Au mythique Mondial 2022, Walid Regragui surprenait son monde en convoquant Bilal El Khanouss, 18 ans et passé par plusieurs catégories de la sélection belge, lui qui est né à Strombeek-Bever en Flandre. El Khanouss est, depuis, devenu un élément régulier de l’équipe A, remportant également une Coupe d’Afrique et une médaille de bronze avec la sélection U23.
«J’ai joué pour la Belgique en U15-16-17-18, mais j’ai choisi le Maroc, parce que j’ai suivi mon cœur», déclarait le joueur au 360 peu après sa convocation surprise pour le Mondial qatari.
Un autre médaillé de bronze des Jeux français, Eliesse Ben Seghir, est arrivé en sélection à 19 ans, alors qu’il représentait un des plus grands espoirs du football français. Le natif de Gassin avait précédemment représenté son pays de naissance dans cinq catégories. Lui aussi a choisi le Maroc sans la moindre hésitation.
Youssef Lekhedim alias Yusi, Chadi Riad, Amir Richardson…tous ont choisi la sélection nationale à un âge précoce. Avant eux, il y a eu Achraf Hakimi, Sofyan Amrabat ou encore Abde Ezzalzouli.
En 2024, 9.4% des joueurs utilisés par Walid Regragui avait moins de 21 ans, alors que 31.7% était âgé entre 22 et 25 ans. Un phénomène de précocité rare.
Rejoindre la sélection nationale est devenu un objectif affiché pour plusieurs jeunes joueurs né à l’étranger, tant le parcours des Lions à la Coupe du Monde 2022 puis la médaille de bronze aux JO Paris-2024 sont ancrés dans les esprits.
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Salah partage son expérience
Ibrahim Salah, ailier du Stade Brestois âgé de 23 ans, fait partie de ces joueurs talentueux, qui ont rapidement et sans hésitation, fait le choix de la sélection nationale. Lui qui aurait pu représenter son pays de naissance, la Belgique.
Il fait partie des 26 joueurs qui ont remporté la première Coupe d’Afrique des Nations U23 de l’histoire du Maroc, le 8 juillet 2023, après une victoire face à l’Egypte (2-1). Six de ces Lionceaux de l’Atlas sont nés en Belgique, comme Salah, et auraient donc pu représenter ce pays à l’international. C’était le contingent le plus important de la CAN U23.
Salah évoque avec émotion son choix pour le Maroc, une décision qui s’est imposée naturellement: «j’ai choisi avec mon coeur tout simplement. J’avais déjà reçu des approches de la sélection belge à mes débuts à La Gantoise, mais j’attendais avec impatiente le Maroc. Toujours dans un coin de ma tête. Ce que je voulais à tout prix, c’était le Maroc, j’ai toujours été fan».
Le joueur avait effectivement fait forte impression lors de la saison 2022-2023, sa première en pro, et avait rapidement attisé des convoitises des Diables Rouges. Mais pour Salah, le choix du Maroc, «le pays de mes ancêtres», était «une évidence», rappelant que «chaque été, j’allais au Maroc». «Je ne me sens meilleur nulle part ailleurs», affirme le joueur de 23 ans, évoquant son travail continu et son engagement pour un retour prochain au sein de la tanière.
Salah se dit également conquis par l’incroyable ferveur des supporters marocains et leurs encouragements sans relâche: «on a un peuple et une ferveur, que vous ne retrouvez pas ailleurs. Un peuple incroyable et chaleureux qui aime le football. C’est vraiment magnifique et très attrayant. Je suis très fier d’être marocain».
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Un calendrier plus attrayant en Afrique?
Un vent de renouveau touche également plusieurs autres nations africaines. Seydou Sané, président de le Commission Communication, relations avec les médias et Porte parole de la Fédération sénégalaise de football (FSF) explique ce phénomène. Fin connaisseur du football continental, il est témoin d’un grand rajeunissement dans les rangs des sélections africaines.
«A mon avis, il y a trois explications essentielles. D’abord, le niveau du football africain est de plus en plus relevé. Nos équipes africaines battent des équipes européennes, sud-américaines, asiatiques…Cela s’explique également par la régularité de la Coupe d’Afrique, organisée chaque deux ans, contrairement à d’autres continents où les Coupes se jouent tous les quatre ans. L’autre élément, c’est l’absence de complexe. Si vous voyez le Maroc à la dernière Coupe du Monde, la progression du Sénégal au dernier Mondial… Les joueurs sont mis à l’aise à leur retour en Afrique, ils sont acceptés, adulés…», explique le responsable.
«Lorsque vous venez jouer en Afrique, vous avez le sentiment d’apporter votre pierre pour la construction de l’Afrique, qui a besoin de tous ses enfants pour montrer qu’elle est capable de gagner un jour la Coupe du Monde. On le sent que le continent va remporter ce trophée. C’est un challenge mondial à relever», ajoute-t-il à ce sujet.
Lors de la dernière édition de la Coupe d’Afrique des Nations, Côte d‘Ivoire-2023, 200 des 630 joueurs sélectionnés n’étaient pas nés sur le continent. L’Afrique du Sud, la Namibie et l’Égypte étaient, ainsi, les seules nations ne comptant aucun joueur né à l’étranger.
18 joueurs marocains convoqués par Walid Regragui étaient nés à l’étranger. Chadi Riad, Bilal El Khannouss, Oussama El Azzouzi, Amir Richardson, Ismael Saibari ainsi que Abdessamad Ezzalzouli, tous bi-nationaux et tous âgés de 23 ans ou moins au démarrage de la CAN 2023, auraient pu représenter leurs pays de naissance ou d’adoption.
Walid Regragui ayant considérablement rajeuni son effectif en 2024, l’on peut s’attendre à une moyenne d’âge encore plus basse lors de la prochaine édition de la CAN, Maroc-2025.
Jamal Fawzi, un témoin privilégié
Cadre national, passé par plusieurs formations marocaines et étrangères, Jamal Fawzi donne également son opinion sur la question et affirme que si l’on voit de plus en plus de joueurs choisir le Maroc de plus en plus jeunes, c’est dû à plusieurs facteurs non-négligeables.
D’abord, «au niveau mondial, le Maroc n’est plus une petite nation». En témoignent les réalisations majeures au plus haut niveau et l’ambition grandissante des sélections nationales qui tutoient les plus grandes nations footballistiques mondiales.
Le deuxième facteur évoqué par Jamal est le rôle essentiel de la FRMF et de celui qu’il décrit comme «l’architecte du football marocain», Fouzi Lekjaa, président de l’instance.
«Depuis l’arrivée de Fouzi Lekjaa, la Fédération royale marocaine de football a mis en place une cellule de détection et de recrutement. Elle suit les talents depuis le plus jeune âge», lance l’expérimenté technicien.
Autre élément qui était jadis absent, l’instauration d’«une communication très solide, surtout avec les familles de ces joueurs». La FRMF agit toujours au plus près des joueurs et au cas par cas.
Dernier élément non-négligeable pour le cadre national, le racisme dont sont parfois victimes ces joueurs. «Que ce soit au niveau du recrutement, au sein des clubs d’élites ou avec les sélections de jeunes, ils vivent un racisme et un mépris. Même au niveau des médias. Dès qu’un jeune joueur fait une petite erreur, il est lynché et il peut même être viré. On lui rappelle constamment d’où il vient», analyse Jamal Fawzi.
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Il loue le sentiment d’appartenance de ces joueurs envers la sélection et les couleurs nationales. «Tous les Marocains ont un attachement et un amour inexplicable pour le Maroc».
2025 est une année particulière pour ces jeunes, rythmée par les CAN U17 au Maroc (30 mars-19 avril), U20 en Côte d’Ivoire (26 avril-18 mai), les Mondiaux U20 au Chili (27 septembre-19 octobre) et U17 au Qatar (5–27 novembre). Autant de nouvelles occasions pour briller au plus haut niveau et séduire davantage de jeunes joueurs d’exception.