Le football est un sport collectif et seuls comptent les titres remportés par les clubs ou par les équipes nationales. C’est un discours logique avec lequel tous les observateurs et amateurs de football peuvent être d’accord. Les supporters de clubs et les fans des équipes nationales aspirent avant tout à la victoire finale. Ce sont les titres qui font les palmarès, et les palmarès qui génèrent les joies intenses et contribuent à la fierté d’appartenance des admirateurs de telle ou telle équipe. Un supporter en football est un spectateur engagé: il soutient son équipe, l’encourage, la motive, le tout à travers les joueurs qui la composent. Certains parmi ces joueurs ont plus de mérite que d’autres. Ils ont plus de talent, sont plus engagés et plus efficaces. Ils ont marqué des buts, participé à la création des actions dangereuses, contribué à la victoire en effectuant des arrêts décisifs ou en protégeant correctement leur zone de défense.
C’est pour eux que France Football, le célèbre hebdomadaire français, devenu mensuel depuis plusieurs mois, a créé la récompense individuelle suprême, le fameux Ballon d’Or. Ce support médiatique fait partie du groupe L’Équipe, un quotidien français dédié aux sports. Il est connu pour avoir été, avec le président du Real Madrid, Santiago Bernabéu, l’initiateur de la Coupe d’Europe des clubs champions, devenue Ligue des champions depuis 1992.
Réservé aux joueurs européens, pendant de longues années, le Ballon d’Or s’est ouvert petit à petit pour devenir un trophée et une référence reconnue à l’international. Les footballeurs du monde entier aspirent à le remporter, au moins une fois dans leur vie. Le Ballon d’Or, c’est la consécration individuelle suprême pour un joueur.
L’Afrique est le parent pauvre de ce trophée. Seul Georges Weah, du Libéria, l’a remporté avec le grand Milan AC. Les autres lauréats sont tous d’origines européennes ou sud-américaines, à l’exception de trois joueurs: Zinedine Zidane et Karim Benzema, français d’origines kabyles, et Eusébio, Portugais d’origine mozambicaine.
L’année 2024 n’a pas failli à la règle: aucun joueur africain n’a été nominé, seuls quelques joueurs européens d’origine africaine sauvent l’honneur du continent. On pensait que l’excellent parcours d’Achraf Hakimi, cette année, allait lui permettre de franchir une étape supplémentaire. Il l’aurait mérité tant son impact sur le jeu du PSG, demi-finaliste de la Ligue des champions, et son parcours aux Jeux Olympiques ont été importants. Ce ne sera pas le cas. Les critères de choix des nominés restent obscurs, même si les votes par la suite sont transparents. Tous les Marocains vont, par conséquent, se replier sur les trophées individuels de la CAF. Ce trophée, créé en 1992, fait suite à une autre création de France Football, bien plus ancienne: le Ballon d’Or africain, dont la première édition remonte à 1970.
En plus de récompenser le meilleur joueur européen de l’année, la création du Ballon d’Or avait pour objectif la production de contenus médias. Au début des années 60 jusqu’en 80, la trêve hivernale en Europe s’étendait sur une longue période allant de la mi-décembre à fin janvier. Il n’y avait pratiquement rien à écrire pendant cette période, à part donner quelques résultats de matchs amicaux entre clubs. L’idée a alors germé de créer un trophée individuel pour booster les ventes pendant les fêtes de fin d’année.
C’est la même réflexion qui a conduit, quelques années plus tard, au lancement du Ballon d’Or africain. France Football avait un capital lecteur important en Afrique francophone. À cette époque, beaucoup de Français étaient installés sur place et travaillaient dans le cadre de la coopération française. Ils n’étaient pas seuls à lire l’hebdomadaire: de jeunes cadres locaux s’intéressaient à l’actualité sportive. Il fallait les fidéliser en créant un supplément Afrique et, plus tard, une récompense individuelle dédiée. Il faut dire que l’Afrique venait de participer à sa première Coupe du Monde, avec une participation plus qu’honorable de l’équipe nationale marocaine à Mexico en 1970.
Entre 1970 et 1994, trois Marocains ont brillé et remporté le trophée: Ahmed Faras en 1975, ce trophée venait récompenser trois à quatre années de rayonnement du joueur sur la scène africaine. Il était redouté et admiré sur tous les stades où il s’est produit. Curieusement, il ne sera pas élu en 1976, alors qu’il était capitaine de l’équipe championne d’Afrique. Mohamed Timoumi en 1985, l’année de la première victoire d’une équipe marocaine, l’AS FAR, en Coupe d’Afrique des champions, et Zaki en 1986, l’année de la première qualification d’une équipe africaine au second tour de la Coupe du Monde. Le Ballon d’Or africain ne sera plus attribué à partir de 1994. La création, par la CAF, du prix du meilleur joueur de l’année en 1992 va mettre un terme à cette saga. Depuis, seul le Marocain Mustapha Hadji a pu être désigné en 1998, à l’issue d’un vote des fédérations affiliées à la CAF. Le parcours exceptionnel du Maroc en 2022 au Qatar n’a pas convaincu les votants. Qu’en sera-t-il pour 2024? Le parcours des Marocains aux Jeux Olympiques aura-t-il un impact sur les votants? On verra. Dans la vie, comme dit l’adage: «Il vaut mieux espérer qu’attendre».