Le Raja Casablanca, l’enfant terrible du football marocain

Le Raja de Casablanca propose à ses supporters 3 types de cartes d’abonnement pour cette saison:  Lla carte bronze (400 DH), la carte silver (700 DH) et la carte gold (1200 DH).

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ChroniqueLe Raja de Casablanca n’est pas un club comme les autres. Toutes les tentatives de le «normaliser» ont échoué, et c’est tant mieux : le Maroc du football a besoin de ce brin de folie, du côté rebelle de ses joueurs, de son public et de ses dirigeants.

Le 04/02/2025 à 16h09

Les enfants sages ne sont pas toujours les plus créatifs. Avec le Raja, tout est possible, le meilleur comme le pire. Il fait partie des clubs fondateurs de la Botola, sous l’égide de la Fédération Royale Marocaine de Football, et appartient au cercle restreint des clubs marocains qui n’ont jamais connu la relégation.

L’esprit Beatles ou Nass El Ghiwane des années 1960-70 a beaucoup marqué le public rajaoui. Amateur de spectacle et de petits ponts, il s’est régalé des prestations des équipes successives du Raja.

Les Verts ont développé un jeu chatoyant, où la beauté du geste l’emportait sur l’efficacité et le rendement. Si le Barça a promu le Tiki Taka, un jeu technique et collectif basé sur la possession, la vitesse d’exécution et les passes courtes, le Raja en avait développé une version primitive, où l’exploit individuel occupait une place prépondérante.

Au cours des vingt premières années post-indépendance, le Raja brillait en championnat sans pour autant gagner de titre. Il est vrai que les rajaouis peuvent s’estimer lésés du titre perdu en 1960.

Depuis, le club s’est contenté de deux Coupes du Trône en 1974 et 1977 et a vu régulièrement s’échapper le titre majeur de Champion du Maroc. Pourtant, l’équipe n’en était jamais éloignée.

Les supporters ne s’en plaignaient pas. Bien au contraire, le club continuait à les recruter et son audience se propageait dans les milieux populaires. L’embourgeoisement du rival Wydad, très en vogue auprès de l’élite d’origine fassie, permettait au Raja de conquérir un plus grand nombre de supporters.

C’est le premier groupe de supporters à avoir développé un cri de ralliement: le «Dima Raja» symbolise à merveille l’esprit rajaoui fait de fidélité et d’exigence.

Un premier virage aura lieu en 1988. Le Raja sera sacré champion du Maroc en renonçant un peu à ses principes de jeu, suivi une année plus tard d’un titre de champion d’Afrique qui fera date. Le Raja s’est imposé à Oran aux pénaltys au terme d’une brillante campagne marquée par le courage et la combativité.

Depuis, le club a changé. Dirigé par de brillantes personnalités du monde politique, de la société civile, par des dirigeants de fleurons de l’économie marocaine et même par des hommes de l’art, il s’est métamorphosé, devenant un des meilleurs représentants du football national au Maroc où il s’est largement rattrapé au palmarès et à l’international avec de mémorables participations à la Coupe d’Afrique et à la Coupe du Monde des Clubs, dont la dernière (en 2013) lui a valu une place en finale face au Bayern de Pep Guardiola.

Après une période de vaches maigres, le Raja a renoué avec les honneurs. Il a battu tous les records lors de la saison dernière. Outre une Coupe du Trône affectée à la saison précédente — au Maroc nous vivons encore avec une Coupe de retard — il a remporté la plus belle Botola de l’histoire.

Avec une moyenne de 2,40 points par match, il a battu tous les records: 21 victoires, 9 nuls et zéro défaite. C’est du jamais vu sur le plan national. Pourtant, la concurrence était rude: son poursuivant immédiat, l’AS FAR, a obtenu une moyenne de 2,37 qu’aucun champion n’avait obtenue auparavant.

Cette dynamique s’est brutalement cassée cette saison; en cause: une gouvernance défaillante, des changements brutaux dans l’encadrement technique, des départs de joueurs et — cerise sur le gâteau — la démission du Président.

M. Adil Hala s’était engagé à régler les problèmes financiers du club et à lever l’interdiction de recrutement qui le frappe. Il laisse le club sans perspectives sportives et encore moins managériales.

En championnat, le club est à la huitième place et multiplie les contre-performances; il est éliminé de la lucrative Ligue des Champions, une compétition qui a souvent réussi au Raja. Des ressources qui vont beaucoup manquer, compte tenu de l’endettement faramineux du club.

La Fédération n’a jamais manqué à ses devoirs envers les clubs; les polémiques dont le public raffole sur les réseaux sociaux sont souvent montées en épingle pour nuire. Comme celui qui prétend qu’il y a favoritisme au détriment du Raja.

Certains sont allés jusqu’à remettre en cause l’existence du troisième club le plus populaire du Maroc en termes de mobilisation du public: l’AS FAR — en décongelant des arguments des années 1960 — inutile d’y revenir.

La situation est sérieuse: le Raja est en danger. C’est un pilier de notre football; il nécessite un peu plus que des soins palliatifs. Les amoureux de la diversité du football marocain sont inquiets. Il faut réagir; les supporters du Raja risquent de perdre patience et priver le spectacle du football de leur générosité, leur humour et leur chaleur.

Il faut garder en tête ce que se plaisait à dire l’inoubliable Oscar Fullone. «Le public du Raja c’est un peuple». Il a tout dit.

Par Larbi Bargach
Le 04/02/2025 à 16h09