Il faut faire des efforts pour dénicher des aspects positifs après ces deux matchs amicaux face à l’Angola et la Mauritanie, les derniers tests avant l’arrivée des affaires sérieuses (éliminatoires du Mondial). Après le bide de la dernière CAN, le Maroc ne s’est pas rassuré.
L’autre objectif, celui de procéder à une large revue d’effectif, n’a pas franchement été atteint non plus. Si Regragui a mis à l’essai un revenant (Rahimi) et quelques nouveaux venus (Diaz, Ben Seghir et les autres), il n’a pas offert de temps de jeu à des garçons comme Dari, Chibi et surtout Lekhdim-Enriquez. D’où l’interrogation: mais pourquoi donc les a-t-il convoqués? Ont-ils donc perdu leur place avant même d’avoir eu une chance de s’exprimer? Et, en ce qui concerne Lekhdim, l’a-t-on seulement convoqué pour se familiariser avec le groupe, sans plus?
Diaz et Ben Seghir ou les arbres qui cachent la forêt
Peu de garçons ont gagné des points à l’issue des deux tests. Diaz et Ben Seghir, même s’ils ont contribué à la cacophonie générale en multipliant les arabesques en pure perte, ont malgré tout montré qu’il faudra compter avec eux. Leur bail avec les Lions de l’Atlas ne fait que commencer.
Mais le garçon qui a gagné le plus de points s’appelle… Saïss. Oui, à la surprise générale. Ses remplaçants, Riad et surtout Abqar, ne l’ont pas fait oublier. Bien au contraire. Même sans jouer, Romain a rappelé à tous que dans le jeu aérien, dans l’anticipation et le duel dans les airs et au sol, personne n’est au-dessus de lui.
Passons à présent à ceux qui ont perdu des points. Ils sont nombreux. A commencer par trois «vedettes» du onze-type: Ounahi, Ziyech et Hakimi.
Ounahi, on l’a déjà dit et répété, mérite un passage sur le banc. Depuis sa blessure au pied au retour du Mondial, il a beaucoup perdu de ses qualités physiques et de son jeu en mouvement. Techniquement, sa nonchalance balle au pied ne passe plus. Et tactiquement, il semble perdu entre des tâches défensives qu’il n’arrive plus à assumer, faute d’impact, et ses «aspirations» offensives. Où sont passées ses frappes soudaines et cadrées, ses jaillissements sur les deuxièmes balles, ses percussions, ses passes au laser?
A l’heure actuelle, Ziyech ne représente pas une solution mais un problème. Pourquoi? D’abord parce que le garçon dispose, depuis un bon moment, d’un temps de jeu famélique en club et que cela se voit sur le terrain. Il a tendance à «camper» en attendant les ballons. Et il n’a plus ce coup de rein nécessaire pour gagner des mètres. C’est désormais un garçon statique qui joue par à-coups. Prévisible dans ses (rares) déplacements, il ralentit le jeu. Et son entente avec les nouveaux arrivants est proche du néant.
Que dire de Hakimi? Souvent brillant en club, où il est canalisé par des consignes strictes (pour savoir quand il faut monter, descendre, combiner ou centrer, frapper, coulisser…), il joue facile en équipe nationale, sans bride et surtout sans application. Comme Ziyech et Ounahi, son déchet est trop important. Regardez ses frappes, ses centres, la manière dont il conclut systématiquement mal ses actions.
Chef d’orchestre, où es-tu?
Les problèmes du trio Hakimi–Ziyech–Ounahi renvoient, évidemment, à Regragui. Et si Diaz et Ben Seghir brillent en club, et semblent impuissants en sélection, les regards se tournent là aussi vers le chef d’orchestre. Comment mettre en musique et accorder les violons de tous ces solistes? Comment créer un ordre et un cadre pour les faire jouer ensemble? Comment imposer une hiérarchie même dans les balles arrêtées?
En dehors de l’idée, intéressante en théorie mais pas convaincante sur le terrain, d’avoir tenté le coup Rahimi en pointe, le coach a donné l’impression de subir les événements. Conscient que son équipe doit apprendre à procéder par attaques placées, à imposer son jeu, à contourner des blocs très bas, Regragui tâtonne encore et encore. Comme lors de la dernière CAN.
Son «truc» à lui, c’est le fameux 4-1-4-1 et le jeu en transition, qui avaient fait son succès même en club. C’est l’idéal quand son équipe subit ou abandonne le ballon à l’adversaire, parce qu’il dispose de joueurs de course et d’avaleurs d’espaces. C’est ce qu’on a vu au Mondial, où le Maroc était opposé à des adversaires qui lui étaient théoriquement supérieurs.
Mais cette page, il faut la tourner et passer à autre chose. Ce n’est pas seulement le dispositif tactique qui doit évoluer, mais la philosophie de jeu.
A la CAN, et face à des blocs compacts et des défenses regroupées, Regragui n’a pas su reformater son collectif et l’amener à prendre le jeu à son compte. Comme son équipe, il ne sait pas ou n’aime pas avoir le ballon et «dominer». Il va pourtant devoir l’apprendre pour s’éviter de nouvelles désillusions face à nos futurs adversaires africains.
La clé, pour commencer, consiste à remettre en cause quelques cadres (rien n’interdit de mettre les Ounahi et Ziyech sur le banc) pour faire jouer la concurrence, et à canaliser l’énergie de ses meilleures lames, les Hakimi, Diaz ou Ben Seghir, qui ont passé leur temps, lors des deux matchs tests, à se marcher sur les pieds.
Oui, les grands joueurs sont parfois capables, d’instinct, de jouer ensemble. Mais à condition de définir un cadre, un schéma, où chacun connait sa tâche et son périmètre d’action.
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