Droits humains et sport: un chantier stratégique pour le Maroc

Aziz Daouda.. khadija Sabbar / Le360

ChroniqueLa Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du Monde 2030 imposent au Royaume de renforcer et de moderniser son cadre juridique et institutionnel en matière de respect des droits humains dans le sport.

Le 30/06/2025 à 14h17

Le Conseil de l’Europe, en collaboration avec le Ministère de l’Enseignement préscolaire et des Sports, et avec l’appui de l’ambassade de Suisse auprès du Royaume, a organisé à Rabat, les 23 et 24 juin derniers, une conférence consacrée aux droits humains dans le sport. Y ont été conviés l’ensemble des départements et administrations concernés, le mouvement sportif national, ainsi que des chercheurs spécialisés dans le domaine.

Ce choix de date n’est pas fortuit. Il intervient à quelques mois de la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et à quelques années de la Coupe du Monde de football que coorganiseront le Maroc, l’Espagne et le Portugal. Ces événements sportifs majeurs imposent au Royaume de renforcer et de moderniser son cadre juridique et institutionnel en matière de respect des droits humains dans le sport.

Pour le Conseil de l’Europe, le sport ne se résume pas à une simple activité physique ou sociale. Il représente un véritable vecteur de promotion des droits humains, porteur de valeurs universelles telles que le respect, la non-discrimination, la solidarité et la justice. Cette vision s’appuie sur plusieurs conventions internationales majeures: la Convention de Macolin, la Convention contre le dopage et la Convention de Saint-Denis. Ces instruments juridiques constituent la pierre angulaire de l’engagement du Conseil pour un sport éthique, sûr et inclusif.

Le Maroc a déjà signé la Convention de Macolin, en attente de ratification, et a adhéré aux dispositions de la Convention contre le dopage. Il demeure en revanche observateur pour ce qui concerne la Convention de Saint-Denis.

La conférence de Rabat a été l’occasion d’exposer ces cadres juridiques, de les expliciter et d’en débattre, tout en faisant le point sur les progrès réalisés par le Royaume. Après les interventions des représentants du Ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, du Ministère de la Justice, du Ministère public, de la Fédération Royale Marocaine de Football, de l’ambassadeur de Suisse et de la cheffe du Bureau du Conseil de l’Europe à Rabat, plusieurs experts se sont succédé pour approfondir les enjeux.

Le professeur Younes Lazrak Hassouni a présenté le cadre juridique marocain relatif aux droits humains dans le sport. La docteure Fatima Abouali, présidente de l’Agence Marocaine Antidopage, a exposé l’engagement de l’AMAD en faveur du respect des droits fondamentaux. Elle a rappelé que la Convention contre le dopage, adoptée en 1989 et complétée en 2002, vise à préserver la santé et l’équité sportive en éradiquant une pratique considérée à la fois comme une menace pour la santé des sportifs et une violation de l’éthique. Elle soutient ainsi le droit à un sport sain, équitable et respectueux de la dignité humaine.

Le directeur général de la Marocaine des Jeux et des Sports, Younes El Mechrafi, a abordé pour sa part la problématique des paris illégaux à la lumière de la Convention de Macolin, adoptée en 2014. Ce texte vise à renforcer la coordination nationale et la coopération internationale dans la lutte contre la manipulation des compétitions sportives, qu’elle soit liée à des activités criminelles ou aux paris, et ce, afin de garantir l’intégrité du sport et un environnement équitable pour les athlètes comme pour les spectateurs.

Les interventions marocaines ont été complétées par celles d’experts européens. Elena Caser, de la Division Sports du Conseil de l’Europe, a présenté les axes prioritaires de l’organisation pour préserver l’intégrité des pratiques sportives. Nicolas Sayde a détaillé la mise en œuvre concrète de la Convention de Macolin, à l’appui d’exemples pratiques. Marie Françoise Glatz, secrétaire de la Convention de Saint-Denis, a exposé les principes de ce texte, qui repose sur une approche intégrée et multi-institutionnelle de la gestion sécurisée des manifestations sportives. Paulo Gomes, chef de l’unité dédiée à cette Convention, a souligné sa valeur ajoutée pour le Maroc, notamment dans la perspective du renforcement du cadre juridique et de la sécurisation des grands événements à venir.

L’objectif de cette séquence était clair: convaincre le Maroc d’adhérer pleinement à la Convention de Saint-Denis. Il s’agit, à ce jour, du seul instrument international juridiquement contraignant en matière de sécurité, de sûreté et de qualité des services lors des manifestations sportives. Il encourage une collaboration étroite entre acteurs publics, opérateurs privés et supporters pour garantir des événements accueillants, sûrs et respectueux des droits humains, notamment en matière de lutte contre la violence, le racisme et les discriminations.

Cette convention a suscité de nombreux échanges, notamment parmi les représentants du Ministère de la Justice, du Ministère public et de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale, dans un contexte où le Maroc est en pleine réforme de son arsenal juridique, conformément aux cahiers des charges de la CAN 2025 et de la Coupe du Monde 2030.

Au-delà des instruments internationaux, le Maroc se distingue par le fait d’avoir inscrit le sport et l’activité physique dans sa Constitution. Ils y sont consacrés comme un droit pour le citoyen et une obligation pour l’État. L’activité physique constitue un pilier fondamental de toute politique de santé, tant physique que mentale. Le sport, quant à lui, dépasse la seule dimension ludique pour jouer un rôle social, politique, géopolitique, et économique. Il représente un secteur structurant, contribuant significativement au PIB, directement ou indirectement.

Le Royaume s’est doté d’un socle normatif solide: la loi n° 30-09 relative à l’éducation physique et au sport, la loi n° 84-12 encadrant l’organisation des activités sportives, la loi n° 09-09 contre la violence dans les stades, et la loi n° 97-12 sur la lutte antidopage, accompagnées du décret d’application n° 2-10-628 de 2011.

Ce cadre juridique ambitionne de faire du sport un espace de respect, d’équité et de solidarité, en adéquation avec les principes universels des droits humains. La bonne organisation des compétitions, la lutte contre le dopage et contre la violence constituent les trois piliers d’un sport intègre, sain, sécurisé et porteur de valeurs.

C’est cette vision globale, fondée sur la dignité, l’éthique et l’inclusion, qui place désormais le sport au cœur des politiques publiques de promotion des droits humains. En cela, il devient un levier puissant pour bâtir une société plus juste, solidaire et inclusive.

La tenue de cette conférence à Rabat témoigne enfin de la volonté du Maroc de s’aligner sur les standards internationaux les plus exigeants et de consolider sa coopération avec ses partenaires, notamment l’Union européenne et ses instances spécialisées.

Par Aziz Daouda
Le 30/06/2025 à 14h17