Il y a de cela quelques années une étude indépendante sur le football a démontré que les résultats d’une équipe à la fin d’une saison dépendent étroitement de la valeur calculée des joueurs qui la composent. Cette étude a également établi que le rôle de l’entraîneur dans le résultat final d’une saison de football, bien qu’important, reste marginal. La démonstration était étayée par la comparaison du classement des équipes en fin de saison selon la valeur marchande des joueurs avec celui des points collectés suite aux résultats des matchs. Il était, sur plusieurs saisons, quasi identique.
L’influence de l’entraîneur sur les résultats se joue en réalité sur quelques détails. Correction du positionnement des joueurs en cours de match, coaching, motivation de l’ensemble de l’équipe, notamment les joueurs remplaçants, qualité du discours prodigué avant le match et à la mi-temps. Mais, en définitive, quel que soit l’entraîneur, c’est la qualité des joueurs et leur forme le jour du match qui importe.
Que serait Pep Guardiola, considéré par un grand nombre d’observateurs comme un des plus grands entraîneurs de l’histoire, sans la qualité des joueurs sous sa coupe au Barça, au Bayern ou à Manchester City? Cette question est valable pour tous les entraîneurs dans l’histoire. Les clubs ne s’y trompent en général pas. Ils proposent des contrats courts aux entraîneurs, pour s’en séparer rapidement si les résultats ne suivent pas, ils savent que si ça ne marche pas, le temps n’y changera rien. Par contre, des contrats plus longs seront proposés aux joueurs auxquels les clubs veulent offrir plusieurs chances et souhaitent construire un avenir.
Pourtant, depuis l’époque des galactiques, ce ne sont plus que les objectifs sportifs qui sont en jeu. Certains recrutements ont un objectif marketing et financier. Le plus emblématique d’entre eux c’est celui de David Beckham au Real Madrid. Avec le joueur anglais, l’objectif du Real de 2004 était de vendre des maillots et conquérir le marché asiatique. Pour faire de la place à ce nouveau joueur, le Real se privait d’un des meilleurs demis défensifs de l’époque, Claude Makélélé et privait Zinédine Zidane d’une couverture défensive qui allait entraver son efficacité offensive. On ne fait pas une industrie qu’avec des ingénieurs seulement, il faut des ouvriers aussi, à défaut l’usine ne fonctionne pas. Cette année-là, le Real avait terminé la saison sans titre.
Un mix sportif et financier, ça fonctionne dans des championnats mineurs en quête de public. On le voit aux Etats-Unis avec Lionel Messi, dont le talent éclabousse toute la MLS. Depuis qu’il a rejoint l’Inter de Miami, les prix des places pour ses matchs ont connu une hausse exponentielle passant de 30 ou 50 dollars maximum à 850, 900 dollars par match. Les dirigeants du club se frottent les mains, c’est le moins que l’on puisse dire. D’autant que les résultats suivent et les exploits de Messi se multiplient.
Dans la plupart des cas, le mercato a un objectif sportif: celui de renforcer le club dans les lignes les plus fragiles constatées lors de la saison précédente. Chaque club, selon ses moyens, ses ambitions et ses besoins, va chercher la perle rare au moindre coût. Barcelone, depuis deux ans, cherche des joueurs d’expériences et si possible en fin de contrat, voir Robert Lewandowski et Ilkay Gündogan. Manchester City a renforcé sa défense, elle vient de recruter Joško Gvardiol, un défenseur de 21 ans acquis pour un montant record de 90 millions d’euros et Lucas Paqueta est évoqué au milieu pour palier à la blessure de Kevin de Bruyne. Le Real a recruté Jude Bellingham, le jeune prodige anglais, en vue de remplacer plus tard Luka Modric et Toni Kroos et cherche un 9 pour faire face au départ de Karim Benzema. Le feuilleton Mbappé, dans sa deuxième saison, est en train de reproduire le même scénario, en tous cas entre lui et son club. En attendant, les infos et les fake news sur le sujet battent des records.
Dans ce mercato, les joueurs marocains sont étonnamment absents. On parle de Azzedine Ounahi vers West Ham, il commence à s’imposer à l’OM, cette option semble compliquée, Yassine Bounou qui devait venir au Real, est finalement remplacé par Kepa Arrizabalaga, un international espagnol. Il va en Arabie Saoudite. Pour les autres aucune proposition sérieuse n’a abouti.
Les explications ne manquent pas. Pour les uns, c’est une année de Coupe d’Afrique des Nations où les joueurs africains seront mis à la disposition des sélections de leurs pays plus d’un mois et vont rater 11 à 12 matchs de leurs clubs avec des risques de blessures difficiles à écarter. Pour les autres, la performance marocaine est due à un collectif bien huilé, à un dépassement de soi nourri par une solidarité nationale et un engouement du public qui ont créé un environnement favorable. Pour d’autres enfin, les sirènes de la Saudi Pro League ont attiré certains talents qui vont privilégier l’économique au détriment du sportif.
Pour les joueurs marocains, le mercato n’est ni sportif, ni financier. Il est lié à la programmation des compétitions continentales en décalage avec les besoins des clubs et leurs urgences. Il s’agit d’agir pour que les choses changent et pour que la valeur du joueur soit correctement évaluée sur le Mercato.