C’est la chronique d’une victoire préparée, espérée, planifiée et attendue. Samedi 19 avril, les Lionceaux U17 sont allés au bout de leur rêve, en remportant la CAN de leur catégorie, aux dépens d’une valeureuse équipe du Mali, au terme d’une finale âpre et ponctuée par une stressante séance de tirs au but.
Les hommes de Nabil Baha ont fait preuve pendant cet exercice d’un calme et d’une maîtrise olympiens. Des qualités morales qu’il faudra ajouter à leur talent individuel et collectif, et surtout, une résilience à toute épreuve.
Ces valeurs sont aujourd’hui le fil conducteur de toutes les sélections nationales. Naguère résignés au storytelling qui transforme tant d’échecs en défaites victorieuses, les Lionceaux (et les Lions) de l’Atlas conjuguent désormais le verbe «gagner» à tous les temps.
Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, ou des histoires, voire des légendes, ont été pendant longtemps notre socle commun en termes de sélections nationales. Des défaites, aussi honorables soient-elles, devenaient alors des succès par procuration, dans notre inconscient collectif.
Maroc/Espagne 1961, RFA/Maroc 1970 et 1986, le parcours lors de la Coupe du Monde 1998 ont été des sagas avec irrémédiablement la même fin, la même faim et le même douloureux sevrage. Loin de nous le désir de minimiser un tant soit peu les acteurs héroïques de ces rencontres, où le pot de terre mettait en difficulté le pot de fer.
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Les générations de pionniers ont lutté contre des sélections professionnelles dotées de moyens financiers et logistiques tellement importants que l’issue à chaque fois était prévisible: une courte défaite avec les honneurs certes, mais un échec qu’il fallait digérer et puis magnifier, enjoliver par la suite.
Ces temps sont définitivement révolus. En 2025 le discours, les moyens et les ambitions ont évolué. Sous la houlette du «Condottiere» Fouzi Lekjaa, la FRMF a mis en place une politique des sélections, où le mot gagner est une exigence.
Cette culture a commencé à s’esquisser avec les pionniers de la sélection nationale de Futsal lors de la CAN 2016. Ce succès a décomplexé les hommes de Hicham Dguig, leur a permis de croire en eux-mêmes, puis leur a donné la latitude pour élaborer une stratégie, qui leur a permis de répéter ce triomphe africain deux fois de plus, et de viser beaucoup plus haut avec deux places de quart de finaliste en Coupe du Monde.
Sur le rectangle vert, le déclic s’est produit avec le CHAN en 2018 et 2020, puis avec les sélections de jeunes avec les U17 et surtout les U23. Qatar 2022 a également donné un coup de boost a cet état d’esprit qui se nourrit de la victoire.
La FRMF a aussi posé les fondations en mettant tous les atouts de son côté: le Complexe Mohammed VI, au milieu de la belle forêt de chênes de la Maâmora, est devenu un sanctuaire où on cultive le travail, la rigueur, et où les moyens financiers, techniques et logistiques sont dédiés à une seule finalité: gagner.
D’ailleurs, Nabil Baha le skipper des champions d’Afrique avait annoncé le ton: nous disputons la CAN U17 pour la gagner. Son alter ego des U20 Mohamed Ouahbi n’a pas changé d’un iota ce discours au moment d’annoncer les noms des juniors, qui composent l’expédition d’Egypte, laquelle démarre le 1er mai.
Le Maroc assume son statut de favori. Il joue chaque match avec la volonté de prendre les 3 points. Il a une obligation de moyens et de résultats.
Et ce n’est pas Adil Sayeh, le coach des Lionnes du Futsal, qui démentira ce leitmotiv. Pour la première CAN conjuguée au féminin, les coéquipières de Doha Madani savent que seul le succès les fera rayonner, et que tout échec serait synonyme des oubliettes de l’histoire.
Ce discours nouveau contraste avec le statut d’outsider, voire de «loser magnifique» que le Maroc a assumé dans le passé. Nos meilleures prestations à la CAN en 1976, 1980 et 2004 ont eu lieu parce que nous n’avions aucune pression.
En revanche les CAN 1986, 1988, 1998, et même 2024 ont été des flops car les joueurs n’ont pas su assumer la pression inhérente au statut de favori.
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Un statut que les Belmokhtar, Bellarouch ou Ouazzane ont su revendiquer de bout en bout avec l’insolence de leur âge. Ils imitent ainsi l’itinéraire pris par d’autres pays voisins. L’Espagne de 2008, 2010 et 2012 a changé de dimension parce que ses sélections de jeunes ont commencé à dominer une voire deux décennies plus tôt.
Le Portugal a vécu aussi la même mutation. Ces deux pays, passés maîtres dans l’art de la formation, ont créé des générations de footballeurs qui ont tout gagné à un très jeune âge. Arrivés chez les seniors, le chemin qui mène aux spotlights est alors plus facile.
C’est le cheminement le plus logique à prendre. Celui qui transforme la boutade d’Alfredo Di Stefano «jugamos como nunca y perdimos como siempre» traduit en bon français par «nous avons joué comme jamais, mais perdu comme toujours» en citation de Luis Aragones «ganar, ganar y volver a ganar». Gagner, gagner et encore gagner.