Paris 2024: Ces gens-là…

La délégation marocaine lors de la cérémonie d'ouverture des JO 2024.

La délégation marocaine lors de la cérémonie d'ouverture des JO 2024. . DR

Le football, sa fédération et son président sont aujourd’hui une oasis dans le désert de Gobi. Le sport roi applique à la lettre les résolutions des assises de Skhirat. Sa feuille de route découle de la lettre royale.

Le 14/08/2024 à 14h38, mis à jour le 14/08/2024 à 14h46

Les JO de Paris viennent de livrer leur verdict. Ils situent le Maroc à la 60ème place au tableau des médailles, au même rang que le Guatemala, et derrière des Nations comme le Botswana, l’Ouganda, la Tunisie, l’Egypte ou la République Dominicaine. Soufiane El Bakkali et les Lionceaux de l’Atlas ont été les arbres qui ont caché une forêt de déconvenues, de déceptions et de flops. Et pendant ce temps-là, les responsables des fédérations concernées ont choisi le mutisme, la fuite en avant ou la politique du déni.

Le Directeur Technique du CNOM a été le premier à lancer des messages illustrant cette politique de fuite en avant. Pour Hassan Fekkak, le bilan du Maroc est en progrès comparativement aux récentes participations lors des JO. Ces propos ne sont pas faux si l’on se réfère aux statistiques. Le Royaume a en effet doublé ses médailles comparativement à Londres 2012, Rio 2016 et Tokyo 2020. Mais en même temps ces déclarations sont le parfait reflet d’un état d’esprit qui infantilise le citoyen marocain pour plusieurs raisons: le budget alloué aux sportifs à fort potentiel (le fameux programme Jil 2024/2028), ensuite notre tradition dans plusieurs disciplines phares (athlétisme/boxe/judo/taekwondo).

Au niveau des fédérations sportives certains présidents ont anticipé les réactions des réseaux sociaux. C’est le cas de la boxe qui a décidé de dissoudre la DTN et de lancer un appel d’offre international pour recruter les décideurs techniques qui vont devoir rebâtir des équipes nationales compétitives à l’horizon 2028. La fédération olympique la plus titrée a, elle, choisi de mener la politique de l’autruche avec comme leitmotiv des selfies et une belle réception pour Soufiane El Bakkali qui n’est pas un produit du système, et en même temps zéro communication autour des échecs répétés de nos athlètes. La FRMA fidèle à sa sempiternelle politique du bâton et de la carotte estime qu’elle n’a aucun compte à rendre, et fait complètement abstraction du passé glorieux d’un sport qui a situé le nom de notre pays sur la géopolitique mondiale.

Quant aux autres patrons de fédérations leur crédo en ce moment est de se faire les plus discrets possibles et d’attendre que la colère légitime de nos compatriotes puisse s’apaiser. Le retour de la Botola Pro de foot, et des querelles de clocher des supporters pourraient leur donner raison. Et pourtant le message royal les concernant lors des assises de Skhirat en 2008 est toujours d’actualité. Il y a 16 ans, SM le Roi que Dieu le glorifie avait mis l’accent sur le problème de gouvernance des fédérations sportifs, et sur l’inadéquation du profil des dirigeants de l’époque avec les réalités d’un sport moderne et performant: «Ce qui est encore plus triste et plus fâcheux, c’est que dans la gestion des fédérations et des clubs, les responsabilités ne sont pas toujours claires, pas plus que ne sont satisfaits les impératifs de transparence, d’efficacité et de démocratie. A ces carences, s’ajoutent, évidemment, l’immobilisme qui caractérise certaines organisations sportives et la fréquence, faible ou quasiment nulle, du renouvellement de leurs instances dirigeantes. En fait, les problèmes d’alternance se réduisent, le plus souvent, à des considérations ou des différends personnels ou catégoriels étriqués».

16 ans plus tard, le constat n’a pas changé, il a même empiré avec la Loi 30/09 qui a plombé davantage le sport national. A cet effet, le scrutin de liste a abouti à des antagonismes qui ont paralysé les fédérations ou les associations sportives. La limitation du nombre de mandat des présidents de fédérations a été pondérée par l’exception faite pour ceux qui siègent dans les confédérations internationales ou continentales. Ainsi, la plupart des dinosaures ont, sous prétexte de développer la diplomatie sportive et le soft power made in Morocco, trouvé le moyen le plus sûr pour continuer à savourer le cocktail argent de poche/hôtels de luxe et autres avantages de leur fonction à l’international.  

Le diagnostic est clair sur le plan conjoncturel. Il est encore plus inquiétant sur le plan structurel. Le Maroc toutes disciplines sportives n’a que 450.000 licenciés. Les horaires contraignants de l’enseignement empêchent les jeunes de pratiquer leur sport préféré à des horaires convenables. Il est inimaginable d’aspirer obtenir des profils de sportifs avec 8h de cours par jour, plus les cours de soutien. Comment peut-on aussi obtenir une politique sportive cohérente quand le portefeuille de la Jeunesse et des Sports est un lot de consolation dans chaque composition gouvernementale depuis 2008? En 16 ans, la moyenne du mandat du titulaire de ce maroquin est de 14 mois. Une durée insuffisante pour mettre en place une politique efficiente, d’autant plus que le successeur prendra certainement le contre-pied des choix du précédent détenteur du poste. Ne faudrait-il pas pour éviter ce dysfonctionnement envisager 2 options: Donner tout le pouvoir au CNOM et le transformer en véritable instance dirigeante à l’image du CONI italien, ou bien créer un Conseil Supérieur des Sports à l’espagnol? Deux options valables qui ont le mérite de transcender les différends politiques.

Au niveau intermédiaire, les régions n’ont développé aucun programme efficient destiné aux jeunes. Idem au niveau des collectivités locales. Combien de salles couvertes dédiées aux associations dans chaque ville moyenne? Combien de piscines couvertes dans le Grand Casablanca? Combien d’infrastructures de bases pour permettre aux jeunes de développer leur talent et de fuir la spirale de la délinquance via le sport?

Le football, sa fédération et son président sont aujourd’hui une oasis dans le désert de Gobi. Le sport roi applique à la lettre les résolutions des assises de Skhirat. Sa feuille de route découle de la lettre royale. Et pendant ce temps, les autres caciques de notre sport utilisent les directives éclairées du souverain comme prétexte pour leur survie avec comme devises «faisons profil bas», «racontons des bobards», «plus c’est gros, plus ça passe». Eh oui, le Maroc est un pays de sportifs ou d’exploits sportifs mais malheureusement pas un pays de sport.

Le 14/08/2024 à 14h38, mis à jour le 14/08/2024 à 14h46