement commerciales. L’idée est d’éviter que les contentieux sportifs se règlent dans des tribunaux civils, au détriment de la régulation interne du football.

La Charte ne se limite pas aux aspects financiers et disciplinaires. Elle rappelle que le football est porteur de valeurs universelles: non-discrimination, tolérance, neutralité politique et religieuse, protection des mineurs et défense de l’environnement.

Les clubs doivent aussi participer activement à la lutte contre l’hooliganisme, en appliquant les dispositifs de sécurité et en coopérant avec les autorités. Enfin, chaque entité est encouragée à élaborer un plan annuel de responsabilité sociale incluant formation, inclusion et projets écologiques.

Un arsenal de sanctions

Le dispositif disciplinaire est clair: tout manquement entraîne des sanctions proportionnées, allant de l’avertissement à la radiation, en passant par des amendes de 20.000 à 200.000 dirhams. La Commission disciplinaire et la Commission d’éthique sont chargées de trancher, chacune dans son champ de compétence.

Ces engagements signés, jeudi à Rabat, scellent un contrat moral et juridique entre les dirigeants et le football national.

Sur le papier, cette Charte marque une étape dans la construction d’un football marocain crédible, transparent et responsable. Elle fixe un cadre qui, s’il est respecté, pourrait transformer durablement le visage du championnat: des clubs mieux gérés, des finances assainies, une compétition plus intègre et des dirigeants redevables.

Reste à voir si tous les acteurs joueront le jeu. Car une Charte, aussi ambitieuse soit-elle, ne prend vie qu’à travers son application. Les mois à venir diront si cette réforme sera le point de départ d’une nouvelle ère pour le football marocain, ou une déclaration de bonnes intentions de plus.

Par Adil Azeroual
Le 12/09/2025 à 20h44