Foot marocain: entre talents nationaux et ambitions internationales

Azzdine Ounahi, Youssef En-Nesyri et Achraf Hakimi: trois Lions de l'Atlas qui font le bonheur de clubs étrangers.

Azzedine Ounahi, Youssef En-Nesyri et Achraf Hakimi. DR

ChroniqueLes joueurs formés au Maroc visent la carrière professionnelle et n’alimentent que rarement le championnat national. Son niveau s’en ressent et risque, à terme, de pénaliser les clubs marocains à l’international.

Le 01/11/2024 à 11h31

Jusqu’en 1990, les sélectionneurs de l’équipe du Maroc ont surtout puisé dans le championnat marocain pour composer l’équipe nationale. Les quelques joueurs qui étaient appelés pour renforcer l’équipe avaient été formés et jouaient au Maroc avant d’être tentés par une expérience à l’étranger. L’équipe qui a participé au Mondial Mexico 1970 était constituée uniquement des meilleurs joueurs du championnat national. Pourtant, elle aurait pu faire appel à un demi-défensif, du nom de Abdelkhaleq Louzani, inconnu au Maroc à l’époque. Il a pourtant joué dans la prestigieuse équipe d’Anderlecht, avec laquelle il a remporté la Coupe de Belgique. Lui aussi avait commencé au Maroc dans un petit club de sa ville natale, l’ASS Essaouira, jusqu’à 18 ans avant de se lancer dans une carrière professionnelle en Belgique. L’équipe de 1976, championne d’Afrique et détentrice du seul titre continental des Lions de l’Atlas, était uniquement composée de joueurs locaux. Enfin, celle de 1986, la première équipe africaine à avoir franchi le premier tour d’une Coupe du Monde, était aussi composée de joueurs «locaux». Les Bouderbala, Haddaoui et Krimou ont commencé leur carrière au Maroc avant leur transfert en Europe.

Ce n’est qu’à partir de la moitié des années 90 que le Maroc a commencé à s’intéresser aux joueurs d’origine marocaine ayant une nationalité étrangère et évoluant en Europe. Ils étaient, pour la plupart d’entre eux, en Belgique, en France, aux Pays-Bas ou en Allemagne. Au départ, la mayonnaise n’a pas pris et un débat s’est engagé sur la stratégie à adopter.

Fallait-il investir sur des joueurs à la technique avérée et formés pour la plupart dans les terrains vagues des banlieues des grandes villes marocaines, ou puiser dans l’extraordinaire vivier de la communauté marocaine à l’étranger dont les joueurs présentent des qualités physiques hors du commun et en phase avec les standards du football moderne?

Le débat ne sera pas tranché. Il a fallu la création de l’Académie Mohammed VI en 2008 pour faire évoluer les mentalités. En disposant d’un centre de formation aux standards internationaux, le Maroc devenait à nouveau un pourvoyeur de l’équipe nationale avec des joueurs capables de rivaliser et d’occuper le devant de la scène.

L’Académie est un espace de prise en charge des joueurs dès leur plus jeune âge. Elle a pour objectif de combler leurs lacunes physiques et leurs insuffisances techniques. On a beau être talentueux, il y a des gestes techniques simples qu’il faut assimiler par l’entraînement, l’apprentissage et une discipline rigoureuse, notamment sur le plan alimentaire. En 2022, le grand public va découvrir l’extraordinaire travail accompli par l’Académie. Des joueurs comme Ounahi, En-Nesyri ou Aguerd symboliseront la réussite de ce haut lieu de formation footballistique au Maroc. D’autres centres, développés au sein des clubs (onze pour le moment), ont été lancés dans le cadre d’une convention OCP-FRMF. Dotés de moyens importants, ils alimenteront une nouvelle génération d’internationaux formés au Maroc.

Il reste toutefois un domaine qu’il faudra améliorer: c’est le niveau de la Botola Pro. Les joueurs formés au Maroc visent la carrière professionnelle et n’alimentent que rarement le championnat national. Son niveau s’en ressent et risque, à terme, de pénaliser les clubs marocains à l’international. En juillet 2025, la FIFA lancera la nouvelle version de la Coupe du Monde des Clubs aux États-Unis. Le Maroc sera représenté par le Wydad de Casablanca en sa qualité de récent vainqueur de la Ligue des Champions d’Afrique. Une participation très attendue par le public marocain avide d’exploits et de prouesses. Trois autres clubs sont concernés par des compétitions internationales: le Raja et l’AS FAR en Ligue des Champions, et la Renaissance Sportive de Berkane en Coupe de la CAF. Leurs performances en ce début de saison laissent à désirer. Le Wydad connaît un début de saison poussif. En termes de ratios, il fait encore moins bien que la saison dernière, une saison ratée. Sa moyenne de points engrangée par match à l’issue de la saison était de 1,47 point contre 1,38 après 8 journées. Le Raja, champion en titre, s’est effondré cette année avec la même moyenne que le Wydad ; il est à des années-lumière du record historique de la saison 2023-2024, au cours de laquelle le ratio était de 2,40 points par match. Idem pour la moyenne de buts marqués par match: de 1,73 le Raja est passé à 1,38. L’AS FAR et la Renaissance Berkane s’en sortent un peu mieux même si l’AS FAR est également en baisse. Avec une moyenne de points de 1,63 par match, l’équipe est en recul par rapport à l’exercice précédent (deuxième meilleure performance historique), derrière le Raja avec 2,37 points par match.

En ce qui concerne la moyenne des buts marqués: après 8 journées elle est de 1,63 par match contre 2,17 la saison 2023-2024. Au terme de cette dernière, et pour la première fois de l’histoire de la compétition, une équipe (l’AS FAR en l’occurrence) a réussi à marquer plus de deux buts en moyenne par match. La Renaissance Berkane est la seule équipe engagée dans des compétitions internationales à avoir amélioré ces ratios sur les huit premiers matchs par rapport à la saison passée ; le club oriental est leader avec une moyenne de points de 2,13 contre 1,73 la saison dernière.

Ces ratios souffrent cependant de la comparaison avec les clubs leaders des championnats européens. En ce début de saison, et avec une moyenne de 2,73 points par match, c’est Barcelone qui vire en tête des quatre championnats suivants: Liga, Premier League, Ligue 1 et Bundesliga. Il est suivi par Manchester City et le PSG avec 2,56 points chacun et le Bayern et Leipzig avec 2,50 points par match. Le leader du championnat marocain avec 2,13 points est loin derrière ; malgré sa moyenne record de 2,40 réalisée en 2023-2024 le Raja ne rivalise pas. Cette moyenne est un indicateur sérieux de la régularité des performances.

Pour évaluer l’efficacité des lignes d’attaque, un autre indicateur est utile: celui du nombre moyen de buts marqués par match. C’est le Bayern qui est en tête avec une moyenne de 3,63 buts par match ; il est suivi par Barcelone (3,36), Paris (3,11) et Leverkusen (champion allemand sortant) avec 2,50 buts par match.

Il aurait fallu affiner la réflexion en rajoutant le comparatif sur le nombre d’occasions créées par match, le nombre de passes réussies, les positions d’hors-jeu et les kilomètres parcourus pour chaque joueur. Autant de données à améliorer et au cœur du cahier des charges des formateurs. Les exploits ne viennent pas du hasard mais d’un travail solide et patient. Les principaux dirigeants du football marocain le savent, il faudrait qu’ils passent le message à certains patrons de clubs.

Par Larbi Bargach
Le 01/11/2024 à 11h31