Leçon de démocratie

De gauche à droite: Abdellah Birouaine, Jawad Ziyat et Said Hasbane, les trois candidats à la présidence du Raja.

ChroniqueUne élection au Raja, c’est toujours un choc de générations, de visions et d’egos. Les adhérents s’invectivent, les candidats s’affrontent par médias interposés, les coulisses s’agitent, les groupes de supporters se positionnent et se mêlent parfois du jeu électoral.

Le 07/07/2025 à 12h07

On peut aimer ou détester le Raja. On peut le soutenir, le redouter, s’en inspirer ou le critiquer. Mais il est une chose que nul ne peut nier, même chez les plus fervents rivaux: le processus électoral au RCA est, depuis toujours, une affaire sérieuse. Et même dans la tempête, les Verts continuent d’offrir, souvent malgré eux, une leçon de démocratie à tout le football marocain.

En ce lundi 7 juillet, le club s’apprête à désigner un nouveau président. Un événement qui, ailleurs, tiendrait de la formalité. Mais au Raja, cela ressemble à une élection présidentielle dans un pays sous tension. Le scrutin est attendu, observé, décortiqué.

Ziyat, Hasbane, Birouaine. Trois noms, trois visions, trois passés. Et une même ambition: prendre les rênes d’un club en pleine mutation. Car cette élection ne se résume pas à un simple changement de tête. Elle s’inscrit dans un tournant structurel majeur: l’activation officielle de la société anonyme RAJA SA, première du genre dans l’histoire du football marocain.

À l’heure où la professionnalisation est devenu une nécessité plus qu’un luxe, le Raja passe à la vitesse supérieure. Avec l’entrée de Marsa Maroc dans le capital et une structuration financière solide, le club entend rompre avec les logiques court-termistes. C’est un saut dans l’inconnu, certes, mais un saut maîtrisé, préparé, audité. Un saut de la foi.

Et pendant que l’architecture institutionnelle se redessine, le club reste fidèle à lui-même: indomptable, divisé, bruyant. Une élection au Raja, c’est toujours un choc de générations, de visions et d’egos. Les adhérents s’invectivent, les candidats s’affrontent par médias interposés, les coulisses s’agitent, les groupes de supporters se positionnent et se mêlent parfois du jeu électoral.

Il faut bien le dire: entre les AG animées, les tensions internes et les règlements de comptes à peine voilés, le Raja ressemble à un Parlement permanent. Mais c’est aussi cela qui fait sa singularité. Quand d’autres clubs se contentent de «nominations» dans le silence, ici, on débat, on discute et, au bout du compte, on vote.

À une époque où la gouvernance du football marocain est encore trop souvent marquée par l’opacité, le modèle rajaoui a ceci de précieux: il vit. Même les divisions qui surgissent à chaque assemblée, témoignent d’un attachement viscéral à l’identité du club et à son avenir.

On se souvient de l’épisode Aziz El Badraoui, exception qui confirme la règle. Une présidence éclair et surtout déconnectée du fonctionnement organique du Raja. Mais le club a rapidement rectifié le tir.

Aujourd’hui, les enjeux dépassent la simple élection. Il s’agit de faire entrer le club dans une nouvelle ère. Une ère où la passion ne suffit plus, où le professionnalisme devient une obligation, et où le président devra être à la fois un gestionnaire, un médiateur et un homme de vision.

Ce qui se joue aujourd’hui, ce n’est pas qu’un vote, c’est une révolution douce mais déterminante, qui pourrait, si elle réussit, inspirer tout le paysage footballistique national.

Alors oui, au Raja, les AG sont bruyantes. Oui, les clans s’opposent. Oui, il y a parfois trop de passion pour trop peu de raison. Mais c’est aussi cette ferveur qui fait du club un acteur unique. Un club qui, au milieu du chaos, parvient toujours à poser les premiers jalons de l’histoire.

Aujourd’hui, trois hommes veulent écrire la suite. Mais c’est peut-être le Raja lui-même qui, encore une fois, montre le chemin à tout un football.

Par Adil Azeroual
Le 07/07/2025 à 12h07