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La parenthèse enchantée

Karim Boukhari. © Copyright : DR
Le spectacle, ce n’est pas le match, mais nous. Nous, les gens. Nous, les autres.
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Les Lions de l’Atlas ont fait des miracles. Grâce à eux et à leur parcours magnifique, j’ai pu serrer la main, enlacer et embrasser des dizaines, peut-être des centaines d’inconnus. Ces inconnus sont devenus, le temps d’une explosion de joie, les meilleurs de mes amis.

Mais une amitié rapide, non calculée, aussi foudroyante qu’éphémère.

Il y a des gens à qui je n’ai jamais osé parler. Par timidité, réserve naturelle ou méfiance. Soudain, ils sont devenus mes confidents. On dialoguait, on s’épanchait sur les sujets les plus divers, on devisait. Et on se consolait: «Alors, et les enfants? Et ce petit plâtre au pied? Et cette pluie torrentielle? Et cette défaite imméritée? Et cet arbitre? Et la VAR? Et la petite famille?»

Il y a les SDF du coin, que l’on appelle les «kwella» (sniffeurs de colle). Avant, quand ils occupaient un trottoir, il fallait traverser la rue pour éviter leurs regards, leurs demandes. Grâce aux Lions de l’Atlas, je venais naturellement à eux. Je me rendais enfin compte de leur humanité, de leur normalité. Pour la première fois, je les écoutais, je les dévisageais, je faisais attention aux traits de leurs visages, je m’inquiétais de savoir s’ils avaient mangé.

Grâce aux Lions, je ne fuyais plus la foule, mais cherchais à m’y glisser, m’y fondre. J’ai marché au milieu de la procession qui descendait la rue et grossissait comme une boule de neige. Je participais à cette mixité sociale si rare, je me laissais prendre en photo avec des gens que je ne reverrai jamais, j’embrassais des têtes, des épaules, quelques mains aussi.

Grâce aux Lions, j’ai enfin compris pourquoi les gens s’entassaient dans les cafés et les bistros pour regarder un match de football. J’ai parfois fait partie de cette masse, cette faune, cette marée humaine, ce bloc uni et solidaire. Le plus important ici, ce n’est pas la qualité du spectacle mais cette solidarité, justement, cet incroyable et si solide maillage humain. Le spectacle, ce n’est pas le match, mais nous. Nous, les gens. Nous, les amateurs de sensations fortes. Nous, les autres.

J’ai compris pourquoi j’adhérais comme une colle à ce maillage. Les soirs de victoire, l’explosion de joie est célébrée comme la chose la plus importante au monde. Une sensation unique, indescriptible. Et puis les soirs de défaite, le malheur est plus supportable quand il est partagé. Le malheur est divisé, amorti, dilué. Le maillage fonctionne comme un bouclier qui vous protège même des coup-francs vicieux, des scandales d’arbitrage, de la glissade d’El Yamiq qui amène le premier but de la France contre le Maroc.

Grâce aux Lions, je nageais dans cette atmosphère irréelle, un air de fiction, un conte de Noël, une plongée fantastique dans le monde de l’innocence, de l’enfance. Tout le beau devenait fraternel, souriant, délicat, agréable, attentionné, confiant, optimiste, aimant. Et solidaire, surtout.

Par Karim Boukhari
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