Est-ce qu’il y a un club, en Europe, en Asie ou en Afrique, qui a pu boucler la saison 2023-2024 sans concéder la moindre défaite, toutes compétitions confondues? Il faudra vérifier, mais la réponse sera probablement non.
Au Maroc, on n’a jamais vu ça. Dieu sait qu’il y a eu des périodes sur lesquelles certains clubs ont littéralement «marché» sur les autres, trustant tous les titres en alliant le fond et la forme. Le Wydad dans les années 1970. Le KAC de Kénitra, ensuite les FAR, dans les années 1980. Et le Raja à la fin des années 1990.
Quand ils dominaient le foot national, ces clubs constituaient l’ossature de la sélection marocaine. Ce qui n’est pas le cas du Raja aujourd’hui.
D’autre part, et même au top du top, ces clubs ont concédé des défaites. Et quand ce n’est pas en championnat, ce fut en Coupe du trône. Ou en compétition internationale (trophées africains ou arabes). Pas le Raja 2023-2024. Une saison complète «blanche», pure, virginale, sans connaitre le goût de la défaite.
C’est proprement phénoménal.
Deux éléments supplémentaires donnent à l’exploit des Verts une dimension encore plus historique. Le premier, c’est que cette équipe a joué tous ses matchs loin de Casablanca et de son extraordinaire public. Paradoxalement, on peut d’ailleurs croire que cet éloignement a permis aux poulains de Zinnbauer de jouer, relativement sans pression excessive, se concentrant sur le jeu et rien que le jeu.
Le deuxième élément qu’il fau signaler, c’est que cette équipe a réalisé une saison de rêve avec un effectif pourtant limité. Aux mercatos d’été et d’hiver, le Raja a très peu investi. Il y a eu quelques retours de prêt, des joueurs arrivés libres qui n’ont coûté aucun centime, c’est à peu près tout. Le Raja n’a engagé aucune «star», aucun international. Ils ont, au contraire, cédé leur meilleure arme offensive: Hamza Khabba.
Comment, dans ces conditions, expliquer ce parcours exceptionnel?
Au sortir d’une saison 2022-2023 conclue à une décevante 5ème place, personne n’aurait misé un dirham sur cette équipe. Privé de coupe africaine, et donc de ressources supplémentaires, le Raja, avec un «nouveau» président (le revenant Boudrika), s’est mis au régime sec. Pas de folie mercato, mais une décision intelligente: nommer très tôt (dès juin 2023) un entraineur surtout connu pour son travail avec Orlando Pirates (Afsud), Josef Zinnbauer.
C’est suffisamment rare pour être souligné, et en gras s’il vous plait. Le coach a fait la préparation d’avant-saison, préparé le travail foncier de ses joueurs, participé aux mouvements (transferts et arrivées) de l’effectif. Et il n’a pas été licencié après les cinq premières journées du championnat, alors que son Raja new look, volontaire mais brouillon, collectionnait les nuls.
Le mérite des dirigeants est d’avoir «protégé», à ce moment-là, leur coach et leur effectif. Avec un calendrier allégé, sans match international, et un effectif stable (pas de blessure, ni de mouvement important), Zinnbauer et les siens ont pu bosser. Comme des élèves studieux, peut-être limités, mais appliqués, affamés, sérieux. Et cela a payé.
Regardez cette finale de Coup du trône disputée hier face aux FAR (2-1). Une fois de plus, le Raja a déployé son schéma habituel, sans rien changer. Un collectif soudé et tourné vers l’avant, pas d’attaquant de pointe mais des joueurs offensifs mobiles et habiles pour permuter. Dès les premières minutes, l’affaire état entendue: cette équipe a tout de suite installé une espèce de «fatalité de gagner». Parce qu’elle n’arrête pas de pousser, de piquer, de fatiguer son adversaire, avec un pressing haut, constant, et une variété de combinaisons et d’attaques placées.
Les FAR, comme le reste des équipes de la Botola, n’avaient d’autre choix que de plier. Ce Raja record était trop fort. Bravo à toutes les composantes de ce club qui fête son retour en C1 de la meilleure des façons: en gagnent tout, absolument tout, sur son passage.