La mondialisation, la fin de la colonisation et les phénomènes de migrations qui les ont accompagnés, ont eu un impact important sur le football de sélection des pays africains et d’autres continents ayant subi le joug colonial.
En participant avec leurs parents à ce phénomène de migration, les enfants d’origine africaine, nés en Europe, ont pu bénéficier de formations et de structures d’accueil, notamment en football, qui leur ont permis de développer leur talent naturel dans un encadrement professionnel de haut niveau.
Un grand nombre de ces jeunes footballeurs ont succombé aux sirènes des sélections européennes et ont permis à leur pays d’adoption de briller en compétitions internationales. D’autres, en revanche, ont choisi de porter les couleurs du pays de leurs parents, transformant par leurs choix l’identité de leurs équipes nationales, notamment africaines.
En effet les sélections africaines sont devenues aujourd’hui des espaces où se côtoient des cultures, des traditions de jeu et des langues différentes. Au-delà de l’aspect folklorique, cette nouvelle donne a permis une amélioration du niveau global, une plus grande maturité dans le jeu et une mutation profonde, tant sur le plan technique que tactique du football dans le Continent-Mère.
Cette évolution, lente mais réelle, s’est développée au détriment du footballeur local, dans ce que l’on pourrait qualifier, sans adhérer au côté obscur du concept, un «grand remplacement».
Au début des années 1960, qui correspondent à l’aube des indépendances africaines, les équipes nationales en constitution se sont beaucoup appuyées sur les joueurs professionnels évoluant en France, au Portugal ou en Espagne.
C’est le cas de l’équipe nationale du Maroc, qui a affronté l’équipe nationale d’Espagne lors des barrages de qualification pour le Mondial du Chili 1962. Cet épisode a été de courte durée. Très vite, les joueurs évoluant dans les clubs marocains se sont imposés et ont formé le onze des Lions de l’Atlas.
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Jusqu’au début des années 1980, l’équipe du Maroc était constituée exclusivement de joueurs évoluant dans la «Botola» locale. Il est vrai que l’équipe de l’AS FAR, qui constituait l’ossature de l’équipe du Maroc, s’entraînait selon des normes et la rigueur des meilleures équipes professionnelles.
Son entraîneur, Guy Cluseau, qui était également sélectionneur national, disposait de ses joueurs tous les jours de la semaine. Un avantage qualitatif énorme, eu égard aux conditions «amateurs» d’entraînement des adversaires de l’époque.
La célèbre équipe de 1976, championne d’Afrique, et la seule couronnée à ce jour, ne comportait dans son effectif que des joueurs locaux. Avant elle, celle de 1970, la première africaine à s’être qualifiée aux phases finales d’une Coupe du Monde, également.
Blagoje Vidinic, entraîneur yougoslave des Lions de l’Atlas, avait même refusé de sélectionner le seul joueur marocain professionnel de l’époque, le demi défensif Abdelkhaleq Louzani. Ce dernier, devenu lui-même sélectionneur de l’équipe nationale, évoluait en Belgique et était passé par la grande équipe d’Anderlecht, avec laquelle il a remporté en 1965 la Coupe de Belgique.
Plus tard, en 1986, lors de la fameuse épopée du Mexique, Mehdi Faria a fait appel à quelques joueurs professionnels. Il ne trahissait pas l’esprit de ses prédécesseurs. En effet, bien que professionnels, ils étaient tous formés au Maroc et avaient évolué dans leur pays natal avant d’émigrer pour embrasser une carrière professionnelle. Aziz Bouderballa, Mustapha Haddaoui, Merry Krimau et son frère Mustapha, ainsi que d’autres ont été les précurseurs de cette époque.
À l’aube du 21e siècle, la courbe va complètement s’inverser. La quasi-totalité des joueurs de l’équipe nationale, à l’exception notable de Noureddine Naybet et des gardiens de but, étaient dans leur majorité nés et formés en Europe.
C’était une tendance qui concernait l’ensemble des pays africains. Elle comportait surtout un risque: celui de nuire au football local et aux compétitions internationales interclubs. C’est dans ce contexte qu’est né le Championnat d’Afrique des Nations en 2009.
Une compétition organisée par la Confédération Africaine de Football (CAF), dédiée aux joueurs évoluant dans leurs pays respectifs. En créant cette compétition, les promoteurs ont voulu donner une vitrine aux footballeurs des championnats africains et octroyer une chance aux joueurs locaux de s’exprimer à nouveau au niveau international.
Le Maroc, qui a eu l’occasion d’organiser la compétition une fois et de la remporter deux fois (2018 et 2021), en a profité pour étoffer sa vitrine de titres. Il est qualifié pour la prochaine édition.
Mais si le CHAN arrivait, tant bien que mal, à se faire une place dans le calendrier continental, la compétition est de moins en moins au centre des préoccupations.
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L’édition 2024 vient d’être reportée à août 2025, sans qu’une date précise ne soit indiquée. C’est bien dommage; la FRMF, qui a bien compris l’enjeu, va faire participer des jeunes. Sans phagocyter la CAN U-23 -la dernière édition a été remportée par le Maroc-, la Fédération envisage de sélectionner des jeunes de moins de 25 ans.
C’est une bonne nouvelle! Les deux éditions remportées par le Maroc n’ont-elles pas vu sortir du lot Ayoub El Kaabi et Soufiane Rahimi, et qui ont terminé meilleurs buteurs internationaux de l’année 2024, devant les Harry Kane et autres Erling Haaland?
Le CHAN, longtemps dénigré par l’élite du football africain, doit reprendre du poil de la bête. Il a un rôle: celui de valoriser de brillants joueurs pour de futures belles carrières. Vivement une date pour la prochaine édition.