Nous sommes le 5 avril 1997. Le stade d’honneur de Meknès est le lieu du match le plus important de l’histoire de la sélection U20. Sous une pluie battante, sur un terrain cabossé et devant un public chauffé à bloc, le Maroc inscrivait son nom au palmarès de la compétition.
Toute l’action est gravée dans la mémoire collective des Marocains d’un certain âge: le but d’Adil Ramzy contre l’Afrique du Sud de Benedict McCarthy, après un déboulé sur la gauche de feu Heddaji et un rebond arrivé à point nommé. Vingt-huit ans plus tard, l’histoire peut se répéter, même si le contexte et les données sont bien différentes.
A l’époque les Ramzy, Sektioui, Fouzi El Brazi ou Termina avaient bénéficié de l’avantage non négligeable de vivre la compétition à domicile. Leur performance était le fruit d’un travail de deux années de la DTN de l’époque.
La planification et les moyens étaient, toutefois, plus sommaires. Enfin la logistique, l’analyse des adversaires et les moyens de récupération après chaque rencontre, étaient bien moins importants qu’en 2025.
Cependant, le cru 1997, porté par la consécration, allait ensuite se forger une place spéciale dans le cœur du public, en décrochant un huitième de finale, l’année d’après en Malaisie, où les Lionceaux ont connu une cruelle élimination par Golden Goal, une hérésie vite abandonnée par la FIFA. Cette même génération a ensuite rallié Sydney pour les JO en 2000. Et nombreux d’entre ces joueurs sont aujourd’hui des coachs et des encadrants pour les plus jeunes.
Sur les travées du stade du 30 juin, jeudi soir, Tarek Sektioui a sûrement du retenir quelques noms, appelés à rejoindre les rangs de son équipe des «post-2000», et éventuellement la sélection olympique, qui va tenter de poinçonner son billet pour Los Angeles en 2028.
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Sur la pelouse, les hommes de Mohamed Ouahbi ont une obligation de résultat. D’une part, parce que la FRMF met à la disposition des équipes nationales tout son savoir-faire et toute sa méthodologie.
Dans leur cocon de Maâmora, cette fabrique à champions qu’est devenu le Complexe Mohammed VI, les U20 ont préparé minutieusement leur campagne d’Egypte.
Enfin, la victoire en finale ouvrirait les portes aux Lionceaux à une carrière internationale, qui sied au statut actuel du Maroc dans le monde du football. Car si en 1997, il s’agissait de pionniers auteurs d’exploits, en 2025, gagner est une exigence et les sacres continentaux sont l’ambition commune à tout ceux -et celles- qui caressent le ballon rond dans le Royaume.
En outre, Ouahbi a eu toute la latitude pour façonner son groupe durant près de 3 ans. Le sélectionneur U20, qui peut se targuer d’avoir la plus grande longévité de ses collègues à la FRMF, a construit pièce par pièce une équipe qui a écrit son destin.
Et si le style de jeu est immuable en 4-3-3, les plans de matchs sont plus versatiles, puisqu’en fonction de l’adversaire le Maroc peut jouer l’attaque placée ou la transition. La recherche de la verticalité est une condition sine qua non. Ensuite, tout le monde s’échine aux tâches défensives avec une combattivité et une rigueur de tous les instants.
Ce travail de longue haleine a permis l’éclosion de talents made in Morocco tels Essadek, Laalaoui, Bakhti, Ait Boudlal, Zabiri ou encore les deux latéraux Koutoun et Zahouani. Ces éléments sont des produits de l’Académie Mohammed VI, ou de clubs comme le FUS et l’AS FAR qui ne laissent pas sur le bas côté des talents prometteurs sous prétexte qu’ils sont trop jeunes et qu’il ne faut pas les griller.
En prenant ces éléments du terroir, et en leur ajoutant les meilleurs de la diaspora à l’instar de Maama, Benchaouech ou encore Boumassaoudi, dont le but contre la Sierra Leone en quart a ouvert les portes du Mondial, l’Afrique du foot a devant elle un vainqueur potentiel de la CAN U20.
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Maintenant il s’agit de passer du statut de favori sur le papier à celui de champion sur le rectangle vert. Certes, après un premier tour passable, l’équipe est montée en puissance lors des matchs couperets. Mais l’objectif est de gravir la dernière marche contre l’Afrique du Sud.
Un adversaire coriace qui a surpris le Nigéria. Au moins, nous ne partirons pas vers l’inconnu car les Sud-Africains possèdent une identité de jeu reconnaissable. Au menu : beaucoup de technique individuelle, un contre-pressing très cohérent et la recherche de la verticalité et des transitions à outrance.
Cette donnée sera certainement étudiée par Mohamed Ouahbi et son staff, avec notamment Jamal Ait Ben Idir. Les heures de visionnage vont se succéder pendant les prochaines heures, car l’idée de base est de neutraliser les points forts de l’adversaire avant de jouer sur nos propres atouts.
Le combat sera physique, puisqu’il faudra gagner les duels et les deuxièmes ballons, tactique et surtout mental. Et en termes de ressources morales, les U20 ont montré un échantillon de cette vertu contre la Sierra Leone lors d’un quart de finale étouffant et face au pays hôte, ce jeudi devant à un public et une presse qui ont fini par reconnaitre sportivement, la supériorité marocaine.
Ces vertus devront être mises en valeur sous le regard des pontes de la CAF, notamment Brother Patrice Motsepe qui ne se départira pas de son «légendaire sens de la diplomatie».
Il faudra visiblement faire abstraction de ce contexte, gérer les temps faibles et maximiser les temps forts d’une finale qui peut se décanter très vite, ou qui devra se résigner à aller aux 120 minutes, voire arriver à la fatidique séance des tirs au but. Justement, le but est de remporter la finale, pas seulement la jouer.