Moroccan Dream

Des supporters du Wydad contre la Juventus en Coupe du monde des clubs, le dimanche 22 juin 2025 au Lincoln Financial Field de Philadelphie.. AFP or licensors

ChroniqueLe show américain, tout le monde l’attendait comme un feu d’artifice. Résultat: des pelouses parfaites, des stades clinquants, mais des tribunes vides. Les villes américaines, à quelques exceptions près, ont brillé… par leur solitude.

Le 25/06/2025 à 13h39

«Mon fils, si tu prends un bateau, tu vas tout droit dans la mer. Tu vas arriver en Amérique».

On a tous ri un jour devant cette réplique culte de Gad Elmaleh, cette mise en scène du rêve américain vue depuis la plage de Casablanca. Mais dans moins de six mois, ce seront peut-être les Américains qui diront à leurs enfants: «Mon fils, si tu prends un bateau, tu vas tout droit dans la mer. Tu vas arriver au Maroc, cette belle terre de football».

Car oui, après le semi-flop du Mondial des clubs aux États-Unis, ce sera au tour du Maroc d’ouvrir ses stades à l’Afrique, au monde. Et si cette Coupe du monde des clubs devait nous apprendre quelque chose, c’est bien que le football, le vrai, celui qui fait battre les cœurs, ne se fabrique pas à coup de millions ni dans les pixels d’un écran géant.

Le show américain, tout le monde l’attendait comme un feu d’artifice. Résultat: des pelouses parfaites, des stades clinquants, mais des tribunes vides. Les villes américaines, à quelques exceptions près, ont brillé… par leur solitude. Des matchs à midi sous une chaleur étouffante et une ambiance qui donne parfois l’impression d’être dans une salle d’attente.

Pendant ce temps, au Maroc, on n’a pas de Super Bowl, mais on a les dimanches de Botola, où même un match de bas de tableau peut retourner tout un quartier. À Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger, Fès et Agadir, la CAN ne sera pas un produit marketing, ce sera une affaire de voisinage, de fierté locale, de cafés bondés, de drapeaux accrochés aux fenêtres et de klaxons qui résonnent jusqu’à l’aube.

La leçon américaine est simple: un stade sans âme, c’est un théâtre sans public. On peut construire les plus belles enceintes du monde, si l’on oublie d’y inviter la passion, elles sonneront creux. Le Maroc doit faire exactement l’inverse et partir de ce qui nous unit. Oublier les effets spéciaux et miser sur le vrai: les gradins populaires, les billets abordables, les fan-zones où l’on sert du «khanez ou bnin» (ce fameux sandwich au thon vendu près des stades) et où les enfants jouent au foot entre deux matchs.

Et puis, il faudra penser au calendrier. Les Américains ont collé des matchs à midi. Au Maroc, à midi, on sieste ou on savoure les bons plats de «lwalida». Il faudra programmer les rencontres en fin d’après-midi, quand l’air devient respirable, que le ciel s’habille d’orange, et que le public peut chanter sans fondre comme une bougie.

L’Amérique a mis des milliards, mais elle a oublié l’essentiel, les passionnés. Le Maroc, lui, a les passionnés. Et ça, ça n’a pas de prix. On a les supporters, les enfants qui connaissent par cœur les onze titulaires, les anciens qui vous racontent les CAN’s de 1976 à aujourd’hui. On a les artisans qui fabriqueront des maillots (souvent en version contrefaite), les hypermarchés et autres marques qui distribueront les petits drapeaux en criant «Allez les Lions» à chaque client.

Ce que le Mondial des clubs a raté, la CAN au Maroc peut le réussir. Une communion, pas une consommation. Une fête, pas un produit. Un moment qu’on vit ensemble, pas qu’on regarde seul sur son canapé entre deux pubs pour des voitures qu’on ne pourra jamais s’acheter.

Alors oui, dans six mois, ce ne sera pas la NFL, ni la NBA, mais ce sera peut-être mieux. Ce sera vrai. Ce sera le Moroccan Dream.

Par Adil Azeroual
Le 25/06/2025 à 13h39