Et si la Coupe du Monde était à nouveau programmée en hiver

IMAGO/TT

ChroniqueDeux ans après la première Coupe du monde organisée en hiver, tenue au Qatar, l’éventualité de voir de prochaines éditions se jouer en pleine saison sportive, se fait de plus en sentir. Entre les effets de la chaleur et du calendrier sur les joueurs et la «décentralisation» du football de plus en plus loin de l’Europe, les arguments ne manquent pas.

Le 06/12/2024 à 09h43

Il y a deux ans, la Coupe du Monde au Qatar chevauchait entre novembre et décembre. La raison principale de cette programmation était liée aux conditions climatiques dans la région. Les températures excessives en période estivale, allaient indisposer le nombreux public qui se déplaçait pour soutenir ses équipes nationales et pouvaient constituer un risque pour la santé des joueurs. C’était une bonne décision, contestée par les clubs majeurs du football mondial. Cette incursion d’un tournoi concernant les équipes nationales en plein milieu de saison perturbait la bonne marche de leurs équipes.

Il est vrai que les contrats des joueurs appartiennent aux clubs, qui assurent salaires et carrières, et que le départ en sélection comporte des risques de blessures et de saturation préjudiciables, notamment pour les joueurs phares. Programmer une compétition majeure en cours de saison perturbe également le programme des équipes, obligées de libérer leurs internationaux et de continuer un programme spécifique avec ceux qui restent, qu’il faut motiver et maintenir au sommet physiquement, loin des projecteurs.

Les meilleurs clubs n’atteignent leur rythme de croisière qu’en fin décembre ou début janvier. C’est ainsi qu’ils se préparent; il s’agit d’atteindre les matchs couperets de la Ligue des champions au meilleur moment. La programmation d’une Coupe du Monde en décembre perturbe leur montée en puissance. Les autres clubs moyens, ceux qui n’ont pas de banc de touche bien étoffé, donnent leur maximum au cours des trois premiers mois de l’année et s’essoufflent par la suite. Ce constat ne résulte bien entendu pas d’une analyse approfondie mais d’une observation empirique que l’on peut contester.

Cette configuration a permis au Maroc de réaliser sa plus belle participation à une Coupe du Monde et aux Marocains de devenir la référence du football africain et arabe. Et si la FIFA décidait de revoir sa programmation, on peut être certain de l’adhésion du public marocain. Les supporters de football ayant tous un côté superstitieux bon enfant.

Ce n’est pas la raison pour laquelle il serait préférable de revoir les dates de la prochaine Coupe du Monde prévue aux États-Unis, au Canada et au Mexique. En effet, selon une étude publiée par le journal français « Le Monde », le Mondial 2026 pourrait exposer les joueurs à un «stress thermique extrême». En cause : la chaleur excessive, en cette période de l’année, dans certaines villes d’Amérique du Nord. D’après l’article, dix des seize villes qui accueilleront les épreuves aux États-Unis, au Canada et au Mexique pourraient enregistrer une température ressentie de plus de 46 °C. Les sites les plus exposés étant Arlington et Houston, dans le Texas, ainsi que Monterrey au Mexique.

Malgré son déplacement en hiver, le risque de stress thermique n’avait pas été écarté au Qatar. Les autorités du pays avaient mis les petits plats dans les grands et déployé des moyens logistiques impressionnants. La climatisation tournait à plein régime dans les terrains qataris pour le plus grand bien des joueurs et des spectateurs. En revanche, un tel changement de date aux États-Unis, avec une compétition programmée en novembre-décembre au lieu de juin-juillet, serait la solution idéale. Si la candidature de l’Arabie Saoudite était retenue pour l’édition 2034, ce serait alors la seule option.

Ceux qui ne comprennent pas l’acuité du problème se réfèrent à l’édition 1994 aux États-Unis et aux éditions 1970 et 1986 au Mexique durant lesquelles aucun incident n’a été signalé. Ils ne tiennent pas compte de la dégradation climatique avec un réchauffement accru de la planète et surtout de la saturation des compétitions auxquelles doivent participer les joueurs. Jusqu’aux années 1990, où l’on était sur un rythme de 60 matchs par saison. Nous sommes aujourd’hui sur une moyenne de 80 matchs et une multiplication des déplacements sans commune mesure avec la réalité du siècle dernier.

L’étude à laquelle se réfère le journal « Le Monde » a été publiée jeudi 28 novembre dans *Scientific Reports*, une revue du Groupe Nature. Ceux qui souhaitent avoir plus de détails sur les risques encourus peuvent la consulter. Elle est bien documentée avec des références médicales précises sur le calcul de la chaleur perçue par le corps humain et les paramètres dont il faut tenir compte pour mesurer ses effets nuisibles sur les performances immédiates des athlètes ainsi que le risque vital qu’elle comporte. On évitera d’encombrer le lecteur avec ces détails techniques et parfois morbides.

La FIFA est consciente du risque encouru et a introduit plusieurs mesures dans le but de préserver la santé des joueurs lorsque les conditions climatiques l’exigent. Elle a prévu, à cet effet, des «Cooling breaks», des pauses de rafraichissement une fois par mi-temps, pour permettre aux joueurs de s’hydrater. C’est une bonne décision, mais il en faut d’autres. L’universalité du football a développé de nouvelles formes d’exigences, le centre de gravité du football n’étant plus le même. Des pays émergents bouleversent la hiérarchie. Ils sont légitimes pour organiser de grandes compétitions. Imposer un calendrier conforme aux seuls intérêts des clubs européens serait préjudiciable au football des nations, le seul capable d’exciter le sentiment identitaire et capable de faire exploser de joie tout un peuple, toute une nation.

Par Larbi Bargach
Le 06/12/2024 à 09h43