Interview360. Abdoulaye Fall, président de la FSF: la CAN 2025, le modèle marocain, le football sénégalais, Fouzi Lekjaa et moi

Abdoulaye Fall, président de la Fédération Sénégalaise de Football.

EntretienEn visite officielle au Maroc quelques jours après son élection à la tête de la Fédération sénégalaise de football (FSF), Abdoulaye Fall s’est confié à Le360 Sport. De ses priorités pour ce premier mandat à la coopération avec la Fédération royale marocaine de football (FRMF), en passant par la CAN 2025 et les chances d’Achraf Hakimi pour le Ballon d’Or, le nouveau patron du football sénégalais se livre sans détour.

Le 11/08/2025 à 14h17

Fraîchement élu président de la Fédération sénégalaise de football, Abdoulaye Fall a choisi le Maroc comme première destination officielle. Accueilli à Rabat par Fouzi Lekjaa, il a salué le modèle marocain en matière de développement du football et esquissé les contours d’un partenariat stratégique entre les deux instances. Dans cet entretien exclusif, il revient sur son programme, la vision qu’il porte pour le football sénégalais, les opportunités offertes par la coopération sud-sud, et livre son regard sur les grandes échéances africaines et internationales à venir.

Le360 Sport: Vous venez d’être élu président de la Fédération sénégalaise de football. Quelles sont vos priorités pour ce premier mandat?

Abdoulaye Fall: Ma priorité pour ce premier mandat sera de m’atteler au développement et à la professionnalisation du football local, tant au niveau amateur que professionnel. Pour y parvenir, j’ai l’intention de mettre en œuvre mon programme, «Contrôle passe», et sa déclinaison opérationnelle, «PRAXIS». Ce programme vise à instaurer une gouvernance rigoureuse et transparente, à améliorer les infrastructures de proximité et à renforcer la formation des joueurs, des entraîneurs et des arbitres. Nous allons également œuvrer à l’élaboration de stratégies de financement durables et à la promotion des talents locaux, afin de créer un vivier de joueurs capable de rivaliser avec les meilleurs. L’objectif est de hisser le football sénégalais à un niveau d’excellence durable, en s’appuyant sur des fondations solides et une vision à long terme.

Quels changements souhaitez-vous apporter par rapport à la gestion de vos prédécesseurs?

Mon objectif est d’instaurer une nouvelle ère de gestion pour la Fédération sénégalaise de football. Par rapport à mes prédécesseurs, je m’engage à apporter des changements significatifs, en particulier en ce qui concerne la gestion financière. Nous allons nous atteler à augmenter les capacités financières de la FSF en diversifiant nos sources de revenus et en attirant de nouveaux partenaires. Il est crucial de rendre notre organisation plus attractive pour les investisseurs et les sponsors.

Surtout, je m’engage à une transparence totale dans la gestion financière. Nous mettrons en place des audits réguliers et des rapports publics pour que chaque partie prenante, des clubs amateurs aux supporters, puisse savoir comment les fonds sont utilisés. Cette transparence est la clé pour restaurer la confiance et garantir que chaque franc investi serve au développement réel du football sénégalais.

Vous avez rencontré Fouzi Lekjaa à Rabat. Quels sont les principaux axes de coopération que vous envisagez avec la FRMF?

Je tiens d’abord à remercier chaleureusement le président Fouzi Lekjaa pour l’accueil exceptionnel et toutes les dispositions prises durant notre séjour. J’ai été vraiment impressionné par sa vision et son engagement en faveur du développement du football africain. Notre rencontre a été très constructive: elle nous a permis d’identifier plusieurs axes de coopération majeurs qui vont se traduire par un partenariat d’exception, exemplaire et unique en son genre.

Nous avons d’abord parlé d’échange d’expertise. Concrètement, nous allons mettre en place un programme qui permettra à la Fédération sénégalaise de bénéficier de l’expérience marocaine, notamment en matière de gouvernance, de gestion administrative et de structures de formation.

Ensuite, il y a la formation. Nous souhaitons que nos cadres techniques, administratifs et médicaux puissent se former au contact des meilleures pratiques marocaines. Le Maroc a fait des progrès considérables dans ce domaine, et nous avons beaucoup à apprendre de cette réussite.

Enfin, nous allons travailler sur le partage d’expériences et d’infrastructures. Le Complexe Mohammed VI de Football, par exemple, est un véritable modèle pour tout le continent. Nous voulons nous en inspirer, tout en échangeant sur la construction et la gestion d’infrastructures sportives.

Pour donner vie à cette feuille de route, nous allons mettre en place un mécanisme conjoint ambitieux. Sa mission sera claire: élaborer un plan d’action précis pour tirer le meilleur parti des atouts de la FRMF et de la FSF, au bénéfice du football sénégalais et, plus largement, de tout le football africain.

Comment voyez-vous concrètement la mise en place de ce partenariat annoncé entre les deux fédérations?

Ce partenariat d’exception se concrétisera par la mise en place d’un comité de pilotage conjoint, composé de représentants de la Fédération sénégalaise de football (FSF) et de la Fédération royale marocaine de football (FRMF). Ce comité aura pour mission d’élaborer une feuille de route détaillée et chiffrée sur les principaux axes de coopération. Il se réunira régulièrement pour suivre l’avancement des projets, ajuster les actions et garantir une collaboration fluide et efficace. L’objectif est de passer rapidement des intentions aux actions concrètes, avec des objectifs mesurables et un calendrier précis pour chaque initiative.

Le Maroc est souvent cité en exemple pour ses académies et infrastructures sportives. Le Sénégal veut-il s’inspirer de ce modèle?

Bien sûr, le Sénégal souhaite s’inspirer du modèle marocain. Bien que les académies de football se développent également au Sénégal, il est indéniable que le modèle marocain est plus abouti, notamment en matière d’infrastructures. Les installations au Maroc, comme le Complexe Mohammed VI de Football, sont de meilleure qualité et servent de référence sur le continent. En s’inspirant de ce modèle, le Sénégal aspire à structurer et professionnaliser ses propres académies, afin de maximiser le potentiel de ses jeunes talents et d’assurer une formation de haut niveau.

Quelles initiatives comptez-vous lancer pour renforcer la formation des jeunes talents et des encadrants au Sénégal?

Nous allons nous appuyer sur le deuxième axe de notre projet «PRAXIS», qui est le développement technique. Ce mécanisme se concentrera spécifiquement sur la formation et le développement de la Direction technique de la Fédération sénégalaise de football. L’un des objectifs majeurs est de mettre en place une véritable politique de détection des talents sur l’ensemble du territoire, en identifiant les jeunes joueurs à fort potentiel dès leur plus jeune âge. Nous travaillerons également sur la formation continue des entraîneurs et des éducateurs, en nous inspirant des meilleures pratiques internationales, pour garantir un encadrement de qualité qui permette aux jeunes de progresser dans un environnement structuré et professionnel.

Quelles sont vos impressions sur les préparatifs et les infrastructures marocaines pour la CAN 2025?

Elle est très positive. Au vu de ce que nous avons pu observer à Rabat et à Tanger, les travaux en cours sont d’une grande qualité et menés avec professionnalisme. Les infrastructures rénovées et les nouvelles constructions sont à la hauteur des standards internationaux, ce qui témoigne d’une réelle ambition. D’après les informations recueillies sur place, j’ai toute confiance dans le respect des délais de livraison. Le Maroc est clairement en bonne voie pour organiser un tournoi d’exception.

Quels sont, selon vous, les atouts du Sénégal pour briller lors de cette compétition?

Le Sénégal dispose de plusieurs atouts majeurs pour briller lors de la CAN 2025. Tout d’abord, la stabilité est un facteur clé: l’encadrement technique et la cohésion de l’équipe sont solides, ce qui est essentiel pour une compétition de cette envergure. De plus, notre stratégie de rajeunissement des effectifs porte ses fruits, avec une nouvelle génération de joueurs talentueux et ambitieux qui apportent un dynamisme et une énergie nouvelle. Enfin, l’environnement de performance que nous avons réussi à créer, notamment grâce au soutien constant et à l’appui de l’État du Sénégal, est un atout indéniable. Ces conditions nous permettent d’aborder la compétition avec confiance et sérénité.

L’ouverture d’un siège régional de la FIFA à Rabat est un événement majeur pour l’Afrique. Quelle en est, selon vous, la portée réelle pour le continent?

Nous devons féliciter la Fédération royale marocaine de football (FRMF) pour cette initiative audacieuse. La mise en place d’un siège régional de la FIFA à Rabat représente bien plus qu’une simple présence administrative, c’est une véritable opportunité pour l’ensemble du football africain.

Cette initiative offre une plateforme de proximité pour les fédérations africaines, leur permettant d’accéder plus facilement aux ressources et à l’expertise de l’instance mondiale. Concrètement, cela va faciliter le financement de projets sportifs pour les fédérations qui ont besoin de soutien pour le développement de leurs infrastructures, la formation de leurs cadres ou le renforcement de leurs ligues locales.

La portée réelle de cette initiative est immense. Elle renforce la position de l’Afrique sur l’échiquier mondial du football et offre un accès direct à des programmes de développement conçus sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques du continent. C’est une démarche concrète pour réduire les inégalités et permettre à tous les pays africains de bénéficier des ressources de la FIFA.

Pensez-vous que l’Afrique parle aujourd’hui d’une seule voix dans les instances internationales?

Pour le moment, il m’est difficile de donner une appréciation objective de la position de l’Afrique dans les instances internationales. Ayant tout juste intégré ces instances, il serait prématuré de ma part de juger de manière définitive si le continent parle d’une seule voix. Cependant, ce qui est clair, c’est que des figures de leadership comme le Président Fouzi Lekjaa ont la capacité de fédérer l’Afrique autour d’objectifs communs. Son engagement et ses initiatives, comme l’ouverture du bureau régional de la FIFA à Rabat, sont des exemples concrets qui montrent la voie vers une influence plus unie et plus forte du football africain sur la scène mondiale.

Comment comptez-vous renforcer la visibilité du football sénégalais sur la scène africaine et mondiale?

Il est essentiel de maintenir la dynamique de performance de nos équipes nationales. Cela passe par un soutien constant à nos sélections, afin qu’elles continuent de briller lors des compétitions internationales. En parallèle, nous devons nous atteler à un objectif ambitieux: celui d’organiser des événements sportifs d’envergure internationale. En accueillant des tournois majeurs, comme la Coupe d’Afrique des Nations ou même la Coupe du Monde des Clubs, le Sénégal se positionnera comme une destination incontournable du football mondial. Ces initiatives permettront de mettre en lumière notre expertise, nos infrastructures et, surtout, nos talents, renforçant ainsi notre poids et notre influence sur la scène internationale.

En tant que nouveau président, quelles relations souhaitez-vous établir avec les autres fédérations africaines et la CAF?

Je souhaite établir des relations fortes, basées sur le partenariat, la collaboration et la solidarité avec les autres fédérations africaines et la CAF.

Mon objectif est de rompre avec l’isolement pour construire un front uni. Nous avons un destin commun: celui de faire du football africain une puissance mondiale. Cela passe par un partage d’expériences, la mutualisation des ressources et un soutien mutuel. Je crois fermement qu’en travaillant main dans la main, nous pourrons non seulement relever les défis qui nous sont propres, mais aussi renforcer notre poids collectif au niveau international. Notre voix sera d’autant plus forte que nous parlerons d’une seule voix.

Achraf Hakimi est en lice pour le Ballon d’Or 2025. Comment jugez-vous ses chances et, plus globalement, la place des joueurs africains dans cette distinction?

Achraf Hakimi a incontestablement réalisé une saison exceptionnelle, mais ses chances de remporter le Ballon d’Or 2025 sont limitées face à des favoris offensifs. Bien qu’il soit considéré comme le meilleur latéral du monde et qu’il ait joué un rôle crucial dans le quadruplé historique du PSG, les votes privilégient traditionnellement les attaquants et milieux de terrain aux statistiques plus marquantes.

Plus globalement, les joueurs africains peinent encore à s’imposer sur le podium de cette distinction pour plusieurs raisons. La visibilité médiatique, le niveau de leurs championnats locaux et la perception des performances dans les grandes compétitions européennes continuent de jouer un rôle prépondérant. Même si des joueurs comme Mohamed Salah, Sadio Mané ou Victor Osimhen ont récemment figuré parmi les meilleurs, le chemin est encore long pour qu’un joueur africain devienne un candidat régulier à la victoire finale.

Par Adil Azeroual
Le 11/08/2025 à 14h17