Quand Derradji affabule pour maquiller le défaut d’histoire de l’Algérie

Hafid Derradji, la plus célèbre brebis galeuse des caporaux au pouvoir à Alger, est dépité par les critiques dont il fait l’objet dans le Golfe depuis qu’il est devenu l’un des porte-voix de la junte algérienne.

Celui qui s’était pourtant autoproclamé opposant au pouvoir pendant des années, a décidé de «rentrer dans le marché de sa tête» ou, plus explicitement, de se tenir à carreau. On imagine le sacrifice que cela représente pour notre ami, lui qui voue désormais une haine féroce au Maroc. 

Les maîtres de Derradji sont visiblement très embarrassés par les vastes territoires dont les a généreusement dotés la France, pays qui ne considérait pas l’Algérie comme une colonie mais comme un territoire français au sud de la Méditerranée. L’Algérie française a amputé le Maroc de son flanc oriental et l’a facticement collé au pays qu’elle venait non seulement de créer, mais auquel elle a conféré un nom.

La junte déteste l’Histoire. Elle n’en a pas interdit l’enseignement, mais tente de la contrecarrer par un narratif imaginaire qui, à force de répétition, pourrait s’imposer aux Algériens comme une vérité pseudo-historique. A ce sujet, l’agence officielle APS, étant de plus en plus étiquetée comme une fabrique de fake news, il fallait multiplier les sources du mensonge et même recourir à celles dont les secteurs d’activité se situent à mille lieues de la chose politique. C’est ainsi qu’il a été ordonné au commentateur sportif Derradji d’abandonner le football et de devenir géographe. 

Derradji en géographe, cela promet. Et on ne sera pas déçus.

Il ouvre donc son ordinateur, trafique une carte du nord-ouest de l’Afrique et la publie sur son compte Twitter. Selon ladite carte, qui serait française datant de 1805, l’Algérie dominait la majorité de ce territoire et ses frontières atteignaient même l’Océan atlantique. Le Maroc ne gouvernait que sur la partie nord de son actuel territoire et le Sahara était contrôlé par l’Espagne. 

Le pauvre Derradji est l’incarnation même du «Hafid et Mafahemch» (celui qui apprend sans comprendre). À force d’absorber bêtement la propagande de la junte militaire d'Alger, qui cherche à substituer des fake news à l’implacabilité de l’Histoire, il se ridiculise.  

Et pourtant, l’Histoire est gravée dans le marbre. Les territoires que couvrent aujourd’hui l’appellation Algérie ont été de tout temps administrés par d’autres Etats. 

Le général Charles de Gaulle l’avait rappelé aux Algériens un certain 16 septembre 1959. «Car, depuis que le monde est le monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni, à plus forte raison, de souveraineté algérienne. Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes syriens, Arabes de Cordoue, Turcs, Français, ont tour à tour pénétré le pays, sans qu’il y ait eu, à aucun moment, sous aucune forme, un Etat algérien», avait déclaré le président de la République française dans un discours télévisé.

Quelques années plus tard, c’est l’actuel locataire de l'Élysée, Emmanuel Macron, qui a appuyé là où la junte au pouvoir devient hystérique. «La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française? Ça, c’est la question», a lancé le président français, le 30 septembre 2021, lors d’un déjeuner à l’Elysée en l’honneur de dix-huit jeunes issus de familles qui ont vécu la guerre d’Algérie.

En effet, avant les Français, la partie nord de l’actuelle Algérie n’était qu’une mosaïque de quelques comptoirs sur la mer, tous sous régence ottomane de 1587 jusqu'à 1830. Quant à l’immense région dite «Sahara oriental», la France a amputé territorialement le Maroc afin d’agrandir l’Algérie, alors composée de trois départements français. 

Ce que le commentateur sportif Derradji doit savoir, c’est que l’appellation même d’Algérie a été décrétée par le maréchal Soult en 1837. Autrement dit, c’est un Français qui a baptisé ce territoire coincé entre deux nations, la marocaine et la tunisienne, et sans doute qu’il n’a même pas égorgé de mouton le jour bienheureux de ce baptême. Hafid, avant 1837, il n’existait pas d’Algérie et encore moins la carte grossière, fantasmée par un pouvoir honteux de son défaut d’histoire.

La publication d’une carte fantasmée de l’Algérie par le sbire de la junte se veut une riposte aux revendications légitimes du Maroc sur le Sahara oriental. Cette carte fictive a un seul mérite: mettre à nu l’envie féroce des maîtres de Derradji d’avoir un accès à l’Atlantique.