Maroc, cet antidépresseur du régime algérien et de ses analystes… sportifs

Le Maroc, un antidépresseur pour combattre la dépression algérienne.

Le Maroc, un antidépresseur pour combattre la dépression algérienne. . DR

Je m’étonne que personne n’ait songé à lancer une marque ainsi nommée, en Algérie. Je prends les paris: quel que soit le produit, il suffirait de l’appeler “Maroc” pour qu’il se vende… comme des antidépresseurs en temps de crise.

Le 11/10/2021 à 12h53

Dans la vie, certains hasards ont valeur de révélation, de véritable fenêtre sur la vérité lumineuse. Petit exemple: au détour de mes pérégrinations quotidiennes sur les réseaux sociaux, mon mulot a croisé une vidéo généreusement partagée par un ami. La séquence consiste en une émission sportive sur une chaîne algérienne, qui analyse la victoire des Fennecs contre la sélection nigérienne (6-1) dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du Monde 2022. Après la lecture purement sportive, le présentateur s’est penché sur l’état catastrophique du rectangle, pas si vert que ça, du stade Mustapha-Tchaker. Les images donnent l’impression que leurs jardiniers labourent les pelouses avant les rencontres.

Bref, comme le sélectionneur de cette équipe algérienne, Djamel Belmadi, son capitaine, Riyad Mahrez, et le meilleur buteur de l’histoire des Verts, Islam Slimani, le présentateur a, à son tour, poussé un grand coup de gueule et demandé à son expert une explication à cette “chouha” monumentale. 

Et ce n’est que là que commence la vraie turpitude. Pour cet analyste en ses temps perdus, l’origine de l’état lamentable de la pelouse n’est autre que le Maroc: “aujourd’hui, il est clair que la qualité de la pelouse du stade Tchaker est un complot ourdi par le voisin de l’ouest”.

Pour résumer: en Algérie, sous peine de passer pour un vieux ringard, sortir plusieurs fois le mot Maroc dans une discussion donne un air intelligent et cultivé. Pour donner l’impression de comprendre les dessous des choses, il faut à chaque fois chercher le Maroc derrière un malheur –grand ou petit– qui s’abat sur l’Algérie. C’est simple, on peut le caser dans n’importe quelle situation, à propos de n’importe quel sujet, du plus futile au plus tragique. Allez, au choix: feux de forêts en Kabylie, le meurtre abject de Djamel Bensmail, la hausse des prix de la pomme de terre et de la farine, les coupures d’eau, les crises de couples, les Algériens qui se méfient du vaccin anti-Covid au prétexte qu’il diminuerait la fertilité, et bien évidemment la situation économique. Tous ces maux sont l’œuvre du Maroc.

Aujourd’hui, le Royaume est partout. À la télé, les Algériens en consomment par barquettes entières, que ce soit aux infos, dans les émissions de divertissement ou sur les plateaux de talk-shows. Indice ultime de cette invasion: même les analystes sportifs en usent, certes sans toujours comprendre le sens de leurs phrases (faut pas trop leur en demander, quand même). 

Idem dans les journaux. Si je n’avais rien de mieux à faire, je me serais lancé dans le comptage du nombre de “Maroc” imprimés sur un seul numéro d’une seule publication. J’en aurais certainement gardé une crampe de l’abaque. 

Qu’on se le dise: en Algérie, le mot Maroc c’est hype, c’est le it-word par excellence, l’indispensable des punchlines. Je m’étonne d’ailleurs que personne n’ait songé à lancer une marque ainsi nommée. Je prends les paris: quel que soit le produit, il suffirait de l’appeler “Maroc” pour qu’il se vende… comme des antidépresseurs en temps de crise.

Par Adil Azeroual
Le 11/10/2021 à 12h53