En sport, il y a une donnée fondamentale à laquelle sont confrontés l’ensemble des composantes d’une équipe: la gestion de la pression du résultat. En football, cette pression est encore plus forte et plus importante car elle est multiforme et possède une histoire.
Multiforme lorsqu’elle concerne le public qui exerce puissamment la pression sur l’équipe adverse, démultipliant la force de l’équipe qui reçoit tout en déstabilisant les visiteurs qui en viennent à perdre leurs moyens. Elle peut parfois s’exercer également sur l’équipe locale devant un public ultra exigeant. Elle concerne aussi le statut. Celui de favori pèse sur les épaules jusqu’à quelques fois faire déjouer des sportifs de talents.
Le poids du match, qui peut être sportif. On ne joue pas une finale de Ligue des Champions ou de Coupe du Monde comme un match amical, à connotation régionale, l’exemple des derbies et des «clasicos» ou politique, un match Iran-USA par exemple aura toujours une saveur particulière.
Parlons du poids de l’histoire désormais. Le football est l’un des rares sports, collectifs ou individuels, où l’équipe supposée plus faible peut battre une équipe plus puissante. Les exemples sont nombreux que ce soit dans les matchs de Coupe, toutes fédérations et confédérations confondues, ou en championnat lorsqu’une équipe du bas de tableau remporte une victoire face à une équipe leader. C’est un peu plus fréquent en football grâce essentiellement à une règle qui favorise l’intelligence collective, la règle du hors-jeu. Bien appliquée elle éloigne souvent le danger adverse par la multiplication des pièges qu’elle permet.
Cette pression l’équipe nationale marocaine, fière de son brillant parcours en Coupe du Monde, en découvre les méfaits. Le match amical face à la Côte d’Ivoire à Abidjan en est un parfait exemple. Le moins que l’on puisse dire, le onze national a déçu et sur plusieurs plans: fluidité du jeu, l’adresse, que de passes données à l’adversaire, sur le plan de la justesse technique, tactique, sur l’engagement, la condition physique…
La déception des supporters est grande, d’autant plus que ce n’est pas la première fois que l’équipe de Regragui souffre depuis décembre dernier. Après de très belles retrouvailles avec le public à Tanger en mars face au Brésil, les Lions ont déçu contre le Pérou, une équipe supposée plus faible que le Maroc, et face à l’Afrique du Sud en éliminatoires de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations. Faut-il pour autant s’en inquiéter?
Oui, parce que cela va renforcer la détermination de nos futurs adversaires qui vont s’inspirer des tactiques qui nous ont fait mal pour les reproduire à l’identique. Non, parce qu’en réalité nous pouvons faire confiance aux nôtres. On n'atteint pas une demi-finale de Coupe du Monde par hasard. On peut même penser que les mauvais résultats peuvent avoir un effet salutaire sur le moral avec une prise de conscience des faiblesses et des efforts à réaliser pour les enrayer. D’ailleurs le nul obtenu à Abidjan est-il un mauvais résultat? C’est une bonne question à se poser. Si l’on tient compte du scénario du match et de la capacité de l’équipe de ne pas en sortir, il y a du bon.
L’urgence, pour reprendre le trend des bons résultats, est de retrouver les bons ingrédients du succès. Des ingrédients adaptés à la compétition que l’on s’apprête à vivre, aux équipes à affronter et à l’environnement des matchs.
Sur ce registre la compétition vient de commencer. M. Derradji, bras armé de la communication officielle d’un pays rival vient de décréter que «le seul favori de la prochaine CAN est le Maroc». La réponse n’a pas tardé à venir, M. Regragui en grand spécialiste du haut niveau a habilement rétorqué: «les favoris sont le Sénégal, l’Algérie et l’Egypte, tous récents vainqueurs du trophée». Avant d’ajouter: «les nations qui n’ont pas vécu le dernier Mondial me font plus peur que les autres». La guerre psychologique précède toujours celle du terrain.
Sur le plan sportif, cette compétition sera l’une des plus importantes de l’histoire. Les équipes en présence sont très fortes et leurs poids sur la scène du football international se renforce. Les équipes africaines présentes au Qatar ont toutes à leurs actifs des résultats probants et pouvaient prétendre à un meilleur parcours. D’autres, non qualifiées ont montré, post Coupe du Monde, leurs forces et leurs montées en puissance.
Le Maroc a des atouts, sur le papier. Son onze de départ est le meilleur en Afrique, son classement FIFA est là pour le confirmer. C’est de bon augure, mais pas suffisant. Le statut de favori ne signifie pas grand-chose, on le sait. Le Maroc ne l’était pas pour son groupe du Mondial dernier. Qui pouvait penser qu’il allait devancer la Croatie finaliste du mondial 2018 et la Belgique demi-finaliste? C’est une leçon qu’il faudra retenir.
En football, le succès est une denrée périssable surtout lorsqu’on oublie d’y mettre les conservateurs que sont la modestie, la volonté, l’envie et le travail individuel au service de l’autre.