Le football marocain a toujours su produire de grands gardiens de but. Nos grands-parents ont longtemps chanté les louanges d’Allal Ben Kassou, héros face à la RFA en 1970. Nos parents et nos oncles n’ont cessé de rappeler les exploits de Hamid Hazzaz, gardien emblématique de la génération sacrée championne d’Afrique en 1976. Les quinquagénaires comme votre serviteur n’ont juré que par la classe et la prestance de Badou Zaki. Tous, un jour, ont raconté à leurs enfants l’épopée de Mexico 1986, et l’arrêt mythique de Zaki face à Karl-Heinz Rummenigge.
Aujourd’hui, la génération Z a elle aussi son héros: Yassine Bounou.
Qui aurait imaginé que ce jeune homme frêle, appelé à la dernière minute pour remplacer Nadir Lamyaghri lors de la finale de la Ligue des champions africaine 2011 entre le Wydad et l’Espérance de Tunis, deviendrait un jour la référence absolue à son poste?
Et pourtant, le chemin fut semé d’embûches, marqué par des choix souvent difficiles mais toujours lucides. De son exil espagnol, d’abord comme troisième gardien à l’Atlético Madrid, à ses années de galère à Saragosse et Gérone, Bounou a forgé un mental d’acier et une personnalité affirmée. Son arrivée à Séville dans l’ombre de Tomáš Vaclík, puis son irrésistible ascension jusqu’au statut de titulaire indiscutable, ont scellé son conte de fées.
À Séville, «Bono» est devenu l’homme des arrêts miracles pour les supporters andalous.
Au-delà de ses matchs d’anthologie, il s’est constitué un palmarès: deux Europa League, des performances qui l’ont propulsé parmi les meilleurs portiers du monde aux côtés des Neuer, Courtois, Donnarumma ou Alisson.
Dans le même temps, celui qui restait dans l’ombre de Munir El Kajoui a su s’imposer comme numéro 1 en sélection nationale à partir de 2018. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute dans l’esprit de Walid Regragui: au moment de rédiger sa composition, il inscrit d’abord le nom de «Bono»... puis les dix autres.
Son départ vers l’Arabie saoudite et le tout-puissant Al-Hilal pouvait ressembler à une préretraite dorée. Certains y voyaient déjà le début de la fin. Ils vont devoir réviser leur jugement.
Sa Coupe du Monde des Clubs est tout simplement XXL: 24 arrêts décisifs en quatre matchs, dont 10 d’anthologie face à Manchester City. L’image de son duel stratosphérique avec Savinho a fait le tour du globe, diffusée en boucle dans les JT et relayée par la presse spécialisée. Les journalistes rivalisent de superlatifs pour saluer les performances du «Yachine marocain».
Alors, la FIFA aura-t-elle le courage de citer son nom parmi les prétendants au Trophée Lev Yachine? Figurera-t-il dans la short list des meilleurs gardiens de l’année 2025? Faudra-t-il encore d’autres exploits pour qu’il intègre le club très fermé de l’élite mondiale à son poste?
Le débat est lancé, depuis son pays. Car pour les Marocains, notre «Lev Yassine» national est déjà le numéro 1. Et s’il ne décroche pas les récompenses individuelles trustées ces dernières années par un certain Emiliano «Dibu» Martinez, il aura au moins gagné le plus précieux des trophées: celui du cœur de tout un peuple, qui admire le gardien… mais aussi l’homme.