Le centre de gravité du football bascule, une opportunité à saisir

Quelques soient les préoccupations, dans lesquelles sont plongées les sociétés contemporaines, dès qu’il s’agit de football, le monde s’arrête. Joe Biden, Président des Etats Unis, a écourté un discours important pour permettre, au premier ministre marocain, d’assister avec ses collègues, au match qui allait opposer le Maroc à la France, lors du Mondial au Qatar. C’était pourtant une conférence importante, organisée par la Maison Blanche, à Washington. Un Imam s’est retrouvé quasiment seul à la mosquée pour conduire les prières surérogatoires du «tarawih» un soir de Ramadan. Les fidèles s’étaient absentés pour un clasico Real-Barça programmé en même temps. Shakira, la fameuse chanteuse colombienne, s’est présenté avec 1h30 de retard à un concert Mawazine pour cause de finale de Ligue des Champions à laquelle participait son amoureux de l’époque, Gérard Piqué. Personne ne lui en a tenu rigueur dans le public. Autant d’exemples de la centralité du football dans le quotidien d’une grande partie de l’humanité. Longtemps confinée à des espaces limités, on ne suivait que les matchs de son club de quartier ou de son équipe nationale, cet intérêt pour le football est de plus en plus universel et touche des franges de la société que l’on a toujours considérées comme fermées à cette pratique sportive. Les femmes s’y sont mises pour devenir fans et se déplacent régulièrement aux différents stades du monde entier. Elles sont même devenues expertes et commentent, avec un niveau de connaissances non négligeable, des compétitions et des matchs à enjeux.

En expansion permanente, le football a conquis de nouveaux espaces géographiques. Il s’est imposé partout et souvent comme le sport le plus important et le plus populaire. Né au Royaume Uni, son centre de gravité a longtemps été situé là-bas. Il en a gardé les stigmates et aujourd’hui encore ce pays est le seul à bénéficier de 4 équipes nationales gérées par 4 fédérations distinctes. Le Royaume Uni est membre permanent de l’ONU, il est représenté à la FIFA par l’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande. Les Etats Unis avec leurs 50 états ou la Fédération de Russie avec ces 22 républiques ne sont représentés que par une seule équipe nationale.

La zone d’influence sportive du football a d’abord concerné l’Europe, et ses colonies. Elle s’est ensuite étendue vers l’Amérique du Sud qui se l’est approprié pour le réinventer et en faire un spectacle de haute facture. Le football découvrait le soleil et la joie de vivre.

Pendant de longues années, il est resté confiné entre ces deux parties du monde.  La Coupe du Monde, sa compétition phare était organisée soit en Europe, soit en Amérique du Sud. Il a fallu attendre 2002 pour voir un autre continent abriter un mondial, c’était en Asie, et 2010 pour voir l’Afrique bénéficier de ce privilège. En ce qui concerne les titre, l’hégémonie Europe-Amérique du Sud est toujours de mise. Seul la Corée du Sud, en 2002 pour l’Asie et, le Maroc, en 2022 pour l’Afrique, se sont rapprochés du graal. Ils ont atteint les demi-finales du prestigieux tournoi.

Ce n’est pas une question d’hommes. Il suffit d’observer les compositions des équipes nationales, qui participent à l’Euro, pour se rendre compte que beaucoup de joueurs des équipes nationales européennes sont d’origines africaines. Les grosses cylindrées sont toutes concernées. Allemagne, Espagne, Angleterre, Pays-Bas ou France. Pour les Français, 17 joueurs sur 26 sont d’origines africaines, un pourcentage significatif. Ils sont en général nés en France et ont tous été formés au sein des centres de formation de la fédération française. Une excellente école au demeurant. C’est une donnée dont il faudra tenir compte pour l’avenir.

Une autre statistique devrait interpeller les observateurs du football mondial. Elle concerne l’émergence de nouveaux championnats dans le monde. Ils peuvent modifier les équilibres actuels. Rien que pour l’Euro 2024, 14 joueurs internationaux appartiennent à des clubs saoudiens et un autre à un club qatari. Cristiano Ronaldo, l’homme aux 5 ballons d’Or et la superstar du football portugais en fait partie. Il n’est pas seul, d’autres joueurs connus, participent à la Saudi Pro League. Aymeric Laporte, le Français de l’équipe d’Espagne, le Croate Brozovic, le Belge Carrasco, le Hollandais Wynaldum, le Serbe Milunkovic-Savic et le Turc Démiral sont les plus médiatiques d’entre eux.

C’est une question d’argent, les Saoudiens n’en manquent pas, mais c’est aussi une question de visibilité. On peut imaginer des championnats comme la Premier League égyptienne ou même la Botola Pro attirer de grands joueurs européens ou sud-américains un jour prochain. Pourquoi pas? La perspective d’avoir des stades et des centres d’entrainements aux meilleures normes internationales nourrira de nouvelles ambitions pour les clubs marocains. Il faudra pour cela respecter une feuille de route dans laquelle la formation occupe une place privilégiée. La dynamique crée par les résultats de l’Académie Mohammed VI ne peut pas rester sans suite. Elle ne doit pas se limiter aux joueurs. Les entraineurs, les préparateurs physiques, les médecins du sport et autres métiers du football sont à encourager également. Ce n’est pas qu’une question de football, mais aussi d’économie. Le sport bien géré est source de revenus, les investissements bien pensés source de bénéfices.