Comme chaque année, le Ballon d’Or soulève les débats. Qui le mérite vraiment? Le joueur le plus spectaculaire? Le plus décisif? Le plus titré? Alors que des noms comme Lamine Yamal, Ousmane Dembélé ou encore Vitinha émergent dans les conversations, Achraf Hakimi s’impose petit à petit comme un prétendant sérieux.
Le latéral marocain vient de boucler une saison tout simplement exceptionnelle. Entre les titres glanés avec le PSG et la médaille de bronze décrochée aux Jeux Olympiques de Paris avec les Lionceaux de l’Atlas, le natif de Madrid fait aujourd’hui l’unanimité.
Pourtant, la question divise: peut-on réellement offrir le Ballon d’Or à un défenseur? Et plus encore, à un latéral? Le360 a échangé avec plusieurs spécialistes du ballon rond, sur la question.
En France, un statut incontestable
Du côté de Paris, les avis sont tranchés. Pour Adrien Chantegrelet, journaliste sportif à Le Parisien, «il est l’un des trois meilleurs joueurs du PSG cette saison. Une régularité impressionnante, une influence immense sur le jeu, c’est clairement le latéral droit le plus complet au monde». L’expert insiste sur «sa palette défensive et offensive exceptionnelle sous Luis Enrique» et estime qu’il «mérite amplement d’être dans le top 3, voire le top 5».
Mais le poste reste un handicap. «Il part avec un léger déficit, car dans l’imaginaire collectif, un défenseur ne brille pas comme un buteur ou un dribbleur. Dembélé ou Yamal captent davantage l’attention». Et si lui penche pour un Ballon d’Or à Dembélé, «transfiguré cette saison au PSG dans un rôle de finisseur», il admet que «Hakimi est devenu un cadre, un vrai leader, même au PSG. Peut-être que le départ de Mbappé lui a permis de prendre cette place?».
En Espagne, on n’exclut rien
Dans la presse ibérique aussi, le PSG impressionne. Tomás Roncero, rédacteur en chef du journal AS, annonce d’entrée la couleur: « Le Ballon d’Or doit revenir à un joueur du PSG. Le club a remporté la Ligue des champions », affirme l’espagnol. «Dembélé est un candidat sérieux, Vitinha aussi… mais pourquoi pas Hakimi? Il monte, descend, défend, attaque. Il est complet. Ce serait un bel hommage aux défenseurs».
En Angleterre, la nuance domine
Outre-Manche, les avis sont plus tempérés. Mani Djazmi, journaliste sportif à la BBC, estime qu’«il a été essentiel au PSG avec ses courses incessantes et ses 27 contributions décisives. Aucun latéral n’a fait mieux», note l’analyste iranien. «Mais d’autres ont été plus marquants: Raphinha a été constant toute la saison, Yamal est devenu indispensable au Barça et Dembélé n’a brillé qu’en 2025. Le Ballon d’Or, c’est l’année entière».
John Bennett, autre spécialiste de la BBC, renchérit: «Hakimi mérite d’être dans la discussion. Aucun autre joueur à son poste n’a atteint ce niveau. Mais il y a deux obstacles: il est défenseur et partage les projecteurs avec d’autres Parisiens. Cela dilue les votes. Mais quoi qu’il arrive, Hakimi fait désormais partie des tout meilleurs au monde».
En Afrique, le Marocain séduit davantage
Au Maroc, bien sûr, l’enthousiasme est fort. Youssef Chani, journaliste marocain avance: «C’est un vrai leader, constant depuis près d’un an, même quand ses coéquipiers sont dans le dur, il répond présent, en attaque comme en défense», affirme l’expert local.
Même son de cloche au Nigeria, où Babatunde Koiki, responsable des sports à News Central Television à Lagos, observe avec lucidité: « Malgré sa saison exceptionnelle, il finira sans doute derrière Yamal... Il n’a pas ce profil de sauveur ou de dribbleur. Mais il est clairement favori pour le titre de Joueur Africain de l’année. Un seul défenseur a remporté ce trophée auparavant (Bwanga Tshimen, joueur de la RD Congo (ex Zaïre), en 1973, ndlr). Ce serait mérité».
Et d’ajouter: «Il a brillé partout: aux JO, en Ligue des champions, avec le Maroc. Il a mené son pays à 12 victoires consécutives et une qualification parfaite pour le Mondial. C’est une saison historique».
«Peu de joueurs peuvent se targuer d’un tel impact sur les deux fronts»
— Walid Regragui
Des légendes du football marocain et africain, se sont également exprimées sur la candidature d’Achraf Hakimi.
Parmi eux, Mohamed Timoumi, deuxième joueur marocain à avoir remporté le Ballon d’Or africain en 1985, voit en Hakimi bien plus qu’un simple joueur accompli. «Avec une saison pareille, une récompense individuelle viendrait saluer un travail collectif, celui du Royaume en faveur de ses joueurs et du football africain dans son ensemble».
Badou Zaki, lauréat du même trophée l’année suivante et icône des cages marocaines, insiste quant à lui sur le rôle central du latéral dans l’effectif parisien: «C’est une pièce maîtresse du système de l’entraîneur espagnol du PSG. Si on veut neutraliser cette équipe, il faut d’abord stopper Achraf… ce qui est quasiment impossible. Y’a pas photo: il mérite logiquement d’être désigné Ballon d’Or cette année».
Aziz Bouderbala, autre figure emblématique du football marocain, affiche une forme de lucidité mais ne cache pas son enthousiasme: «Si un défenseur comme Achraf Hakimi venait à le remporter cette année, ce serait un message fort. Une reconnaissance pour tous les postes, et particulièrement pour les défenseurs. Et nous, en tant que Marocains et Africains, serions fiers de voir l’un des nôtres succéder à George Weah».
Enfin, Walid Regragui, sélectionneur national, met l’accent sur les valeurs incarnées par le joueur. «Peu de joueurs peuvent se targuer d’un tel impact sur les deux fronts. Il a été constant, décisif, et surtout fidèle à ses principes: respect du jeu, amour du maillot, sens du collectif». Et dans ce sens, pour le sélectionneur national, «Achraf Hakimi est un candidat naturel, légitime et incontournable».
Aujourd’hui, une saison historique est-elle suffisante pour décrocher le graal individuel? Dans un football où les offensifs dominent les débats et où les critères semblent parfois s’adapter aux profils, voire aux saisons, Achraf Hakimi pourrait payer le prix de ne pas être un attaquant, même s’il marque.
Mais s’il ne crée pas la surprise, il aura, quoi qu’il arrive, affiché son meilleur visage et marqué les esprits de son empreinte. Un trophée, c’est une chose. Le respect, lui, ne se vote pas.
Achraf Hakimi célèbre après avoir marqué le troisième but du PSG lors du match de finale de la Coupe de France contre le Stade de Reims au Stade de France, le 24 mai 2025.. AFP




















