Au Maroc, deux sentiments cohabitent chez les supporters et amateurs de football. D’un côté, un sentiment de fierté devant les performances des équipes nationales, toutes catégories confondues. De l’autre, une frustration liée à l’obligation, certes temporaire, de se déplacer pour assister aux matchs de son équipe favorite, à domicile comme à l’extérieur, pour des considérations de sécurité et pour éviter les violences.
Toutes les équipes ne sont pas concernées, fort heureusement !
On a beau se souvenir de l’exploit de l’équipe nationale au Qatar en 2022, avec une demi-finale de Coupe du Monde, face à la France. Un pénalty non sifflé sur Soufiane Boufal, suite à une faute de Théo Hernandez, et un retourné improbable du défenseur Jawad El Yamiq sur le poteau gauche du gardien français Lloris juste avant la mi-temps auraient pu changer la dynamique du match et peut-être, expédier les Lions de l’Atlas en finale.
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On se rappelle, avec plaisir, de la performance des U23, médaillés de bronze des Jeux olympiques, et incontestablement la meilleure équipe du tournoi, tout en évoquant les parcours des U17, des féminines et de l’équipe de Futsal. Le sentiment de frustration reste tenace.
Le Maroc se prépare à accueillir les meilleures équipes du continent, pour ce que la CAF annonce comme «la plus belle édition de l’histoire». Un défi qui s’impose à tous. Le Royaume se prépare également à organiser, en compagnie de l’Espagne et du Portugal, la Coupe du Monde 2030, ainsi que cinq Coupes du Monde féminines U-17. Le tout, avec des prescriptions et un cahier des charges à respecter.
Chacun peut comprendre les sacrifices demandés, mais être empêché de se déplacer pour encourager les siens à cause de quelques voyous, ça ne passe pas ! D’autres solutions existent.
La violence dans les stades est un phénomène ancien, qui a commencé avec le football, il y a plus d’un siècle en Angleterre. Le phénomène s’est renouvelé au début des années 1980, avec les hooligans, qui ont remis le couvert. Et ils ont failli détruire définitivement le football anglais.
Cette bande de voyous a choisi la violence comme mode d’expression. Ils se sont structurés et organisés en groupes de fauteurs de troubles, dont l’objectif était de s’attaquer violemment aux supporters des équipes adverses, de détruire les commerces avoisinants, les équipements publics, les voitures et l’intérieur des stades.
Le bilan de leur passage était souvent lourd. Un cap a été franchi avec le drame du Stade du Heysel (aujourd’hui Stade Baudouin). C’était à l’occasion de la finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions, entre la Juventus et Liverpool.
Les supporters du club anglais ont provoqué alors une bagarre qui s’est traduite par la mort de 39 personnes et a fait 600 blessés, plongeant le monde du football dans un traumatisme durable. Les condamnations n’ont pas tardé: Liverpool a été banni des Coupes d’Europe pendant 10 ans, peine ramenée à 6 ans en appel.
Les autres clubs anglais ont été suspendus pour trois ans, mesure portée à cinq ans suite à de nouveaux incidents en Angleterre, notamment le drame de Hillsborough en 1989, qui a coûté la vie à près d’une centaine de supporters de… Liverpool. Quant à la Juventus, elle a été suspendue pour une année.
Les mesures prises ont sauvé le football et mis fin à l’hooliganisme dans les stades européens. Elles ont mobilisé toutes les forces vives du pays -politiques, sécuritaires et judiciaires- et ont nécessité des investissements technologiques, très largement rentabilisés depuis.
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Le Maroc devrait s’en inspirer. Il dispose déjà d’un arsenal de mesures législatives et réglementaires, destinées à renforcer les pouvoirs de la police et visant à réprimer les coupables de violences. Des investissements massifs sont en cours pour améliorer les infrastructures. Les futurs stades seront dotés de caméras de surveillance, de portiques de contrôle d’accès et probablement de systèmes de reconnaissance faciale.
Ce sera utile mais insuffisant. Les forces policières déployées en grand nombre ne suffisent plus. Les peines de prison et les amendes n’ont malheureusement pas eu raison des voyous. Les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux peuvent inquiéter et devraient interpeller.
Les Anglais, pour éradiquer le phénomène, ont également lancé un programme d’éducation et de prévention. Des cursus ont été conçus pour sensibiliser les supporters aux risques du hooliganisme. Des campagnes de prévention ont été diffusées dans les médias avec des messages anti-hooliganisme. Un travail a été entrepris avec la collaboration des clubs, afin de promouvoir une culture du respect et du fair-play.
En parallèle, ils ont créé la «Football Banning Order Authority» (FBOA), un organisme chargé de gérer les interdictions de stade et ont mis en place un système de signalement, permettant aux supporters d’alerter sur les incidents.
Aujourd’hui, les stades anglais affichent complet à chaque match. Pendant longtemps, ils étaient les seuls en Europe à offrir du spectacle au cours des fêtes de fin d’année, avant d’être émulés par d’autres championnats du Vieux continent.
Ceux qui ne sont jamais rassasiés de football se régalent des matchs proposés par la Premier League à l’occasion du « Boxing Day », le lendemain de Noël, ainsi que deux autres journées dans la semaine qui suite, jusqu’au 6 janvier, week-end de reprise ailleurs.
Les Anglais ne font rien comme les autres, mais rien ne nous empêche de nous en inspirer pour la bonne Cause.