Un des moments forts du début de la saison footballistique est le tirage au sort de la Ligue des champions, la compétition phare du football des clubs européens. Cette année n’a pas manqué à la tradition, même si le résultat du tirage a déçu la plupart des amateurs et observateurs de l’actualité sportive. La réforme de la Ligue des champions d’Europe complique la compréhension de la compétition et rallonge inutilement la saison footballistique. Il faudra jouer entre deux et quatre matchs supplémentaires pour remporter le trophée et accéder à la phase d’élimination directe, c’est-à-dire aux 1/8èmes de finale.
Le classement qui sera établi sur la base des 8 matchs disputés permettra de déterminer les huit premiers. Ils accéderont directement aux 1/8èmes de finale. Ceux classés entre la 9ème et la 24ème place joueront deux matchs supplémentaires au titre des barrages. Si un des barragistes atteint la finale, il aura joué quatre matchs de plus que les finalistes des précédentes éditions.
Cette réforme de la compétition a pour seul objectif de faire barrage à la séduisante Super League, une compétition alternative inspirée du format de la NBA de basket, qui propose, pour chaque journée, une multiplication de belles affiches entre les plus grands clubs du basket américain.
Ce qui était reproché à la formule précédente, c’est l’obligation faite aux grosses équipes de rencontrer des équipes du second tableau lors de la première phase. Les équipes relevant du même chapeau ne s’affrontaient jamais. Le désintérêt grandissant du public pour les premiers matchs était préjudiciable à leurs recettes. La formule retenue par l’UEFA répond partiellement à cette préoccupation. Dorénavant, toutes les équipes pourront affronter deux équipes de chaque chapeau, y compris le leur.
C’est ainsi que cette édition, comme la précédente, comportera deux phases: une phase de ligue (anciennement appelée phase de groupes) et le maintien d’une phase à élimination directe en aller-retour à partir des 1/8èmes de finale.
Chaque équipe affrontera huit équipes différentes, quatre à domicile et quatre à l’extérieur. Elles seront déterminées par tirage au sort et puisées dans chacun des quatre chapeaux. Cela veut dire que les 36 équipes seront classées selon des critères plus ou moins objectifs, dans 4 chapeaux différents, à raison de 9 par chapeau. Chaque équipe devra rencontrer deux équipes des 4 chapeaux, y compris dans sa propre catégorie. L’avantage, c’est de pouvoir programmer dès la première phase des Manchester City-Bayern, Liverpool-Barcelone ou Real Madrid-Chelsea. Avec la multiplication des matchs, cette nouvelle formule constitue un vrai danger pour le jeu et des risques sérieux de blessures pour des joueurs mal préparés. Ceux dont les équipes nationales sont performantes n’ont plus droit à la préparation physique de présaison, ni à des vacances pour décompresser.
Le football est devenu un véritable business créateur de valeur. Les clubs engendrent des recettes importantes via la vente des billets d’accès au stade, la vente de maillots ou de produits de publicité promotionnels, via le sponsoring, la vente des droits de diffusion télé ou la participation à des tournois amicaux ou officiels, championnats nationaux et internationaux. Ces recettes permettent aux clubs de nouer des contrats avec des joueurs et des entraîneurs, de payer leurs salaires et de prendre en charge leur gestion administrative. Cette industrie du spectacle repose sur les clubs mais surtout sur les joueurs qu’il faut préserver. La multiplication des matchs est salutaire pour le business, pas pour la santé des joueurs, qui sont la source du spectacle. Les blessures se multiplient. Les clubs les plus sollicités en souffrent beaucoup, certains trainent des blessés de la saison passée. Les autres veulent plus de matchs et plus de recettes. Pour faire passer leurs projets, ils s’appuient sur les dirigeants du football européen. Des dirigeants élus démocratiquement selon les principes de majorité. Ce n’est pas vraiment adapté pour le sport. Ainsi, ce ne sont pas les clubs des pays européens qui font le spectacle qui le dirigent. Le président de l’UEFA est originaire de la Slovénie. La logique aurait voulu qu’il soit Anglais, Allemand, Espagnol, Italien, Français ou Portugais, à la limite Hollandais, c’est-à-dire issu d’un pays majeur du football européen. C’est comme si le PDG d’une entreprise n’était pas désigné par l’actionnaire majoritaire, mais par un élu issu des rangs. C’est vrai que le niveau du SMIC serait au plus haut, mais ça durerait une année avant la faillite de l’entreprise.
Cette réforme, qui oblige les clubs à solliciter leurs vedettes trop souvent, les met en danger. Le Real Madrid, Barcelone, Juventus, Bayern, Liverpool, Manchester United ne sont pas des clubs légendaires, ce sont des murs porteurs. Les détruire, c’est voir le football d’élite s’effondrer et disparaître à court ou moyen terme. Pour éviter un tel risque, il faut remettre la pyramide à l’endroit. Ce sont les clubs les plus populaires et les plus ancrés dans la culture populaire qui doivent prendre en charge la gestion du football. Le projet de Super League, qu’ils avaient envisagé (le Bayern s’en est retiré), prévoyait de plus importantes recettes pour tous les clubs européens, y compris les plus pauvres d’entre eux. La Super League devait reverser 400 millions de dollars au fonds de solidarité du football amateur, le double de ce qu’offre l’UEFA. Le fair-play financier proposé était beaucoup plus strict et rigoureux, allant jusqu’à l’exclusion des mauvais élèves, et surtout les matchs moins nombreux et plus spectaculaires. Il faudra peut-être y revenir tout en corrigeant l’aberration qui l’a fait échouer, à savoir l’absence de sanction sportive en cas de défaite.