La France a déploré lundi «la lourde condamnation» d’un journaliste français en Algérie, réaffirmant son attachement à la liberté de la presse sans toutefois appeler Alger à le faire libérer dans un contexte de crise exacerbée entre les deux pays.
La condamnation de ce journaliste, dans une affaire qui n’avait jusque-là pas été rendue publique, intervient alors que l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, dont la détention en Algérie constitue un des éléments de la crise entre Paris et Alger, attend mardi le jugement de son procès en appel.
«La France regrette vivement la lourde condamnation à une peine de sept ans de prison ferme du journaliste français Christophe Gleizes», a déclaré le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué publié au lendemain de la révélation de cette affaire par Reporters sans frontières (RSF) et son employeur, le groupe So Press, qui ont décrété une sanction «injuste».
Sa défense a déposé lundi un recours en appel, a affirmé à l’AFP son avocat Salah Brahimi.
Le Quai d’Orsay a assuré suivre «de près» la situation du journaliste «depuis son arrestation en Algérie en mai 2024» et «lui a apporté aide et protection consulaire tout au long de son contrôle judiciaire».
«L’ensemble des services reste mobilisés pour lui porter assistance et sont en contact régulier avec lui, ses proches et ses conseils», a-t-il ajouté.
Journaliste indépendant spécialiste du football, coauteur d’un livre sur «l’esclavage moderne» des joueurs africains qui émigrent dans l’espoir d’une meilleure vie, Christophe Gleizes écrivait depuis une dizaine d’années pour deux magazines du groupe, So Foot et le généraliste Society.
Il est «reconnu pour toujours travailler sans arrière-pensée politique, ses enquêtes et interviews le prouvent», a déclaré à l’AFP Franck Annese, fondateur de So Press.
Il s’agit d’une condamnation «injuste» que «personne ne pouvait envisager», selon lui.
Christophe Gleizes s’était rendu en Algérie pour un sujet sur l’un des plus gros clubs du pays, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), basée à Tizi Ouzou, à l’est d’Alger.
Arrêté le 28 mai 2024, puis placé sous contrôle judiciaire pendant 13 mois avec interdiction de quitter le territoire, il a été condamné dimanche, notamment pour «apologie du terrorisme» et «possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national», selon l’ONG de défense de la presse RSF.
La justice lui reproche d’avoir été en contact avec un dirigeant de la JS Kabylie, par ailleurs responsable du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé organisation terroriste par les autorités algériennes en 2021.
Ses soutiens rétorquent que seul un des trois échanges a eu lieu après ce classement et qu’il était motivé par la préparation du reportage sur la JSK.
Selon des sources judiciaires contactées dimanche par l’AFP en Algérie, le journaliste a été conduit directement à la prison de Tizi Ouzou après sa condamnation. Un procès en appel n’aura pas lieu avant la prochaine session criminelle qui s’ouvrira en octobre, selon ces sources.
«Il est important que tout soit mis en œuvre, y compris politiquement et diplomatiquement, pour que la justice l’emporte et que Christophe puisse retrouver ses proches et sa rédaction», a pour sa part plaidé Franck Annese.