Le Joga Bonito était marocain, le réalisme brésilien

Une séquence du match Maroc-Brésil de futsal, le 29 septembre 2024.

ChroniqueIl reste beaucoup à faire et on doit tirer les enseignements de cette défaite: des enseignements utiles pour le futsal et par extension pour le football marocain.

Le 01/10/2024 à 10h47

Les Marocains ne sont pas habitués à voir leurs joueurs pleurer à la suite d’une défaite en quart de finale de Coupe du Monde face au Brésil. C’est pourtant ce qu’il s’est passé dimanche dernier à l’issue d’un superbe match des poulains de Hicham Dguig, lorsqu’à la fin du match, la plupart des joueurs marocains étaient effondrés sur le sol, au centre du terrain.

Ils n’étaient pas favoris, loin de là ; l’accumulation des blessures a fortement affecté la cote de l’équipe, et le Brésil est tout de même la meilleure équipe au classement mondial. Revenus de leurs émotions, les Lions de l’Atlas de futsal se sont même excusés auprès du public pour leur échec. On croit rêver! Les Marocains savaient que l’équipe était handicapée par l’absence de deux joueurs clés, blessés quelques semaines avant le tournoi. Ils ne savaient pas que ceux qui les avaient remplacés avaient surchauffé leur cœur et leur énergie pour compenser le talent des absents. Ils ont perdu le match mais gagné l’estime, le respect et la reconnaissance du public. C’étaient eux les Brésiliens du match ; les autres portaient le maillot jaune de la Seleção mais certainement pas la tradition du beau jeu.

Le futsal n’a pas la popularité du football mais il est en train de se faire une belle place dans le cœur des supporters. Il est plus facilement accessible pour la jeunesse marocaine. Sa pratique est facilitée par la multiplication des terrains de proximité dans les principales villes du Maroc. Ce n’est pas le cas du football, dont la gestion est confiée à des clubs structurés avec une organisation administrative assez lourde, des étapes à franchir et des examens à réussir. C’est un vrai parcours du combattant que de jouer au football pour un jeune. Le futsal, c’est beaucoup plus simple et plus accessible.

Cette très belle prestation de l’équipe nationale va susciter des vocations et des attentes auprès du public. Il faudra en tirer les bons enseignements. C’est ainsi que l’on peut légitimement s’attendre à la création de plusieurs clubs jusque dans les coins les plus reculés du pays. Parce que si c’est plus simple de jouer, c’est souvent plus cher. Il faut se cotiser entre copains pour accéder aux terrains, lorsqu’ils sont disponibles. Créer des structures d’accueil, c’est-à-dire des clubs et des infrastructures pour recevoir l’énergie de la jeunesse marocaine, fait partie des priorités. Le parcours du Maroc lors de cette Coupe du Monde de futsal est un excellent carburant pour les bonnes volontés. On peut, à cet égard, être optimiste ; la Fédération royale marocaine de football a déjà montré son savoir-faire lorsqu’il s’agit d’accompagner et donner les moyens aux bonnes initiatives.

La deuxième leçon à retenir concerne le style développé par l’équipe nationale. C’est un style qui correspond parfaitement à ce que l’on observe lorsqu’on regarde des copains jouer ensemble. C’est peut-être la première fois que le jeu développé par une équipe marocaine correspond à celui que l’on voit sur les terrains de proximité ou même sur les terrains vagues.

Oui, il existe un football à la marocaine: généreux, spontané, technique et collectif, fait de multiplications de passes, d’une-deux, de jeu en triangle et de mobilité des joueurs. Ce football n’est pas réservé au football de rue ; il vient d’acquérir ses lettres de noblesse. Ce qu’on a vu, en termes de qualité, en première mi-temps face à l’équipe nationale iranienne et lors du match face au Brésil est inhabituel pour une équipe nationale ou même un club à ce niveau de compétition. Sur ce registre, on a franchi un cap qui devrait concerner le futsal mais aussi le football à plus grande échelle. C’est vrai qu’en football aussi, on en a eu un aperçu lors des Jeux olympiques, surtout lorsque les Marocains se sont complètement lâchés face aux Égyptiens pour le match de classement. Un football développé également, par bribes, lors du mémorable parcours des Lions de l’Atlas au Qatar. On tient le bon bout ; il ne faut surtout pas le lâcher.

Bien entendu, il reste beaucoup à faire et on doit tirer les enseignements de cette défaite: des enseignements utiles pour le futsal et par extension pour le football marocain. On doit le faire sur tous les registres et c’est la coresponsabilité des joueurs et de leurs encadrants. Il faut travailler la condition physique, le mental et l’efficacité. Cristiano Ronaldo en est le parfait exemple. Il fait partie des meilleurs joueurs de l’histoire uniquement parce qu’il a travaillé ce triptyque. Beaucoup de joueurs sont plus talentueux que lui ; aucun n’a eu sa carrière, son efficacité et sa notoriété. C’est un Portugais issu d’un milieu modeste, orphelin dès son plus jeune âge ; cela n’a jamais été un obstacle mais une motivation supplémentaire.

Le reste c’est le talent, le Maroc en regorge. Il dispose d’un capital humain naturellement doué pour le maniement du ballon. Ce n’est pas un hasard si les joueurs marocains toutes nationalités sportives confondues sont les plus nombreux en Ouzbékistan 2024. Certains jouent en Hollande, en France ou au Maroc personne n’a déçu. Chaque chose en son temps. Savourons le moment présent et comme les joueurs on peut se dire qu’on peut mieux faire.

Par Larbi Bargach
Le 01/10/2024 à 10h47