Le sport est une activité humaine qui a pris tout son essor à partir du début du 20ème siècle. Il a essentiellement été porté par le football, le sport populaire par excellence. Comme la quasi-totalité des sports, le football est né en Occident, en Europe, en Grande-Bretagne plus précisément. Il s’est développé par la suite pour atteindre les coins les plus reculés du monde grâce aux marins et soldats anglais partis à sa conquête. Mais au lieu d’être un instrument de la colonisation, il est devenu le moyen de déposséder le colonisateur de son pouvoir.
Aujourd’hui, on peut dire que le football a été créé en Angleterre, mais dans l’imaginaire de tous les observateurs de ce sport, assez unique, le pays du football et des footballeurs, c’est le Brésil. Le processus de dépossession a touché tous les continents ; il y a aujourd’hui un football à l’italienne, un style argentin, une façon de jouer à l’allemande, à l’espagnole, à l’égyptienne, tunisienne ou marocaine. À l’intérieur de chaque pays, chaque club a son style, son identité de jeu. Raja, Wydad ou AS FAR, ce n’est pas la même histoire ni la même façon de jouer, même si l’uniformisation des tactiques et la standardisation des entraînements ont un peu effacé les différences.
Le football, c’est aussi l’incertitude des résultats. C’est l’une des rares activités sportives qui s’adapte aux paris sportifs. Cette réalité se traduit parfois par un renversement des hiérarchies. Un club de football peut passer de l’obscurité des compétitions des divisions inférieures des championnats nationaux à la lumière des compétitions continentales et vice versa. L’argent n’est pas le seul ingrédient, contrairement aux autres sports. Par contre, grâce à la nouvelle gouvernance du football mondial, un club modeste peut devenir riche si ses performances le portent au firmament des compétitions auxquelles il participe.
Ce qu’il s’est passé cette semaine en Ligue des champions européennes a surpris tous les observateurs et supporters habitués au confort des résultats conformes à la logique classique. Une logique qui suppose que les clubs les plus riches, les mieux dotés en talents et avec le plus d’expérience de la haute compétition gagnent toujours. C’est l’inverse qui s’est produit si l’on se fie aux nombreuses surprises qui ont émaillé les deux premières soirées de la nouvelle compétition continentale. Brest a gagné à l’extérieur 4-0, une performance inattendue pour un club encore en deuxième division en 2019 et qui, à l’exception de la saison dernière, a toujours fréquenté les bas-fonds du classement. La victoire de mercredi couvre trois mois des salaires que le club distribue à ses joueurs. Lille a battu le Real Madrid, une victoire nette et sans bavure. L’écart économique entre les deux clubs est abyssal ; en principe, l’écart sportif aussi. Les Marocains ont beaucoup apprécié la prestation d’Ayyoub Bouadi, ce jeune Lillois d’origine marocaine qui a fêté de la plus belle des manières son 17ème anniversaire à la fin du match. Le Bayern, autre mastodonte du football mondial, a perdu face à Aston Villa. Un autre match a surpris par le score: c’est celui de Benfica face à Atlético de Madrid (4-0). C’est très inhabituel pour une des équipes les plus réputées pour son efficacité défensive. Par contre, la défaite du Paris Saint-Germain face à Arsenal a moins surpris: le PSG a habitué ses supporters aux défaites dès que le niveau s’élève.
Il y a bien entendu plusieurs explications aux défaites les plus inattendues: méforme ou absence des joueurs les plus talentueux. C’est la principale raison: une équipe qui gagne c’est d’abord d’excellents joueurs. Viennent ensuite les mauvais choix des entraîneurs, tactique inadéquate, arbitrage tendancieux… C’est aussi une question d’attitude. Certains joueurs ont une attitude bourgeoise envers le travail. On ne peut pas faire gagner son équipe sans aller au charbon et sans s’impliquer dans toutes les actions offensives ou défensives. Les attaquants qui rechignent à défendre pénalisent leurs coéquipiers. Sans ce travail collectif pour défendre et attaquer ensemble, rien n’est possible, surtout si en face l’adversaire est motivé et poussé par l’énergie de l’environnement et le soutien des supporters. Ceux qui composent leur onze sans tenir compte de ces équilibres ont de fortes chances d’échouer. Ceux qui se reposent sur leurs lauriers aussi. Rien n’est immuable.
Au Maroc, on le sait mieux que partout ailleurs. Beaucoup de clubs, jadis aux premières loges, sont aujourd’hui dans le quasi-anonymat, s’ils n’ont pas disparu. De nouveaux clubs les ont remplacés: pas forcément riches, souvent modestes mais animés par la foi de renverser la hiérarchie.
Le football vient de donner une leçon à la puissance de l’argent. Pourvu que la leçon soit retenue par le football marocain: c’est au final lui qui nous intéresse.