Et sinon, on joue quand?

Walid Regragui, sélectionneur national

ChroniqueLe Maroc ne peut pas se contenter de gagner. Il doit dominer, imposer, impressionner. L’Algérie, l’Égypte, le Sénégal, le Nigeria ou l’Afrique du Sud ne nous feront pas de cadeaux.

Le 08/06/2025 à 16h16

Avant toute chose, votre serviteur tient à présenter ses plates excuses. À son employeur, bien sûr. Aux lecteurs du 360 Sport, évidemment. Vendredi, pas de chronique. Disparue. Envolée. Volatilisée comme les promesses d’un entraîneur en conférence de presse. Un silence inhabituel qui, je le confesse, a pu inquiéter. Mais qu’on se rassure: ce n’était ni une grève, ni une panne d’inspiration, ni même un coup de chaleur prématuré. Non, mon absence était justifiée. Laissez-moi vous expliquer.

Le Maroc a battu la Tunisie. Deux buts à zéro. MAROC: 2 – TUNISIE: 0! Pincez-moi! Allons, allons, ce n’est quand même pas une phrase banale. Et ce n’est pas non plus comme s’ils l’avaient emporté par un petit 1-0 contre le Lesotho! C’est la Tunisie!!!! Oui, je vois d’ici votre air étonné et devine l’interrogation qui vous taraude l’esprit: «Mais qu’est-ce que cela a à voir avec la disparition inopinée de ses écrits?». Mais tout, pardi! C’est simple: sitôt le coup de sifflet final retenti, j’ai pris une décision ferme, souveraine et irrévocable: je me suis offert un congé. Oui, un congé post-victoire. Je suis resté à Fès, terre bénie de cette gloire retrouvée, jusqu’au dimanche.

À événement exceptionnel, congé exceptionnel. J’aurais pu réclamer deux semaines, une par but marqué. Et celui d’Ayoub El Kaabi pouvait même compter double. Mais j’ai eu la décence de ne pas aggraver ma dette professionnelle, ni provoquer mes amis tunisiens.

Maintenant, effacez tout. La vérité, c’est que ce succès cache un malaise profond. Malgré ce 2-0, j’ai sombré dans une profonde dépression: la neurasthénie (merci Wikipédia). Le jeu proposé par les Lions m’a plombé le moral. L’absence de Brahim Diaz a creusé un vide. Animation offensive en panne, milieux sans projection, Saibari perdu entre les lignes... Une victoire, certes, mais une victoire creuse.

En première période, le Maroc a monopolisé le ballon… pour quoi faire? Rien. Le jeu était lent, stérile, dénué de verticalité. Les transmissions étaient scolaires, sans tranchant. Ounahi, Amrabat et El Khannouss se sont contentés de faire tourner le ballon, sans réelle volonté de casser des lignes. Ismaël Saibari, pourtant plein de promesses, a été perdu entre les lignes. Pas un appel tranchant, pas une percée. La Tunisie, bien en place, n’en demandait pas tant.

Ce n’est qu’en seconde mi-temps, grâce à l’entrée de Rahimi et à la percussion d’El Kaabi, que le Maroc a enfin trouvé un peu d’allant.

À quelques mois de la CAN à domicile, le chantier est immense. Regragui et son staff doivent définir une identité offensive claire: projection rapide, complémentarité entre les lignes, variété des circuits, et surtout, pression constante sur l’adversaire. Pas de jeu figé. Pas de possession inutile. Du tranchant, du rythme, de l’envie.

Car pour battre des blocs bas, comme celui que la Tunisie a proposé, il faut plus qu’un talent brut: il faut un plan. Et pour le moment, ce plan reste flou, bancal, hésitant.

En conférence de presse, Walid Regragui a préféré bomber le torse: «C’est notre onzième victoire de suite, on veut battre un record contre le Bénin». Très bien, coach. Mais les records ne font pas les légendes. S’il en avait remporté seulement quatre de plus, mais en janvier 2024 à la CAN, il aurait déjà sa statue au musée du football national.

Alors oui, savourons. Mais surtout, exigeons mieux. Car le Maroc ne peut pas se contenter de gagner. Il doit dominer, imposer, impressionner. L’Algérie, l’Égypte, le Sénégal, le Nigeria ou l’Afrique du Sud ne nous feront pas de cadeaux. Et pour rêver en grand, il faudra bien plus que des victoires tirées par les cheveux.

Par Adil Azeroual
Le 08/06/2025 à 16h16