Depuis l’été 2024, le Wydad de Casablanca a fait venir quatre joueurs binationaux, en provenance de France et des Pays-Bas. Le dernier en date, Fahd Moufi, a rejoint les Rouges en janvier 2025 en provenance du Hadjuk Split, club de première division croate. Une série de recrutements qui témoigne d’une tendance grandissante au Maroc: le retour aux sources de joueurs issus de la diaspora.
Quelques années auparavant, d’autres joueurs avaient déjà fait le choix de venir au Maroc, notamment Jamel Aït Ben Idir, passé par le Wydad, mais aussi le FUS de Rabat. Après avoir évolué dans plusieurs clubs français faisant partie de l’élite dont Le Havre (2008-2009) mais aussi Arles-Avignon (2010-2011) à l’époque en Ligue 1, l’ex-milieu de terrain a fait le choix de se tester au Maroc:
«J’avais fait un peu le tour en France et j’avais envie de découvrir une autre culture de jeu dans un grand club et avoir une expérience continentale. Mais je voulais aussi revenir au pays. C’était un challenge qui m’a énormément aidé sur le plan personnel».
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Un pari gagnant, puisqu’avec le WAC, il a remporté le titre national et la Ligue des Champions africaine en 2016-2017. Mais l’ex-Rouge, malgré sa proximité avec son pays, a dû s’adapter à une approche de jeu bien différente de celle qu’il connaissait:
«Je suis arrivé dans une équipe qui avait déjà gagné des titres, donc il y avait une certaine pression. De plus, ici, le football est plus individuel, plus centré sur le joueur en lui-même. En France, je fonctionnais avec l’idée du collectif. J’ai du m’adapter».
Malgré la pression, Aït Ben Idir a su tirer profit de son passage en Botola Pro, au point de poursuivre son engagement dans le football marocain après sa carrière en travaillant avec la Fédération royale marocaine de football.
«Quand le Raja m’a appelé, je n’ai pas hésité une seule seconde»
— Yasser Baldé
Né à Brignoles en France, Yasser Baldé, Guinéen par son père, et Marocain par sa mère, a fait le choix fort de rejoindre le Raja de Casablanca après plusieurs années en France, notamment en Ligue 2, au Stade Lavallois:
«J’avais envie de voir autre chose, et lorsque la possibilité s’est présentée de venir jouer en Botola, dans un pays qui m’est cher et en plus au Raja, je n’ai pas hésité une seule seconde (...)».
De passage à Mohammedia avec la sélection guinéenne, en vue de préparer la rencontre face à l’Algérie dans le cadre des éliminatoires pour le Mondial 2026, le Marocain avait déjà un avant-goût de la ferveur de la Botola, avant même d’enfiler le maillot des Aigles Verts:
«Je suivais le duel entre le Raja et les FAR pour la course au titre. Je savais déjà que le Raja était une grande équipe, composée de grands joueurs (...) Le monde entier connait le Raja, et j’ai un énorme respect pour ses supporters».
Et malgré la compétitivité du championnat et le niveau de son club, Yasser Baldé admet que la Botola n’est pas toujours la première option pour les joueurs à double nationalité:
«C’est très difficile de rivaliser avec l’Europe, notamment avec la Champions League et les autres grands championnats. La preuve, beaucoup de joueurs locaux finissent par jouer là-bas, avoue Baldé, mais cela ne veut pas dire que des joueurs à double nationalité ne veulent pas venir contribuer au développement du championnat et du pays. C’est difficile, mais pas impossible».
Pour le défenseur central, la Botola est un «championnat homogène, mais ce qui le rend compliqué, c’est surtout l’exigence des supporters. Tout le monde peut battre tout le monde. Il n’y a pas de matchs faciles ici».
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Un retour au pays qui dépasse le football
Pour Jamal Waalam, journaliste sportif franco-marocain, l’afflux de joueurs binationaux en Botola ne se limite pas à une simple évolution sportive: «Il y a un mouvement qui s’inscrit dans la dynamique sociétale du retour de certains Marocains résidents à l’étranger (MRE), comme un phénomène de mode qui pousse à participer au grand boom économique et social que connait notre pays, initié par le Roi».
Le Maroc voit aussi son football gagner du terrain. Les clubs marocains, à l’image du Wydad, de la Renaissance de Berkane, de l’AS FAR ou encore du Raja, se structurent et attirent des profils différents:
«Tous ces clubs ont progressé au niveau des infrastructures, de la gestion des joueurs étrangers, ou encore de la communication, commente le journaliste sportif. Ils peuvent donc séduire des joueurs qui n’auront peut-être pas de carrière internationale, mais aussi ceux qui cherchent à gagner des titres continentaux».
«Un joueur peut disputer le titre continental, et donc, la Coupe du Monde des Clubs»
Si la Botola ne peut être comparée aux championnats européens, elle reste une référence sur le continent africain: «Il y a un écart avec l’Europe, c’est certain, concède Waalam, mais l’avantage de la Botola c’est qu’en Afrique, c’est l’un des meilleurs championnats. Ici, un joueur peut disputer le titre continental, et donc éventuellement, la Coupe du Monde des Clubs».
Si l’attrait du retour aux sources et des compétitions africaines séduit déjà, le championnat devra encore se structurer pour rivaliser avec d’autres ligues. Entre développement des clubs et infrastructures modernisées, le Maroc a tous les atouts pour attirer toujours plus de talents de la diaspora, pour s’imposer davantage sur la scène continentale, mais aussi au niveau international.