Il a suffi qu'Hervé Renard, ancien entraineur des Lions de l’Atlas, annonce publiquement son intention de quitter la tête de l’équipe nationale féminine française après les Jeux olympiques de Paris 2024, pour que les réseaux sociaux s’enflamment à nouveau et spéculent sur un éventuel départ de Walid Regragui. Ce dernier a pourtant été récemment confirmé à son poste.
Renard a laissé une bonne impression auprès du public marocain et a exprimé le désir d’entrainer une équipe masculine capable de se qualifier à la phase finale du prochain Mondial. Ce qui correspond pile poil à l’équipe du Maroc.
Il est vrai aussi que les prestations des nationaux n’ont pas été au niveau espéré depuis la fin du Mondial, à l’exception du match contre le Brésil à Tanger. La cruelle élimination en Coupe d’Afrique des nations au stade des 1/8ème de finale a laissé des traces. Aujourd’hui, le spectre de nouvelles désillusions est présent dans la tête de tous les supporters marocains.
Bien heureusement, les décisions relatives à la désignation, au maintien ou au renvoi d’un entraineur ne dépendent pas du vote du public. On aurait vécu un chassé-croisé permanent. C’est normal que le public soit déçu et les dernières prestations n’ont pas rassuré. Les supporters aspirent toujours au meilleur pour l’équipe nationale, leur exigence est légitime. La critique aussi, qu’elle émane de journalistes, d’anciens cadres sportifs ou de particuliers.
On peut reprocher à l’entraineur ses choix, sa stratégie, on peut le questionner et exiger, dans la limite du correct et du possible, des explications. En contrepartie on doit l’écouter, comprendre ses arguments et analyser son discours. La critique constructive est utile et permet d’avancer. Mais le remettre en question à chaque occasion, ce n’est pas bon pour l’environnement de l’équipe nationale, sa stabilité et la sérénité dans laquelle elle doit évoluer.
La responsabilité de procéder à un changement d’entraineur relève de structures bien précises. Ceux qui prennent les décisions ont des données sur la base desquelles ils se prononcent. A la signature du contrat, ils ont établi avec le coach un cahier des charges avec des objectifs et des mesures d’évaluations. Les résultats obtenus sur le terrain doivent probablement bénéficier du coefficient le plus élevé, mais ce n’est certainement pas le seul critère retenu. L’entraineur est également jugé sur l’ambiance au sein du groupe, l’attitude des joueurs et leur discipline, sa capacité à recruter et à intégrer de nouveau talents, en général formés dans un environnement étranger. Autant de compétences nécessaires pour réussir à partager un projet national et à le faire porter par les joueurs.
C’est à travers cette évaluation que les décisions sont prises et si Walid Regragui est maintenu cela veut dire qu’il a coché un certain nombre de cases, parmi toute une panoplie.
Personne ne peut empêcher les réseaux sociaux de s’enflammer et les médias de faire le buzz. C’est même salutaire. Il faut éviter de laisser l’entraineur s’installer dans la gloire liée aux succès passés. Lui rappeler que le succès et le prestige qui va avec sont éphémères est, sous certains aspects, un devoir. Les remises en question inscrivent toujours un parcours dans une nouvelle dynamique.
Ce n’est pas le premier entraineur qui «échoue» après un parcours exceptionnel. On peut même se poser la question s’il s’agit d’échecs. Les Lions de l’Atlas restent bien placés pour les éliminatoires de la Coupe du Monde 2026 et la qualité des effectifs s’est bonifiée.
Un entraineur, ce sont d’abord des joueurs, son rôle est de les mettre dans les meilleures conditions possibles, et sur ce registre Regragui a démontré son savoir-faire.
Il a subi comme ses prédécesseurs, au Maroc ou ailleurs, le syndrome de l’équipe à abattre après d’excellents résultats. Les plus anciens d’entre nous se souviennent qu’après les quarts de finales aux Jeux olympiques en 1972, le Maroc a perdu 4-0 face à la Zambie, un pays de bas de tableau africain à l’époque et qu’après le titre en 1976 c’est face à l’Ouganda, un autre pays quasi-inconnu sur le plan footballistique, que l’équipe marocaine a perdu 3-0.
La semaine dernière, Angolais et Mauritaniens se sont donné à cœur joie et ont fait preuve d’une agressivité rare pour des matchs amicaux, l’Afrique du Sud et le Congo en match officiel les avaient auparavant imités. Cela explique la qualité du jeu fourni par les Marocains ne le justifie pas.
C’est peut-être une question d’expérience. Le Maroc, avant et au cours du Mondial, n’a rencontré que des équipes mieux classées selon les critères de la FIFA. Depuis, c’est exactement le contraire, à part le match face au Brésil, toutes les équipes rencontrées étaient supposées moyennes ou faibles.
Faire revenir un ancien, ce n’est pas toujours une bonne idée, quelles que soient les qualités de celui que l’on souhaite voir revenir. Au Maroc, on se souvient du retour de feu Cluseau, parti en 1970 et revenu en 1979, de celui de Zaki également. Un des maitres mots du football, c’est la confiance. Il faut aussi de la patience. Pep Guardiola, un des meilleurs entraineurs du 21ème siècle et malgré un effectif hors du commun de Manchester City, a mis 7 ans pour remporter la Ligue des Champions. Malgré des éliminations précoces face à des équipes supposées plus faibles, ses dirigeants lui ont maintenu leur confiance. Mieux, ils lui ont permis de renouveler systématiquement les effectifs en dépensant sans compter.
Le Maroc a choisi de faire confiance à Regragui pour des raisons objectives, laissons-lui un peu de temps et faisons preuve de patience.