Le football est une activité humaine d’une singularité remarquable. Il englobe à la fois les loisirs, le football amateur et le sport de haut niveau. Il génère un chiffre d’affaires de plus de 330 milliards de dollars, en tenant compte des recettes directes et indirectes liées à cette activité. Cela représente un peu plus de la moitié du produit intérieur brut (PIB) d’un pays comme la Suède.
Le Maroc a rapidement saisi cette opportunité et a cherché à en faire un levier majeur pour son développement économique et ses infrastructures. L’excellente participation de l’équipe nationale à Mexico en 1986 a été le catalyseur de cette dynamique. Deux ans plus tard, le Maroc organisait la Coupe d’Afrique des Nations et soumettait pour la première fois sa candidature à l’organisation de la Coupe du Monde 1994. Cette candidature avait toutefois peu de chances de prospérer face aux États-Unis, qui étaient de redoutables concurrents.
En 1992, le Maroc tenta de nouveau sa chance, cette fois contre la France, qui finit par organiser et remporter l’édition 1998. En 2002, le Maroc ne présenta pas sa candidature afin de se concentrer sur celle de 2006. Mais il dut alors faire face à un concurrent africain, l’Afrique du Sud. Malgré le soutien de la CAF, l’Afrique du Sud refusa de se retirer, et c’est finalement l’Allemagne qui obtint l’organisation de cette édition. Aujourd’hui, on sait que l’attribution de la Coupe du Monde 2006 a été entachée d’irrégularités.
Ces trois tentatives marocaines n’ont cependant pas été vaines. Elles ont conduit la FIFA à envisager un système d’alternance entre continents. En 2010, l’organisation du Mondial revint à l’Afrique. Mais des manœuvres en coulisses, dénoncées et sanctionnées ultérieurement, ont empêché le Maroc d’être choisi pour cette édition.
Entre 2004 et 2022, le Maroc a tout mis en œuvre pour enfin décrocher le gros lot. Le pays coorganisera l’édition du centenaire avec deux géants du football mondial, l’Espagne et le Portugal. Ces deux pays voisins entretiennent des liens historiques avec le Maroc, notamment en football. Ils ont croisé le chemin des Lions de l’Atlas à plusieurs reprises: en 1960, lors d’un match de barrage face à l’Espagne du grand Real Madrid de Gento et Di Stefano ; en 1986, lorsque le Maroc a battu le Portugal (3-1) pour se qualifier en huitième de finale ; ou encore en 2018, lors de la Coupe du Monde en Russie, où le Portugal s’était imposé 1-0 et où le Maroc et l’Espagne s’étaient neutralisés (2-2). La rencontre la plus marquante a eu lieu en 2022, au Qatar, où le Maroc a éliminé l’Espagne en huitième de finale aux tirs au but, puis le Portugal en quart de finale (1-0), ouvrant ainsi la voie à une demi-finale historique contre la France.
Cette qualification a captivé 20,69 millions de téléspectateurs en France, établissant un record historique. La finale a, quant à elle, été suivie par 1,5 milliard de fans à travers le monde. La participation marocaine a eu un impact exceptionnel sur l’image du pays, renforcé par le comportement exemplaire de ses supporters. Cela favorisera sans doute la nouvelle candidature du Maroc pour le Mondial.
Depuis, le Maroc est un véritable chantier ouvert. Plusieurs stades sont en construction ou en rénovation, leur capacité étant doublée dans la plupart des cas. Parmi eux, le grand stade Hassan II de Benslimane, couvert et d’une capacité de 115.000 spectateurs assis, est candidat pour accueillir la finale du tournoi. Cinq autres stades, d’une capacité allant de 46.000 à 76.000 places, seront prêts cette année pour la CAN 2025, une excellente répétition en vue du Mondial. Ces travaux perturbent temporairement le football des clubs, qui doivent délocaliser leurs matchs. Cependant, ces sacrifices sont nécessaires pour atteindre cet objectif ambitieux.
Dans ce contexte, le Maroc a multiplié les candidatures pour accueillir des compétitions internationales: cinq éditions consécutives du Mondial féminin des U17, la CAN, la Coupe du Monde des clubs en 2029, et bien d’autres.
Ce mois de novembre est particulièrement chargé avec l’organisation du tournoi de l’UNAF des U17 et de la Ligue des Champions féminine. Les U17 marocains ont impressionné en écrasant l’Égypte (5-1), tandis que l’AS FAR a brillé contre des équipes comme les Aigles de la Médina (3-0) et le Tout Puissant Mazembe (3-1). Cependant, les stades, bien que rénovés, sont restés désespérément vides, que ce soit à El Jadida, Mohammedia ou au Père Jégo.
Ce problème mérite une attention sérieuse. Tester les infrastructures et les aspects organisationnels est crucial, mais il faut également relever le défi d’attirer le public, non seulement pour les matchs des équipes locales, mais aussi pour ceux des autres participants. Des stratégies innovantes doivent être mises en œuvre, incluant la collaboration avec des agences spécialisées. En Europe, les clubs confrontés à un manque de public ont développé des expériences festives autour des matchs: concerts, animations, packages combinant billets et offres spéciales, ou encore des initiatives ciblant les familles. Ces mesures pourraient être adaptées au contexte marocain, surtout une fois que les stades seront entièrement couverts.
L’image des stades vides est préjudiciable et impacte la qualité du spectacle. Il est impératif d’agir pour changer cette situation si l’on veut vraiment se positionner durablement au sommet de l’élite mondiale.