Kaïs El Yaacoubi est actuellement le pompier de service des Aigles de Carthage. Désigné à ce poste un peu malgré lui après la défection de Faouzi Benzarti, il se retrouve à gérer une sélection en pleine crise. Éliminée dès le premier tour de la dernière CAN en Côte d’Ivoire, la Tunisie s’est qualifiée sans éclat pour l’édition 2025 du Mondial Africain. El Yaacoubi, quatrième sélectionneur en seulement 18 mois, doit également composer avec une fédération sous tutelle de la FIFA depuis l’incarcération de son président, Wadii El Jari, à la fin de l’année 2023.
Ce contexte morose contraste fortement avec la dynamique positive de la FRMF (Fédération royale marocaine de football), qui excelle tant au niveau de la gouvernance que des performances sportives. Toutes les sélections marocaines, des A aux féminines en passant par les U23, U20 et U17, connaissent un succès croissant. Les récentes confrontations entre les deux nations dans les catégories de jeunes illustrent le fossé qui se creuse entre un football tunisien autrefois performant mais désormais en déclin, et un football marocain qui, longtemps marqué par un complexe vis-à-vis de la Tunisie, est aujourd’hui devenu une véritable locomotive en Afrique du Nord.
Dans son attaque frontale, Kaïs El Yaacoubi semble avoir voulu opérer une fuite en avant, cherchant à détourner l’attention et éviter de répondre aux critiques concernant les performances de son équipe. Pourtant, pour rafraîchir la mémoire de cet ancien consultant télé au Qatar, il convient de rappeler que la FRMF n’a jamais eu recours à des avantages financiers pour convaincre un talent de la diaspora.
Le modèle de la FRMF repose sur un suivi rigoureux dès le plus jeune âge, assuré par des scouts spécialisés dans la détection et la prospection en Europe. Ce processus met en avant un engagement sportif fondé sur un projet cohérent, accompagné d’un plan de carrière clair. Les joueurs choisissent de porter les couleurs du Maroc par adhésion à une vision qui combine passion et raison, et non sous l’influence d’un quelconque appât financier. Ce cadre structuré et crédible est l’une des clés du succès des sélections marocaines, en totale opposition avec les accusations infondées d’El Yaacoubi.
De plus, depuis l’épopée historique des Lions de l’Atlas lors du Mondial Qatar 2022, représenter le Maroc est devenu un véritable graal pour tout jeune joueur d’origine marocaine. Cela s’explique aussi par le maintien d’un lien culturel et affectif fort avec le pays d’origine. Dans les foyers marocains à travers le vieux continent, en Amérique du Nord ou dans les pays du Golfe, on continue de vivre «à la marocaine»: on mange marocain, on parle arabe ou amazigh, on suit les chaînes de télévision nationales et on reste connecté aux réseaux sociaux «made in Morocco». Ce cordon ombilical entre le jeune joueur et ses racines n’est jamais coupé.
Peut-on en dire autant des jeunes Tunisiens d’Europe et leur lien avec leurs origines? La Fédération tunisienne de football (FTF) en fait-elle assez pour attirer ces talents? Est-ce que sa gouvernance et ses politiques incitent réellement les jeunes Tunisiens d’Allemagne, de France ou des pays scandinaves à venir représenter le pays de leurs parents, parfois à leurs propres frais? Cher Kaïs El Yaacoubi, la réponse est bien souvent négative. Ce manque d’efforts structurels et de vision stratégique peut expliquer une partie des difficultés actuelles du football tunisien à rivaliser avec des modèles plus performants, comme celui du Maroc.
Une autre preuve du bourbier dans lequel se trouve actuellement le football tunisien réside dans le désistement, sous pression, de Hussein Jenayah au profit du président de la FAF pour le poste de représentant de l’UNAF au sein du Comité Exécutif de la CAF. Sans entrer dans les détails politiques de cette affaire, il est clair que jamais, il y a quelques années, la FTF, fière et souveraine, n’aurait accepté un tel diktat.
Un peu plus à l’ouest, les logorrhées anti-marocaines continuent de polluer le quotidien des supporters des Fennecs. Le leitmotiv du moment tourne autour de l’accueil qui sera réservé à la sélection algérienne lors de la prochaine CAN organisée au Maroc. Les sempiternels refrains – «El Maroc», «Le Makhzen», «Lekjaa» – sont ressassés sans nuance ni discernement, alimentant une obsession stérile.
Pourtant, Alger pourrait se concentrer sur ce qu’elle présente comme une «victoire historique»: l’élection prévue en mars prochain de Walid Sadi au Comité Exécutif de la CAF. Ce même Walid Sadi, récemment propulsé ministre des Sports.
L’imitation et le tropisme marocain, suivez mon regard, restent profondément ancrés dans l’inconscient de ceux qui s’approprient discrètement, voire dérobent, des éléments constitutifs de notre patrimoine millénaire. Walid Sadi, à l’image de ceux qui l’ont porté à son poste, a préféré éviter l’épreuve des urnes. Effrayé par le spectre des cuisantes défaites électorales subies par ses prédécesseurs, Raouraoua ou Zfizef, il a opté pour une élection par défaut, histoire de s’assurer une place à la même table que Fouzi Lekjaa. Mais ce choix révèle une forme d’amnésie ou peut-être une ignorance, car il semble avoir oublié cette célèbre citation de Pierre Corneille, apprise un jour sur les bancs de l’école: «À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire».