Les deux matchs que l’équipe nationale vient de jouer au titre des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations, face au Gabon et au Lesotho, n’avaient aucun enjeu sportif. Le Maroc est qualifié, quels que soient les résultats, pour les phases finales de la CAN 2025 en sa qualité de pays organisateur de la prochaine édition.
L’enjeu était ailleurs. Il est essentiel et prioritaire. Il s’agit de construire un nouveau groupe capable de remporter le titre de champion d’Afrique 2025 et de se qualifier pour les phases finales de la prochaine Coupe du Monde 2026. Ne pas être présent aux États-Unis, au Mexique et au Canada, après avoir été demi-finaliste en 2022 et avant de coorganiser celle de 2030, serait insupportable pour le public marocain. C’est indécent, compte tenu des moyens déployés. Ne pas remporter la CAN serait également un échec violent, compte tenu de l’excellence de la génération de joueurs dont dispose le Maroc actuellement. Ce n’est pas une opinion, c’est un constat, relevé par un grand nombre d’observateurs sportifs internationaux. Le célèbre quotidien sportif espagnol «AS» précise sur son site internet que «le Maroc peut s’appuyer sur un réservoir de talents bien plus important et plus diversifié que tous ses adversaires africains». Chaque poste est en effet doublé, voire triplé, par des éléments de grande qualité: Achraf Hakimi/Mazraoui, En-Nesyri/El Kaabi/Rahimi, etc.
Le groupe qui nous a fait rêver au Qatar en 2022 a échoué en Côte d’Ivoire. Un échec douloureux face à un adversaire bien plus faible. Il doit passer la main. La sélection doit reposer sur les plus forts et non sur les plus anciens, sauf quand les plus anciens sont les plus forts. Brahim Diaz, avec deux buts, dont celui contre le Lesotho à la 93ème minute, a ringardisé une des vedettes de Qatar 2022, la légende Ziyech. C’est la loi de la vie. Regragui a eu raison de prendre position pour Ziyech sur l’incident du penalty ; on ne touche pas aux légendes. On les respecte jusqu’à la fin, et Ziyech n’a pas dit son dernier mot. Mais son actualité le rattrape. Il ne vit pas ses meilleurs moments en club, un peu comme Ounahi, Aguerd et Amrabat. On ne doit pas hésiter à les challenger.
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Regragui est resté globalement fidèle à l’équipe du Qatar en 2022. Sur les nouveaux titulaires du match Maroc-Gabon, seuls Abqar, Rahimi et Brahim Diaz sont nouveaux. Bilal El Khannous et Abde Ezzalzouli étaient du voyage à Doha. Devant une bonne équipe du Gabon, conduite par Aubameyang, les anciens ont été sobres sans être éblouissants. Ils peuvent facilement être remplacés par Akhomach, Adli, Richardson, Targhalline et Aznou. Ce sont des nouveaux au talent incontestable qu’il faudra tester sur le long terme, au plus haut niveau.
C’était le cas, comme promis par l’entraîneur. D’importants changements se sont produits lors du deuxième match face au Lesotho. Ce n’est pas suffisant. Le football est beaucoup plus compliqué que cela. Ce ne sont pas que des joueurs que l’on met ensemble, c’est un dispositif tactique, des combinaisons que l’on travaille à l’entraînement, une attitude et l’adaptation à l’adversaire. Face à une équipe qui fait le jeu et construit, les Marocains ont développé un savoir-faire évident. Il est constitué d’un composite de sacrifice, de repli défensif et de contre-attaques rapides. En revanche, devant une équipe qui défend avec un bloc bas, on buguent. Les seules options que propose le staff technique relèvent d’un coaching plus ou moins efficace. Quand ça ne marche pas, on change le joueur, alors que parfois il faut changer le dispositif tactique. L’option de repositionnement stratégique face à un blocage n’est pas activée, ou très peu. Ce n’est pas convaincant pour un public de plus en plus exigeant, qui garde en mémoire l’excellente prestation de l’équipe nationale olympique. Cette dernière a su exploser des défenses ultra-renforcées comme celle de l’Irak, lors de la dernière journée des phases de poules, un match décisif, et surtout face à l’Égypte lors du match de classement.
Walid Regragui et son staff. FRMF
Ce scénario risque de se répéter souvent. On l’a vu face au Gabon et au Lesotho: le statut de favori du Maroc va surmotiver ses adversaires. On ne croisera, lors des matchs face à des équipes africaines, que des défenses ultra-regroupées avec des attaquants ultra-rapides qui nous obligeront à la vigilance.
On ne peut pas dire que rien n’a changé depuis la CAN. Monsieur Regragui est un grand professionnel à l’écoute de son environnement. Il a fait appel à tous les jeunes qui ont brillé à Paris et introduit quelques changements dans son approche du jeu. Le jeu pratiqué par l’équipe nationale face au Gabon et au Lesotho n’a pas grand-chose à voir avec celui de l’équipe nationale de Qatar-2022 ou de Côte d’Ivoire-2024. C’est un jeu porté sur l’offensive tous azimuts. Ce changement de philosophie de jeu s’est concrétisé sur le terrain, parfois au détriment de l’équilibre global de l’équipe. Il faut lui laisser le temps de mettre en œuvre cette petite révolution culturelle. Les prochaines échéances décisives sont prévues en mars 2025 avec les éliminatoires de la Coupe du Monde. En attendant, rendez-vous est pris pour début octobre prochain. Gagner et plaire pour rassurer, c’est l’objectif.