Euro 2024: les héros et les zéros

La sélection espagnole victorieuse de l'Euro 2024.

La sélection espagnole victorieuse de l'Euro 2024.. DR

Clap de fin pour l'Euro 2024 avec une 4ème couronne pour la Roja. Une Espagne pimpante, inspirée qui a réconcilié les fadas de beau jeu avec leur sport favori. Reçus en grande pompe dans leur pays, les hommes de Luis de la Fuente ont rompu avec le dogme du Tiki-Taka pour un style plus versatile. Ils ont, en l'espace d'un mois, incarné des valeurs auxquelles ni l'Angleterre, finaliste malheureuse, ni la France, et encore moins l'Italie, n'ont su refléter.

Le 18/07/2024 à 14h05, mis à jour le 18/07/2024 à 15h07

Nous sommes le 6 décembre 2022, l'Espagne vient de chuter douloureusement face au Maroc en 8ème de finale du Mondial au Qatar. Un échec d'une magnitude de 7 à l'échelle de Richter de l'autre côté du détroit de Gibraltar. Sur les pelouses de Doha, le Tiki-Taka fringant des années 2008 à 2012 a ressemblé à un «Tiki-Nada» sans panache avec une possession stérile, peu de vitesse dans le jeu. De quoi faire bâiller les foules. Les Cids des années Aragones ou Del Bosque étaient devenus au fil des ans de vagues Sancho Pança prêts à être rossés dans n'importe quelle compétition.

Cette chute exigeait une réaction efficace de la part de la fédération du pays de Cervantes. Exit donc Luis Enrique à la personnalité cassante et aux rapports conflictuels avec les médias au point qu'il a substitué un streaming sur Twitch aux points de presse habituels, et bienvenue à un homme du sérail au profil plus consensuel: Luis de la Fuente. Ce changement de skipper était aussi agrémenté d'une réflexion plus profonde sur l'absence de plan B face aux équipes positionnées en bloc bas. Désormais, la Roja allait proposer un jeu moins prévisible et plus varié. Jouer l'attaque rapide ou le contre n'allait pas être un sacrilège. Aspirer l'adversaire et subir pendant un temps faible ne serait plus considéré comme un péché.

Et visiblement, ce changement de paradigme a donné ses fruits. La Roja 2.0 est à l'image de l'Espagne plurielle de 2024 celle que combat l'extrême droite. Nico Williams et Lamine Yamal, fils d'immigrés venus du Ghana pour l'un et du Maroc et de la Guinée-Équatoriale pour l'autre, en sont les acteurs principaux au même titre que Carvajal et Morata qui sont de Madrid, Olmo et Cucurella venus de Catalogne, Oyarzabal, Zubimendi, Unai Simon et Merino qui sont Basques, Fabian Ruiz, l'Andalou de Séville, ou les naturalisés Laporte et Le Normand. Le jus sanguinis et jus soli réunis font aujourd'hui un joli melting-pot.

D'ailleurs, cet Euro 2024, décaféiné sur le plan du jeu, a valu par sa diversité et son métissage, avec tous ses acteurs principaux et secondaires d'origine africaine. Et dans ce casting prestigieux certains ont joué le rôle des héros à l'instar des Espagnols et d'autres ont été catalogués par leur opinion publique de zéros à l'image des sélectionneurs anglais et français. Ni Southgate ni Deschamps n'ont paru convaincants dans leurs plans de matchs. Trop frileux, trop conformiste, le titulaire du poste à Londres n'a jamais su faire jouer comme il faut sa constellation de stars. Bellingham, Kane et Foden n'avaient ni circuit préférentiel, ni mouvements concertés ou préparés, au point où les consultants télé, tous des anciennes gloires, ont fait du Southgate bashing tout au long du tournoi.

De l'autre côté de la Manche, les Bleus ont fait du Jogo Mochito leur devise. Didier Deschamps ne s'embarrassant pas de formules lapidaires pour renvoyer dans leurs 16m les plumitifs les plus critiques quant au spectacle proposé sur le rectangle vert. La formule tout pour Kiki (comprendre tout pour Mbappé) a fait son temps, d'autant plus que le futur galactique du Real Madrid a joué largement en deçà de son potentiel.

Enfin, que dire de la triste Squadra Azzurra? Les tenants du titre ont tout simplement été hors sujet du début à la fin. La Suisse pleine de vitalité leur a montré la porte de sortie. Aujourd'hui, l'Italie a besoin de revoir sa politique footballistique. Une vraie révolution culturelle est nécessaire à l'instar de celle qu'a vécu la grande Allemagne de retour dans le concert des grandes nations.

Une Mannschaft qui aurait aimé offrir de meilleurs adieux à Toni Kroos, comme la Croatie à son Mozart Modric. Deux artistes du ballon qui quittent la scène tout comme probablement Cristiano Ronaldo. Eh oui, l'Euro 2024 a consacré la nouvelle vague ibérique, mis à nu les épiciers du foot et annoncé le crépuscule des vieux.

Le 18/07/2024 à 14h05, mis à jour le 18/07/2024 à 15h07