Complexe Mohammed V: quand la rénovation exclut

Alors que le Maroc se prépare à accueillir de grands événements sportifs, avec la construction et la rénovation de plusieurs enceintes, les conditions d’accessibilité samedi dernier au Complexe Mohammed V soulève des interrogations sur le sort réservé aux personnes à besoins spécifiques.

Le 08/05/2025 à 13h56

C’est le samedi 4 mai, le Complexe sportif Mohammed V de Casablanca accueille l’un des chocs les plus attendus de cette fin de saison: le Clasico entre le Wydad de Casablanca et l’AS FAR, pour le compte de la 28ème journée de la Botola Pro Inwi.

Une victoire 2-1 des Rouges, dans une ambiance électrique. Mais au-delà du spectacle sur le terrain, un autre sujet a agité les esprits: celui de l’accueil réservé aux personnes à mobilité réduite.

Autrefois placés au bord de la pelouse, les personnes en situation de handicap se sont retrouvées, après les travaux de rénovation, replacés dans les tribunes, plus précisément aux côtés des supporters de la zone 5, entrée F.

Une situation dénoncée par plusieurs voix, dont celle de Jad Benhamdan, fidèle supporter du WAC et auteur du livre Ma vie en marche. Le lendemain de la rencontre, Jad Benhamdan a publié un long post sur Facebook, rapidement devenu viral.

Nous avons rencontré Benhamdan pour qu’il nous raconte son expérience, marquée par la colère et la désillusion, lors de ce retour tant attendu dans un stade qu’il n’avait pas fréquenté depuis plusieurs mois.

𝐂𝐨𝐦𝐩𝐥𝐞𝐱𝐞 𝐌𝐨𝐡𝐚𝐦𝐦𝐞𝐝 𝐕 : 𝐮𝐧𝐞 𝐫𝐚𝐦𝐩𝐞 𝐯𝐞𝐫𝐬 𝐧𝐮𝐥𝐥𝐞 𝐩𝐚𝐫𝐭   Je n’ai jamais été de ceux qui crient pour se faire entendre. Je...

Publiée par Jad Benhamdane sur Dimanche 4 mai 2025

«J’attendais ce moment depuis des mois. Le retour au Complexe Mohammed V pour revoir mon Wydad, ressentir l’ambiance, les chants, les frissons. J’avais mon billet, j’étais accompagné, prêt à vivre un instant d’évasion loin du quotidien comme c’était le cas auparavant», nous a confié Jad Benhamdan.

Lors de son arrivée au stade, l’espoir était palpable. Benhamdan raconte: «En arrivant, j’ai vu des pictogrammes indiquant les accès pour fauteuils roulants, des rampes bien conçues, des policiers bienveillants… Je me suis dit: ‘Ça y est, ils ont enfin pensé à nous’».

Cependant, une fois à l’intérieur, la réalité était toute autre: «Je me suis retrouvé au milieu des supporters, sans aucun aménagement réel. On était en plein cœur de la foule, entourés de supporters debout, sans les conditions d’accessibilité et de sécurité promises».

«On a pensé à la rampe. On a oublié la destination»

—  Jad Benhamdan

Dans son post publié son réseau social Benhamdan avait décrit cette situation: «On aurait dit une mise en scène d’inclusion, mais sans script derrière... Le moindre mouvement de foule et c’est le chaos. Une pression humaine sur nos épaules, au sens propre comme au figuré».

«Mais une fois en haut… le néant. Une impasse. Un cul-de-sac logistique et humain. Aucun espace réservé. Pas un mètre carré d’égalité. Juste une mer de jambes, un océan de torses dressés, de dos tournés. Tout le monde debout, tout le monde en feu. Nous, au ras du sol, absorbés par la masse, engloutis dans une scène écrite sans nous, et aveuglés à ce qu’on était venus voir», déplore Jad dans son post.

Contactés par nos soins, les responsables du Complexe Mohammed V n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

Ce constat n’est malheureusement pas isolé. Dans plusieurs enceintes sportives du royaume, les personnes à mobilité réduite peinent encore à trouver des aménagements adaptés. Rampes absentes ou mal conçues, absence de zones réservées, sanitaires inaccessibles… autant de freins qui témoignent d’un retard structurel en matière d’accessibilité.

Alors que le Maroc se prépare à accueillir de grands événements sportifs, et que des supporters viendront de partout, il est important de veiller à ce que les infrastructures soient accessibles à tous, pour que chacun puisse vivre ces moments pleinement.

«Et surtout, j’ai pensé à ceux qui viendront. Les supporters des autres nations, lors de la CAN ou de la Coupe du Monde. Ceux qui franchiront nos frontières et découvriront, dès leur arrivée, des rampes parfaitement dessinées», s’interroge Jad Benhamdan et avec lui, des centaines de supporters dans la même situation.

Par Anas Zabari
Le 08/05/2025 à 13h56