Interview exclusive. Jawad Ziyat: «Le passage à la société est une chance historique pour le Raja et pour le football marocain»

Jawad Ziyat, candidat à la présidence du Raja.

VidéoLe 13 septembre 2018, Jawad Ziyat prenait les rênes d’un Raja en pleine crise. Quatre ans plus tard, alors que la tourmente secoue de nouveau les Verts, l’ancien président revient en candidat, animé par l’ambition de mener une refondation en profondeur du club, aussi bien sur le plan sportif que financier, à travers l’activation de la société Raja SA. Dans un entretien exclusif accordé à Le360, il en dévoile les grandes lignes.

Le 27/06/2025 à 14h32

Il connaît la maison et ses rouages. Président du Raja entre 2018 et 2020, Jawad Ziyat a laissé l’image d’un dirigeant rigoureux, auréolé de titres (1 Coupe de la CAF, 1 Supercoupe d’Afrique, 1 Botola) et d’un redressement financier logique, impulsé par ces succès sportifs.

Quatre ans plus tard, il souhaite reprendre les commandes, avec un objectif clair: transformer en profondeur le club à travers la mise en route, tant attendue, de la société Raja SA.

«La crise que traverse le Raja n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle», affirme-t-il d’entrée. «En huit ans, le club a connu neuf présidents. Ce n’est pas viable». Jawad Ziyat pointe les limites du modèle actuel, fondé sur une gestion quotidienne assurée par des membres bénévoles de l’Association: «Ce fonctionnement n’est plus adapté aux exigences d’un club de l’envergure du Raja». Selon lui, il est urgent d’instaurer une gouvernance stable, professionnelle, tournée vers la performance et la durabilité.

«Avec le conseil consultatif, les anciens présidents et plusieurs figures emblématiques du club, nous avons engagé depuis trois ans une réflexion de fond. Nous avons consulté plusieurs investisseurs. Grâce à l’appui du président de la Fédération, Fouzi Lekjaa, et du Wali de Casablanca, Mohamed Mhidia, nous avons pu sécuriser un accord avec un acteur institutionnel solide: Marsa Maroc».

L’objectif est clair: activer Raja SA, société créée en 2019 mais restée inactive jusqu’à présent. « La loi 30-09 existe depuis dix ans. Il est temps de l’appliquer».

Ziyat assure que le moment est propice à cette transition. «Je reviens parce que je crois que nous avons une occasion unique de bâtir quelque chose de solide, d’inédit, pour l’avenir du club. Nous avons sécurisé l’accord, maintenant il faut transformer l’essai». Et d’insister: «Le prochain bureau devra bâtir un business plan, finaliser les contrats juridiques avec l’investisseur et mettre en route Raja SA. Sans cette transition, l’avenir du Raja est sérieusement compromis».

Interrogé sur la répartition du capital entre Marsa Maroc (60%) et l’Association (40%), il explique: «C’est un calcul purement mathématique. L’Association transfère des actifs évalués à 100 millions de dirhams, les joueurs et la marque. Marsa Maroc apporte 150 millions. Au total, cela fait 250 millions de capital. Donc 60/40, c’est logique». Il précise: «Nous aurons ainsi la société sportive au capital le plus élevé du pays. C’est un levier formidable».

La valorisation du club, établie avec l’appui de la banque d’affaires mandatée par l’investisseur, atteint 510 millions de dirhams brut. « Cela inclut l’équipe première et les jeunes élites (80 MDH), la marque Raja (150 MDH), l’académie et les biens immobiliers (280 MDH). Une fois la dette de 130 millions déduite, la valeur nette du club est de 380 millions».

Et de comparer: «Quand les Qataris ont racheté le PSG, il était valorisé à 70 millions d’euros. Nous, on parle de 35 millions d’euros aujourd’hui pour le Raja. C’est raisonnable».

L’ambition affichée est claire: créer un club moderne, performant, capable de rivaliser durablement au plus haut niveau africain. «Nous allons bâtir une entreprise qui respecte l’ADN du Raja, tout en introduisant rigueur, méthode et stratégie. Le monde du football a changé. Il faut que le Raja change avec lui».

Le 8 juillet (lendemain de l’AG du Raja), Ziyat entend lancer quatre chantiers majeurs: «Le juridique, la gouvernance, la stratégie économique et la transition entre l’Association et la société». Il annonce que le club fera appel à des juristes de haut niveau, y compris à l’international: « Ce n’est pas un pacte d’actionnaires qu’on peut rédiger à la va-vite. Il faut un travail d’excellence».

Sur la formation, il est catégorique: «C’est au cœur de notre vision. Des joueurs comme Rahimi, Banoun, Bassir ou El Karkouri ont rapporté des millions au club. Il faut retrouver ce cycle vertueux». Concernant l’Académie, il précise: «C’est un don royal, un symbole. On ne peut pas la vendre. Elle restera propriété de l’Association, mais pourra être exploitée par la société à travers une convention».

Côté recrutement, il annonce un changement de logique: «Nous allons recruter de façon rationnelle, avec une approche scientifique et basée sur le mérite. On ne recrutera pas pour remplir les fiches. Et si un joueur formé au club a le même niveau qu’un joueur extérieur, c’est lui qu’on choisira».

Il projette déjà sa vision à trois ans: «J’aimerais voir un club avec un chiffre d’affaires doublé, une situation financière saine, plusieurs titres gagnés, et surtout un socle solide transmis à une nouvelle génération de dirigeants».

Il évoque aussi la création d’une fondation pour accompagner les anciens joueurs et les jeunes en difficulté: «Le Raja doit aussi jouer un rôle social. Ce club n’est pas qu’une équipe. C’est une institution».

À ceux qui doutent du modèle, il adresse un message de confiance: «Il n’y a aucune raison d’avoir peur. Ce passage à la société est une chance historique pour le Raja et pour le football marocain. Nous devons la saisir». Et de conclure: «J’appelle tous les acteurs du club, y compris les autres candidats, à unir leurs forces. Nous n’aurons peut-être pas d’autre occasion comme celle-ci».

Par Magda Soltani, Zouhair Hijari, Khadija Sabbar, Khalil Essalak et Abderrahim Et-Tahiry
Le 27/06/2025 à 14h32