Le football national a beaucoup à apprendre du Rugby

ChroniqueIl suffit d’observer l’attitude des rugbymen. Du haut de leur stature imposante, ils écoutent avec déférence les instructions de l’arbitre, sans jamais contester une décision.

Le 14/02/2025 à 16h55

La culture sportive, telle qu’elle s’est développée à partir du XIXe siècle, a vu le jour en Angleterre. Cette assertion ne fait pas l’unanimité parmi les historiens français, qui soutiennent que le sport moderne a puisé une part significative de son inspiration dans la tradition des jeux français.

Ils se réfèrent probablement au fameux «serment du jeu de paume», une étape importante de la Révolution française de 1789, une réunion qui s’est tenue dans la salle du jeu de paume, à Versailles.

Ce sport, couramment pratiqué par la noblesse française à l’époque, ressemble à la pelote basque, très prisée encore aujourd’hui dans le Sud-Ouest français. C’est pour nos amis français la preuve que le sport, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, tient ses racines des jeux à la française.

Sans alimenter cette controverse, il est possible d’affirmer, au regard de la structuration et des règles du sport contemporain, que son histoire a débuté en Angleterre. Les jeux traditionnels, pratiqués un peu partout dans le monde, et pas qu’en France, étaient souvent liés à des pratiques ou à des traditions religieuses ou païennes, à l’occasion des carnavals ou autres festivités.

En revanche, le sport collectif moderne s’est doté d’une réglementation affranchie des pratiques folkloriques qui régissaient les Jeux traditionnels. Ces règles s’imposeront suffisamment pour devenir universelles.

Deux disciplines sportives ont émergé de manière quasi simultanée: le rugby et le football. Elles ont utilisé des ballons de différentes formes, avec des règles qui se sont stabilisées ultérieurement, et surtout, deux approches du jeu distinctes.

L’une consistait à saisir le ballon à la main et à le conserver afin de conquérir un espace sur le terrain. Cette approche a prospéré dans les écoles de Rugby, ville anglaise qui a donné son nom à cette discipline.

L’autre, basée sur l’utilisation du pied pour propulser le ballon, était initialement dénommée « dribbling game » (jeu de dribbles) à l’école d’Eton, et allait donner naissance au football.

Dès lors, chacune de ces disciplines a suivi des trajectoires et des sociologies différentes. Le football est devenu le sport populaire par excellence, tandis que le rugby s’est développé au sein de niches sociales et régionales et, lorsque le football repose sur la technique individuelle, l’habilité dans le maniement du ballon, le Rugby est composé d’engagement physique et de solidarité collective.

Au Maroc aussi, le football a éclipsé, et surtout éteint, les autres sports collectifs et c’est bien dommage, au regard des exploits enregistrés, par le passé, par le basketball, le handball et le rugby sur la scène internationale, pour ne citer que ces trois disciplines.

Le rugby marocain a eu ses heures de gloire et de prestige. Il a pourtant sombré pendant de longues années, pour des raisons qu’il est inutile de rappeler. Il sort d’une longue période de léthargie qui aurait pu se traduire par la disparition de la pratique de ce sport au Maroc.

Quelques bonnes volontés en ont décidé autrement et, même si tout n’est pas parfait, le rugby marocain vient de se rappeler à notre bon souvenir lors d’un match qualificatif aux phases finales de la Coupe d’Afrique prévue en juillet 2025 en Ouganda.

Ce match opposait l’équipe nationale marocaine à son homologue tunisienne. Il s’est déroulé dans un stade, plutôt rompu aux matchs de football, mais qui s’est revêtu de ses plus beaux atours pour accueillir les deux «XV» dans une confrontation très agréable à regarder, avec une opposition entre un pack très solide, le tunisien, finalement battu par une équipe marocaine très spectaculaire, maniant à merveille le jeu à la main, rapide, déroutant et souvent efficace.

Le public ne s’y est pas trompé. Il est venu nombreux et en famille pour soutenir les siens. Le père de famille, souvent un ancien rugbyman, nostalgique de l’âge d’or du rugby au Maroc, était entouré de son épouse, de ses enfants et parfois de ses petits-enfants. Ils ont joué leur rôle à merveille et ont soutenu de toutes leurs forces l’équipe des Lions de l’Atlas.

Ils ont commencé par applaudir les deux équipes, sans distinction, à leur retour aux vestiaires après les échauffements d’usage. Un comportement inhabituel qui en a surpris plus d’un. Ils ont ensuite écouté dans un silence de cathédrale l’hymne national tunisien, applaudi à tout rompre, avant d’entonner «Manbita Al Ahrar».

Ce respect de l’adversaire fait partie intégrante de la culture du rugby et des traditions de ce sport. Ces longues années d’isolement n’ont pas altéré ces valeurs. Pour les comprendre, il suffit d’observer l’attitude des rugbymen. Du haut de leur stature imposante, ils écoutent avec déférence les instructions de l’arbitre, sans jamais contester une décision.

Pourtant, ces derniers peuvent se tromper ; un «en avant» est difficile à détecter, de même, lors de l’aplatissement du ballon ovale dans la zone d’en-but, l’arbitre peut se tromper lorsque l’attaquant et le défenseur sont en compétition. Peu importe, la décision de l’arbitre n’est jamais remise en question, ou alors à voix basse.

Ce comportement est exemplaire et, malgré l’enjeu de la rencontre, l’ensemble des joueurs s’y est conformé, tout au long de la partie. Il s’agit là de valeurs dont devraient s’inspirer les joueurs de football et leur public. En réalité le football, bien que puissant et dominateur, a encore beaucoup à apprendre du rugby.

Par Larbi Bargach
Le 14/02/2025 à 16h55

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